Attention à l’Empire US sur le déclin

Attention à l'Empire US sur le déclin – Actes insensés, autodestructeurs, une attaque nucléaire contre l'Iran n'est absolument pas « Off The Table » (exclue).

Le bon sens qui prévaut actuellement à Washington c’est que les Etats-Unis sont trop enlisés en Irak pour envisager une action militaire risquée contre l’Iran ou – D. nous préserve – la Corée du Nord. Des analystes politiques décrivent l’armée américaine comme étant « dépassée par les problèmes « ou « sur le point de rupture ». On présuppose que le Pentagon dit à G.W.Bush qu’il ne peut envisager une nouvelle opération militaire majeure.
On ajoute à ces analyses pessimistes des capacités militaires des US, une affirmation très répandue que le « nouveau réalisme » prévaudrait aux échelons les plus élevés de l’administration, que les « réalistes » prudents comme la secrétaire d’état Condoleezza Rice se sont imposés face aux néo conservateurs soufflant le feu. Donc : pas d’attaque contre l’Iran ou la Corée du Nord.

Mais je ne suis pas preneur.

Tout comme un empire en pleine ascension comme l’était l’empire américain à la veille de la guerre en Irak a souvent tendance à mener des actions imprudentes irréfléchies, de même des empires sur le déclin, comme les empires britannique et français après la deuxième guerre mondiale vont s’engager dans des actes insensés, auto destructeurs. Et je pense que la même chose peut arriver aux Etats-Unis actuellement, comme l’empire américain lui aussi est sur le déclin.

Le déclin d’un empire peut être quelque chose de difficile et pénible pour les élites impériales touchées. Ceux qui sont habitués à exiger soumission et respect de leurs sujets et de pays de puissance moindre, sont souvent mal préparés à affronter l’indifférence et le dédain. C’est encore plus difficile pour eux de dépasser le présupposé encré depuis longtemps que leurs vassaux sont inférieurs : mentalement, moralement, et plus.

La première erreur rend les élites en déclin extraordinairement susceptibles à ce qu’elles perçoivent comme des affronts, ou des insultes de la part de leurs anciens sujets ; la seconde conduit souvent les élites à sur estimer leurs propres capacités et sous estimer celles de leurs anciens sujets – une erreur souvent fatale. Ces deux erreurs d’appréciation se combinent souvent et mènent à un état d’extrême préparation pour frapper en réponse à ce qui est perçu comme une insulte coïncidant en même temps avec un sentiment de supériorité militaire ( éventuellement illusoire).

La bourde de Suez

L’un des exemples les plus spectaculaires d’un tel mauvais calcul à l’époque moderne – un exemple particulièrement illustrateur – c’est la crise du Canal de Suez de 1956. La crise a commencé en juin 1956 quand le président égyptien Gamal Abdel Nasser, en colère après l’échec de l’Occident à soutenir la construction du grand barrage d’Aswan sur le Nil, a nationalisé le Canal de Suez alors propriété d’une compagnie franco britannique et longtemps perçue comme le symbole dominant de l’empire britannique.

Une réponse raisonnée franco britannique à la décision de Nasser aurait été de négocier une restitution dans la dignité du canal (comme le président Jimmy Carter l’a fait en 1977 avec le Canal de Panama, supprimant ainsi une cause de tension dans les relations US – Amérique Latine). Mais non : c’était trop pour leur dignité de négocier avec un populiste comme Nasser. Au lieu de cela, avec en tête des images toujours fraîches de leur grandeur impériale, les britanniques et les français se sont embarqués le 29 octobre 1956 dans une invasion de l’Egypte (incluant sagement les israéliens pour les soutenir).

Alors la deuxième erreur a été commise. De ce qui peut être reconstruit aujourd’hui, cela n’est jamais venu à l’esprits des dirigeants britanniques et français que leurs anciens sujets s’aviseraient de résister à des armées modernes européennes, et pour eux la victoire devait se faire en douceur. Au lieu de cela, cela a été une véritable débâcle. Les anglais et les français n’étaient pas suffisamment nombreux et de loin, et les égyptiens n’ont pas crié « Oncle » en voyant l’Union Jack la première fois.

Désespérés, les Britanniques et les Français – qui avaient d’abord refusé toute aide américaine – ont imploré une assistance américaine auprès du président de l’époque Dwight D. Eisenhower. Ayant vu de quel côté le vent soufflait au Moyen Orient, il a décidé qu’il valait mieux abandonner ses alliés de l’OTAN plutôt que de soutenir les vieux impérialistes dans une bataille contre le nationalisme pan arabe (qui aurait pu alors choisir de s’allier avec Moscou). Et ainsi, les britanniques et les français ont été obligés de se retirer de manière particulièrement humiliante.

Il y a de nombreuses ressemblances entre cet épisode historique extraordinaire et la situation à Washington aujourd’hui. Une nouvelle fois, une ancien état sujet – dans ce cas là l’Iran – fait un pied de nez à ses anciens maîtres impériaux – la Grande Bretagne et les Etats-Unis (qui ensemble avaient mis au pouvoir en 1953 le Shah ce mégalomane). Une nouvelle fois, le résultat a été un malaise extrême et de la détresse. Oui, je reconnais que la poursuite par l’Iran de la technologie nucléaire pose une menace différente de celle de la saisie par l’Egypte du Canal de Suez (bien qu’à écouter les britanniques ce n’était pas un danger stratégique moins important).

Mais il reste néanmoins un aspect symbolique à toute cette crise qui ne peut pas être complètement ignoré. Une nation en développement, autrefois soumise, se confronte à la plus grande puissance mondiale que le monde ait jamais connu, sur des bases presque égales. C’est précisément ce type de circonstances qui sont à même d’enclencher une action irréfléchie imprudente de la part de la puissance sur le déclin.

« Comment osent-ils s’opposer à nous de cette façon ? » ont du murmurer les dirigeants britanniques et français en 1956. Et : « Nous allons leur donner une leçon ou deux ! » – «Attendez un peu ! «.

« Comment osent-ils s’opposer à nous de cette façon » les dirigeants de la Maison Blanche doivent- ils se dire en privé aujourd’hui. Et : « Nous allons leur donner une leçon ou deux ! » « Attendez un peu ! «.

Surmonter les objections à la guerre

Mais qu’en est-il du problème de l’armée américaine surexploitée et tous ces soldats américains maintenant enlisés en Irak ? C’est là que la deuxième erreur post impériale intervient. Oui, les forces terrestres américaines sont enlisées en Irak, mais les puissances aériennes et maritimes américaines, actuellement sous utilisées dans le conflit irakien, peuvent être utilisées pour endommager les capacités iraniennes en exigent peu des forces terrestres US.

Malgré l’incapacité israélienne de réduire les capacités du Hezbollah par la puissance aérienne pendant la guerre du Liban cet été, je suspecte les officiers américains de l’armée de l’air et de la marine de croire qu’ils peuvent infliger des dommages pour punir les iraniens en utilisant la puissance aérienne, et le faire sans trop subir de pertes en retour. Je suspecte aussi que des néo conservateurs bien placés et nul doute, le vice président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense Rumsfeld murmurent ce message à l’oreille de Bush.

Et qu’en est-il de toutes les formes de riposte auxquelles on peut s’attendre de la part des iraniens comme une recrudescence de désordre shi’ite en Irak et le chaos sur les marchés pétroliers ? Tout ceci et d’autres réponses iraniennes sont aussi perçues comme dissuasion d’une frappe militaire américaine. Mais, les iraniens seront incapables d’une telle action coordonnée après que l’armée de l’air américaine les aura soumis à « Choc et Frayeur » et, de toute façon, il y a des plans d’urgence pour s’occuper des retombées. Enfin c’est ce que disent les néo cons, j’imagine.

Ainsi, je crois que c’est faux de penser que ce qui prévaut à Washington en ce qui concerne l’action militaire contre l’Iran c’est le bon sens. C’est pas parce que les forces américaines sont enlisées en Irak, et que Rice semble bénéficier d’un peu plus d’autorité ces derniers temps, que le « réalisme » va prévaloir à la Maison Blanche. Je suspecte que la réponse des élites impériales britanniques et françaises sur le déclin, confrontées à des actes provocateurs d’un ancien pays vassal en 1956, est une comparaison plus sûre de ce qu’on peut attendre de l’Administration Bush actuellement.

L’impulsion de répliquer en frappant doit être formidable. Bientôt, j’ai peur, que cela devienne irrésistible. 

Titre original: Beware empires in decline 19 octobre 2006

Source et Copyright Asia Times on line/ Foreign Policyin Focus: Asia Times  

Traduction bénévole pour information à caractère non commercial par MD pour Planète non violence

Michael T. Klare est professeur d’étude sur la paix et la sécurité mondiale au collège Hampshire, il écrit dans le « Foreign Policy In Focus » et est aussi l’auteur de «Blood and Oil: The Dangers and Consequences of America’s Growing Dependence on Imported Petroleum » (Metropolitan Books, 2004).


Articles Par : Michael T. Klare

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