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Au-delà du Mur : Rapport sur le Mur à Jérusalem
Par Ir Amim
Mondialisation.ca, 05 février 2007
Ir-amim.org, ISM 4 février 2007
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/au-del-du-mur-rapport-sur-le-mur-j-rusalem/4695

De nombreux obstacles existent pour arriver à un accord bilatéral entre les Israéliens et les Palestiniens sur le futur politique de Jérusalem. La barrière qu’Israel construit dans et autour de la ville, avec toute son importance sécuritaire pour Israel, est l’un de ces obstacles.
L’un des aspects les moins abordés de la barrière, mais qui a son importance sur le futur du conflit, est la séparation de Jérusalem d’environ 55.000 Jérusalémites palestiniens – soit près d’un quart de la population palestinienne de la ville.


Cette exclusion diminue radicalement la qualité de vie des habitants, les sépare de leur ville, et les réoriente, par défaut, vers la Cisjordanie.

Tandis que cette division ne peut que servir ceux qui définissent les intérêts israéliens en termes de maintien d’une majorité juive dans la ville, l’approbation de cette ligne de conduite exige de fermer les yeux sur ses impacts à long terme, pour les Israéliens et les Palestiniens.

Ce rapport explore ces développements à travers l’Arête de Shuafat, l’un des secteurs palestiniens qui seront excisés de la ville par la barrière.

Un examen de l’effet de la barrière sur l’Arête offre un aperçu préoccupant des implications de la politique actuelle d’Israel à Jérusalem sur une future résolution du conflit.

La barrière à Jerusalem : Sécurité ou Démographie ?

En 2002, à la suite du deuxième Intifada et après une série d’attaques qui ont tué plus de 650 Israéliens en deux ans, le Comité ministériel de la Sécurité nationale d’Israel a décidé de construire une barrière le long (!!) de la Cisjordanie.

Plus de 150 kilomètres sur les 760 kilomètres de la barrière se déploieront dans et autour de Jérusalem.

Bien que le catalyseur derrière la construction de la barrière ait été la sécurité et que cela reste officiellement son objectif déclaré, son tracé à Jérusalem trahit d’autres considérations.

D’une part, la barrière ajoutera de facto 164 kilomètres carrés du territoire de la Cisjordanie à la métropole de Jérusalem. Cette terre est située à l’extérieur de la limite municipale de Jérusalem et se prolonge bien au delà des colonies existantes dans le secteur.

D’autre part, elle passe à l’intérieur de la ville dans un certain nombre d’endroits, et ce faisant, débarrasse des résidants palestiniens de la ville. Cela se passe dans les secteurs où la barrière sépare les Palestiniens entre eux, ce qui remet en question son efficacité dans l’augmentation de la sécurité pour les Israéliens.

La barrière sépare entre eux un certain nombre de quartiers palestiniens de Jérusalem, mais seulement deux seront totalement exclus de la ville par son itinéraire.

Il s’agit de l’Arête de Shuafat et de Kafr Aqeb-Samir Amis. Ces deux quartiers abritent environ 55.000 résidants de Jérusalem, soit environ un quart de la population palestinienne de Jérusalem.

Il est utile d’examiner ce développement à la lumière de l’histoire de la politique d’Israel destinée à limiter l’augmentation de la présence palestinienne à Jérusalem pour maintenir un équilibre démographique en faveur des juifs.

En 1967, quand Israel a agrandi les limites de la municipalité de Jérusalem pour inclure l’ancienne Jérusalem jordanienne (6 kilomètres carrés) ainsi que 64 autres kilomètres carrés de territoire (ndt : palestinien), il y avait à peu près 198.000 juifs et 68.000 Palestiniens dans la ville, soit un ratio démographique de 74-26%.

Les 39 années suivantes, la population de Jérusalem s’est développée et son équilibre s’est modifié.

En 2004, la population de Jérusalem représentait à peu près 469.000 juifs et 237.000 Palestiniens, soit un ratio de 66% contre 34%, une augmentation de près de 10% de la population palestinienne.

Pour ceux qui sont préoccupés par le maintien d’une majorité juive dans la ville, ces chiffres reflètent une tendance inquiétante. Au début des années 1970, le fameux Comité Gafni a réclamé le maintien d’un « équilibre » démographique spécifique à Jérusalem.

Cette approche n’a sensiblement pas changé au cours des années. Aujourd’hui, la proposition de Stratégie globale appelée « Jérusalem 2000 » parle de statistiques espérées pour 2020 de 60% de Juifs et 40% de Palestiniens et souligne que pour préserver de tels chiffres, une intervention gouvernementale est nécessaire.

En coupant la limite municipale existante aux endroits choisis, la barrière réalise, de facto, une diminution substantielle du nombre de résidants palestiniens dans la ville. Mais cette diminution a un coût important, tant humanitaire que politique, et à long terme, elle pourrait compromettre la sécurité des Israéliens au lieu de la soutenir.

Arête de Shuafat : Un quartier de Jerusalem

L’Arête de Shuafat comprend le camp de réfugiés de Shuafat, Ras Hamis, Ras I`Shehada, et les quartiers de Dahiyat al-Salaam où vivent 30.000 personnes.

Elle est située sur environ 1.5 km de terre à la limite nord-est de Jerusalem, au sud de la colonie de Pisgat Ze`ev et à l’est de la colonie de French Hill et du village d’Isawiya.

La grande majorité des habitants du secteur sont des résidants officiels de Jérusalem, et certains sont des citoyens israéliens.

La résidence de Jérusalem est considérée comme équivalent grossièrement au statut de « résidant permanent », et en tant que tel, ses détenteurs ont droit à la plupart des mêmes droits et services que les citoyens israéliens, ils sont soumis aux mêmes engagements vis-à-vis de l’administration fiscale, et les résidants ont le droit de voter aux élections municipales mais pas aux élections parlementaires.

Le camp de réfugiés de Shuafat fût le premier camp officiel dans le secteur et il a été construit entre 1964 et 1966 pour loger les réfugiés de Jérusalem Ouest qui vivaient dans le quartier juif de la Vieille Ville après la guerre de 1948.

La population du camp s’est développée au cours des années, et d’autres quartiers ont poussé autour du camp dans les années 1970 et 1980 puisque que la population de Jérusalem-Est augmentait et que les résidants cherchaient des terrains vacants pour s’y installer.

L’arête de Shuafat est l’un des quartiers palestiniens du nord de Jérusalem, tout comme Isawiya, le village de Shuafat, Beit Hanina, et Kafr Aqeb-Samir Amis.

Le camp de Réfugiés de Shuafat

Le camp est peuplé d’environ 10.000 réfugiés enregistrés. En outre, entre 10 et 15.000 non-réfugiés vivent à l’intérieur du camp.
Comme indiqué plus tôt, la majorité des résidants du camp, des réfugiés et des non-réfugiés, sont détenteurs d’un droit de résidence à Jérusalem .

L’ONU fournit des services de base aux réfugiés, alors que la municipalité de Jérusalem et l’Etat d’Israel sont obligés de subvenir aux besoins de tous les autres résidants de Jérusalem à l’intérieur du camp.

Les résidants du camp ne payent pas de taxes municipales puisque l’ONU s’occupe de l’infrastructure de base telle que la collecte des ordures et l’entretien des routes à l’intérieur du camp ; il est également responsable de la fourniture de l’éducation et des services sociaux de base aux réfugiés.

Les résidants du camp qui ne sont pas des réfugiés ont droit aux mêmes services d’éducation et d’aide sociale que les autres résidants de la ville.

L’ONU possède deux écoles primaires, une clinique et un centre social dans le camp (la principale clinique de l’ONU est située dans la Vieille Ville.). Tous les enfants non-réfugiés étudient à l’extérieur de l’Arête.

Le maintien de l’ordre, fourni par la police israélienne aux réfugiés et aux non-réfugiés, est extrêmement limité et les ambulances ont besoin d’une escorte de police pour entrer dans le secteur.

De façon générale, les résidants du camp souffrent de conditions de vie à l’étroit et médiocres.

Ras Hamis, Ras I`Shehada, et Dahiyat al-Salaam

Malgré le fait que les quartiers palestiniens de Jérusalem représentent un tiers de la population, seuls à peu près 10% du budget de la ville va à ces secteurs. Cela a eu comme conséquence des déficits extraordinaires dans les domaines de l’éducation, des services sociaux, et de l’infrastructure.

Tout comme dans l’Arête de Shuafat, la municipalité de Jérusalem est responsable de la fourniture des services aux quartiers de l’Arête de Shuafat situés à l’extérieur du camp.
Il y a près de 10.000 résidants dans ce secteur. Ils souffrent d’une infrastructure gravement sous-développée : peu de routes et mal goudronnées, peu ou pas de collecte d’ordures, et une absence totale de réverbères ou d’aménagement.
Il n’y a pas d’école municipale, pas de parcs, pas de centres sociaux, et aucun bureau de poste.

Aucun plan d’urbanisme n’existe pour les quartiers de Ras Hamis, Ras I`Shehada, et Dahiyat al Salaam, donc les résidants n’ont aucun moyen de se procurer des permis de construire. Les services de police sont, au mieux, limités.

Depuis 2000, les ambulances et les camions de pompiers ont besoin d’une escorte de police pour entrer dans le secteur, ce qui a eu comme conséquence de graves retards.

Jusqu’à récemment, le secteur n’avait qu’une seule clinique et aucun équipement pour la mère et l’enfant.

En comparaison, le quartier voisin de Pisgat Ze`ev, une colonie israélienne fondée en 1982 à Jérusalem-Est qui a environ 45.000 résidants, revendique 14 écoles, 6 cliniques, un centre pour la mère et l’enfant, et un centre social avec deux sections, ainsi que des routes, des réverbères, des parcs et des aménagements paysagés.

Les résidants bénéficient des avantages des plans d’urbanisme approuvés, de la police, d’une protection contre les incendies et des services d’urgences médicales.

Construction d’une frontière démographique

En janvier 2004, Israel a commencé à confisquer la terre pour la construction de la barrière sur l’Arête de Shuafat.

Le tracé prévu encerclera entièrement l’Arête, ce qui la coupera de la ville et limitera de facto l’accès des habitants au reste de Jérusalem par un seul checkpoint.

En réponse, les habitants ont fait appel devant la Cour pour dévier la barrière le long de la limite municipale, permettant ainsi au secteur de demeurer en contiguïté géographique avec la ville.

Les habitants ont apporté des preuves que Jérusalem est leur centre de vie pour l’emploi, l’éducation, les services de santé, la religion, et les liens sociaux et familiaux.

L’Etat d’Israel a argué du fait que la principale raison de la déviation de la barrière par rapport à la limite municipale était, dans ce cas-ci, le grand nombre de résidants « illégaux » dans le camp de réfugiés de Shuafat : des habitants palestiniens de Cisjordanie qui n’ont pas l’autorisation d’entrer ou de résider à Jérusalem.

Le nombre d’habitants illégaux dans le secteur est fortement contesté par les deux côtés, avec des estimations allant de 2.000 à plus de 30.000. De même, la nature précise de la menace sécuritaire constituée par ces individus est contestée.

En mai 2005, la cour, sans donner de décision sur le nombre « d’illégaux » ou sur la menace précise qu’ils représentent, a soutenu que les inquiétudes sécuritaires étaient supérieures à l’intérêt légitime de la communauté concernant la restriction d’accès à Jérusalem proprement dit.

La cour s’est concentrée sur la réduction des nuisances aux habitants en améliorant la nature du checkpoint prévu pour le secteur et a décidé qu’un checkpoint approprié serait créé avant que la barrière soit achevée.
Un appel de cette décision est maintenant en suspens devant la Cour Suprême de Justice.

Fin 2005, la construction de la barrière a commencé et se poursuit aujourd’hui.

Au printemps 2006, avec l’approbation de la Cour Suprême, Israel a érigé une barrière provisoire le long de du tracé prévu, qui enferme aujourd’hui totalement l’Arête. L’Etat n’a pas commencé la construction du nouveau checkpoint exigé par la cour.

Impact sur les habitants : Augmentation de la pauvreté et du désespoir

La barrière a un impact sur chaque aspect de la vie sur l’Arête ; ses coûts humanitaires sont énormes.

Ce rapport n’essaye pas de juger chaque changement apporté par la barrière dans le secteur. Mais il examine brièvement son impact sur les cinq principaux aspects de la vie des habitants afin de mieux comprendre ses implications pour Jérusalem et pour une future résolution du conflit.

1. Altération de la Libre circulation

La barrière réduit sérieusement la libre circulation des résidants, ce qui impacte chaque aspect de leurs vies, y compris le travail, l’éducation, la santé, les liens sociaux et familiaux et la pratique religieuse.

De 1967 jusqu’en 2000, les habitants de l’Arête de Shuafat n’avaient pas de restrictions dans leur capacité à se déplacer dans et vers d’autres quartiers de la ville.

En 2000, l’armée a interdit le trafic des véhicules sur l’une des deux routes qui relient le secteur au reste de la ville, et a installé un checkpoint sur l’autre.

Les habitants disent que jusqu’au printemps 2006, le checkpoint était principalement utilisé pour surveiller les déplacements dans et hors du secteur.

Aujourd’hui, en plus des vérifications des cartes d’identité, les officiers de police et les soldats sur le checkpoint peuvent vérifier les dettes des résidants à la sécurité sociale ou à l’administration fiscale ; dans certains cas, le véhicule du débiteur est confisqué.

De même, le permis, l’enregistrement et l’assurance des véhicules sont contrôlés et des amendes sont distribuées à ceux qui ne sont pas en conformité. La légalité de cette pratique est actuellement contestée devant des tribunaux israéliens.

Dès que le terminal fonctionnera et que le contrôle d’identité sera informatisé, le terminal fournira une base de données dans laquelle toute information concernant le lieu de résidence et les déplacements dans et hors de Jérusalem seront documentés.

Les déplacements des personnes entre l’Arête et la Cisjordanie ne sont pas, pour l’instant, contrôlés. Cela servira à augmenter la dépendance des habitants de l’Arête à la Cisjordanie dans les secteurs tels que l’emploi, les services sociaux et les divertissements.

2. Accès limités aux Services

La construction de la barrière a apporté des changements à la fourniture déjà limitée des services aux habitants.

• Education

Malgré le fait qu’Israel soit responsable, selon la loi israélienne, de fournir un enseignement public gratuit à tous les résidants israéliens, il n’y a aucune école municipale dans la région de l’Arête de Shuafat.
En conséquence, hormis les à peu près 2.000 étudiants qui vont dans les deux écoles primaires que l’UNRWA a installé dans le camp, tous les autres enfants, les adolescents, et les étudiants d’université de l’Arête étudient à l’extérieur du secteur.

Ces étudiants doivent passer par le checkpoint pour aller et revenir de l’école, ce qui rend l’école plus longue et plus onéreuse, et met les enfants en contact quotidien avec des soldats.

En réponse à la pression des riverains, environ 6 mois après que la construction de la barrière ait commencé, la ville a commencé à fournir des moyens de transport, à partir du checkpoint, aux environ 1.800 élèves des écoles municipales situées dans d’autres parties de Jérusalem.

• Santé

Selon la loi sur les Assurances Maladie, Israel est obligé de fournir les services médicaux de base aux habitants israéliens.

Cependant, la barrière limite sérieusement l’accès aux cliniques et aux hôpitaux qui fournissent ces soins.

Pour les habitants du camp, la barrière empêche l’accès aux principaux centres médicaux des Nations Unies, situés dans la Vieille Ville.

Pour tous les habitants de l’Arête, les hôpitaux, les équipements pour travaux de laboratoire complexes, les médecins-spécialistes et les procédures qui exigent une technologie de pointe, ainsi que les équipements d’accouchement, ne sont disponibles que dans d’autres quartiers de Jérusalem.
Pour les soins d’urgence, la barrière constitue une épreuve particulière.

En juin 2006, un habitant du camp est décédé en attendant une ambulance retardée au checkpoint en raison de l’absence d’une escorte de police. Après les protestations des résidants et en travaillant en coopération avec eux, Magen David Adom a accepté de mettre une ambulance à l’intérieur du secteur.
L’ambulance est actuellement présente à peu près 5 heures par jour.

À la suite de la construction de la barrière et à l’initiative des riverains, des sous-traitants ont ouvert trois nouvelles cliniques de santé publique sur l’Arête.

Deux de ces cliniques fournissent un vaste choix de services précédemment indisponibles dans le secteur, dont sur place, un laboratoire, une machine à rayon X, des examens dentaires et oculaires, des soins prénataux, et des certifications d’accident du travail, en plus des soins médicaux de base courants.

Ces cliniques ne rendent pas inutiles le besoin d’accéder à Jérusalem et à ses hôpitaux, à ses laboratoires et à ses services médicaux de pointe, mais elles corrigent un déficit ressenti par la communauté depuis des années.

• Infrastructure

Avant la construction de la barrière et en réponse à la pression des riverains, la ville avait commencé un service régulier de ramassage des ordures dans le secteur.

Avec la barrière, ce service a été interrompu ainsi que les projets en suspens de goudronner les routes du secteur.

Depuis la création du Foyer Municipal de la Banlieue de Jérusalem, le nouvel organisme responsable des services municipaux dans le secteur dont on parlera plus tard, il a été décidé que la réparation des routes et la collecte des ordures seraient gérées par des sous-traitants. (L’ONU est responsable de ces services à l’intérieur du camp.)
En attendant, les habitants sont forcés de brûler les détritus comme ils le faisaient auparavant.

La société israélienne de téléphone Bezeq, qui fournissait précédemment les services téléphoniques au secteur, a cessé d’installer de nouvelles lignes ou de réparer les lignes existantes depuis la construction de la barrière.

En réponse aux plaintes, l’entreprise a déclaré aux habitants que les services ne pouvaient plus être fournis à l’extérieur de la barrière.
Tandis qu’un sous-traitant a été maintenu pour fournir des services, la demande est bien supérieure aux services fournis.

• Prestations sociales

Les habitants israéliens ont droit aux services et prestations de l’Etat tels que l’aide sociale, le chômage, et les pensions d’invalidité. En raison de l’important taux de chômage et du différent niveau de vie entre Jérusalem-Est et Israel, ces avantages sont souvent un facteur significatif dans les revenus des familles.

La fourniture des prestations sociales nécéssite pour la plupart, comme dans le cas du chômage, des visites d’examens médicaux dans les bureaux appropriés, et des documents actualisés en termes de lieu de résidence et de situation familiale. La construction de la barrière limite l’accès physique à ces bureaux.

D’ailleurs, depuis que la construction de la barrière a commencé, les habitants font part de difficultés pour l’obtention de changement d’adresse et d’autres services de routine auprès du Ministère de l’Intérieur.
Cela compromet l’accès aux prestations sociales qui sont attribuées d’après les documents actualisés par l’Etat.

• Le Foyer Social de la Banlieue de Jérusalem

Par une décision gouvernementale en date du 10 juillet 2005, l’Etat d’Israel a créé le « Foyer Social de la Banlieue de Jérusalem »

Cette administration est chargée de s’assurer que les habitants dont le secteur a été séparé de la ville par la barrière reçoivent les services de l’Etat et les services municipaux.

Elle fait partie de la Société des Administrations de la Communauté d’Israel. Elle est supervisée par la municipalité de Jérusalem, et répond directement au coordinateur interministériel de la barrière à Jérusalem, un poste créé et supervisé par le directeur du Bureau du Premier Ministre.

L’administration combine les aspects d’aide sociale d’un centre social traditionnel avec les fonctions d’une municipalité, responsables de la coordination des services municipaux tels que l’éducation et l’infrastructure fournies normalement par la ville.

La municipalité conserve la responsabilité des services et conserve une fonction de supervision. De nombreux services, tels que la collecte des ordures et la réparation des routes, sont sous-traités auprès de fournisseurs de service identifiés et supervisés par l’administration.

Des bureaux des services de base de l’Etat dont la sécurité sociale, le Ministère de l’Intérieur, le bureau des véhicules à moteur, et d’autres seront construits à côté du checkpoint prévu à l’entrée du quartier, de sorte que les habitants n’aient pas besoin de le franchir afin d’accéder aux bureaux.
Les bureaux ne seront pas des antennes à temps plein mais plutôt des « fenêtres » dotées de personnel selon le besoin.

Le bureau de poste prévu fournira des services élargis dont le renouvellement des permis de conduire.
La construction doit commencer en même temps que le nouveau checkpoint.

La nouvelle politique de l’administration destinée à encourager la fourniture de services au sein de la communauté elle-même est, à première vue, une réparation bienvenue et attendue depuis longtemps.

L’Arête a été caractérisée pendant des années par une pénurie d’institutions sociales. Cependant, cette politique sépare également les habitants de la ville en réduisant leurs contacts avec elle.
Il est important de voir comment ce changement peut servir les intérêts d’Israel en réduisant la dépendance des Palestiniens au centre urbain de Jérusalem.

D’ailleurs, le Foyer Social de la Banlieue de Jérusalem ne peut pas espérer remplacer la pléthore de services – Etat, ville, et privé – disponibles dans un coeur urbain développé.

Les habitants resteront sans fourniture appropriée de leurs besoins de base et avec leur accès aux réseaux religieux, culturels, sociaux, et familiaux qui composent leurs vies gravement compromis.

3. Secteur commercial affaibli

En raison de leur accès aux prestations sociales et aux salaires israéliens, d’une part, et aux marchés de la Cisjordanie de l’autre, les habitants de Jérusalem-Est jouissent, au moins vis-à-vis de la Cisjordanie, d’un statut économique légèrement favorisé.

Le revenu par habitant en Israel est de plus de 17.000 dollars tandis que le revenu par habitant en Cisjordanie est d’environ 1.100 dollars; selon la plupart des estimations, le revenu des ménages palestiniens à Jérusalem-Est est d’environ 3.250 dollars par habitant. La construction de la barrière compromet ce statut théoriquement protégé par son impact sur l’emploi et les petites entreprises.

La plupart des employés résidant sur l’Arête de Shuafat, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du camp, travaillent dans d’autres parties de Jérusalem, ou en Israel.

La construction de la barrière rend, au mieux, onéreux le transport jusqu’à leurs lieux d’affectation. Alors que de nombreux habitants sont employés dans le bâtiment ou dans les secteurs des services, les complications supplémentaires de la barrière peuvent diminuer leurs attraits en tant qu’employés.

Avant que la construction de la barrière ait commencé, l’Arête de Shuafat abritait environ quinze ateliers d’industrie légères employant quelques centaines d’ouvriers.
Ces ateliers achetaient leurs matières premières et vendaient leurs produits aussi bien en Israel et qu’en Cisjordanie.

Avec la construction de la barrière, l’armée a cessé d’autoriser le passage des marchandises par le checkpoint. Les marchandises doivent maintenant passer par Beitunya, un passage dédié au transfert des marchandises commerciales entre la Cisjordanie et Jérusalem.

Le passage de Beitunya est situé en Cisjordanie, au sud-ouest de Ramallah, sur le tracé proposé de la barrière. Cependant, les marchandises provenant de l’Arête de Shuafat sont des produits de Jérusalem.

Maintenant, au lieu d’un déplacement de quelques minutes, ou de moins d’un kilomètre pour livrer leurs marchandises sur le marché, les hommes d’affaires de l’Arête de Shuafat doivent transporter leurs produits sur environ 15 kilomètres jusqu’à Beitunya, afin de ré-entrer dans Jérusalem et puis aller du checkpoint jusqu’au lieu de la livraison.

En raison de cette nouvelle politique, au moins sept entreprises de l’Arête ont déménagé dans des secteurs à l’intérieur de Jérusalem, telle que dans la zone industrielle d’Atarot (ndt : colonie israélienne), réduisant les offres d’emploi locales et affaiblissant ainsi l’économie locale.

D’ailleurs, puisque le transfert des marchandises entre l’Arête et la Cisjordanie n’est pas contrôlé, cette politique sert à renforcer les liens économiques entre l’Arête de Shuafat et la Cisjordanie.

4. Déplacements de la population urbaine

La barrière a généré une vague de migration des banlieues palestiniennes de Jérusalem vers le centre de la ville.
La politique israélienne dans les années 1990 avait contribué à la première vague de migration des secteur environnants vers l’intérieur de la municipalité de Jérusalem.

Cette fois, les habitants des banlieues de Jérusalem ainsi que ceux vivant à l’intérieur des limites de la ville se déplacent vers les quartiers situés à l’intérieur de la barrière, augmentant ainsi la population et gonflant les valeurs des propriétés.

C’est la même chose sur l’Arête de Shuafat. En prévision de l’achèvement de la barrière, de nombreuses familles ont quitté l’Arête pour d’autres quartiers de Jérusalem.

Seules les familles ayant les moyens de le faire peuvent partir, ce qui, à son tour impacte sur la viabilité socio-économique du quartier.

En outre, la dégringolade des valeurs des propriétés sur l’Arête laisse les habitants qui restent avec encore moins de moyens. Les propriétés nouvellement vides sont des domiciles attrayants pour les résidants de Cisjordanie dont l’accès à Jérusalem, en raison du manque d’autorisation, est de toute façon limité.

Les mouvements de population dans d’autres secteurs à l’intérieur de Jérusalem aggravent le surpeuplement et contribuent à la montée en flèche des prix immobiliers dans ces quartiers.

En outre, les familles de l’Arête de Shuafat s’installent dans les quartiers juifs voisins tels que Pisgat Ze`ev et French Hill.. Elles ont été accueillies par des réponses mélangées.

Quelques quartiers se sont organisés contre la vente des propriétés à des familles palestiniennes ou ont fait pression sur les agents immobiliers qui leur louent.

Tandis que les chiffres précis sont jusqu’ici indisponibles, les premiers rapports indiquent que le déplacement des familles palestiniennes dans des « quartiers » (ndt : colonies) juifs de Jérusalem est, dans l’ensemble, en augmentation en raison de la construction de la barrière.

5. Menace sur la Liberté de Culte

La liberté de culte à Jérusalem et dans les secteur environnants est une question profondément chargée de tensions, que la construction de la barrière a rendu encore plus difficile.

La barrière sépare les habitants de l’Arête de Shuafat, dont la grande majorité sont des Musulmans, des Mosquées d’Al-Aqsa et du Dôme du Rocher situées sur le Mont du Temple de Jérusalem.

Il est dans les habitudes des Musulmans d’aller prier le vendredi à la mosquée d’Al-Aqsa. Même avant la construction de la barrière, les directives de sécurité ont fréquemment limité l’accès des Palestiniens au Mont du Temple le vendredi.

La barrière retarde maintenant l’accès à tous, et engendre le risque toujours présent que le passage soit totalement interdit.

D’autre part pour les habitants de l’Arête de Shuafat, les cérémonies et les fêtes de famille ont lieu pour la plupart dans d’autres quartiers de Jérusalem. Il n’existe pas de salle de mariages sur l’Arête à l’extérieur du camp de réfugiés. Le camp possède une telle salle et sa capacité à satisfaire la demande est déjà au maximum de ses possibilités.

Le transport pour se rendre aux grandes fêtes de familles – les mariages peuvent accueillir jusqu’à 2.000 invités – devient onéreux avec la barrière.

En ce qui concerne les enterrements, il n’y a pas de cimetière dans le secteur de l’Arête de Shuafat. Le terrain pour les enterrements traditionnels du quartier se trouve à côté de la Vieille Ville. L’accès à ce site est sévèrement compromis par la barrière.

Dans les entrevues avec les riverains, la question de la liberté de culte a surgi à plusieurs reprises. Les restrictions à la liberté de culte préoccupent les habitants et tiennent une place particulière d’une importance symbolique.

Sans solution efficace à long terme pour les besoins religieux et culturels des habitants de Jérusalem qui seront séparés de la ville, la barrière contribuera à l’instabilité de la région.

Ramifications pour Israel

Alors que la barrière est construite (ndt : soi-disant) pour améliorer la sécurité des Israéliens, ses impacts à long terme sur Jérusalem sapent probablement cet objectif.

1. Diminution de la stabilité à Jérusalem

Dans un environnement urbain, la sécurité est multidimensionnelle. Elle résulte non seulement de la capacité à contrecarrer les attaques mais aussi, au moins en partie, de l’intérêt des communautés concernées dans le maintien de la stabilité. C’est cet intérêt qui est le plus ébranlé par la construction de la barrière.

Selon le gouvernement israélien, sur les plus de 7.000 Palestiniens de Cisjordanie arrêtés sur le soupçon d’activité terroriste pendant les années du deuxième Intifada entre 2000 et 2004, 150 étaient des résidants de Jérusalem.

Cette statistique est bien inférieure à celle à laquelle on aurait pû s’attendre, si l’on considère que les 240.000 résidants palestiniens de Jérusalem représentent à peu près 10% de la population de la Cisjordanie.
Elle reflète la stabilité relative qui a caractérisé la situation de sécurité à Jérusalem depuis 1967.

En sachant que la présence de la barrière contribue à l’instabilité jusqu’à un certain point, son efficacité est réduite.

La barrière telle qu’elle est actuellement prévue augmentera probablement le chômage, la dépendance à l’aide sociale et l’instabilité économique ; elle contribuera à surpeupler Jérusalem ; réduira l’accès aux services ; empiétera encore plus sur la liberté de culte ; et compromettra gravement la libre circulation des habitants palestiniens dans la région. Ces préjudices pourraient réduire l’intérêt des habitants à maintenir une stabilité à Jérusalem.

Si cette stabilité est compromise, les résultats pourraient être désastreux.

Dans l’Arête de Shuafat, comme dans d’autres parties de Jérusalem, les Juifs et les Palestiniens vivent très proches les uns des autres.
La barrière, seule, n’obstruera pas ou ne diminuera pas l’impact des tirs d’armes à feu ou des missiles, et pourrait avoir comme conséquence une détérioration de la situation sécuritaire.

Israel, en construisant la barrière, cimente son besoin de maintenir l’ordre des deux côtés de la structure indéfiniment.

2. Diminution de la qualité de vie

La construction de la barrière entre l’Arête de Shuafat et Pisgat Ze`ev transforme les quartiers les plus au sud de Pisgat Ze`ev en zone-tampon.

Au courant des implications pour leur quartier (ndt : colonie), les habitants de Pisgat Ze`ev, tout comme les résidants d’autres secteurs, ont pris des mesures contre la construction de la barrière.
Le journal local de la colonie s’est opposé au tracé de la barrière en raison de sa contribution à la baisse de la valeur des propriétés, à la migration des familles palestiniennes dans Pisgat Ze`ev, et à un plus grand risque de tirs par des Palestiniens Non-Jérusalemites qui emménagent dans les propriétés évacuées sur l’Arête.

Certains habitants juifs pensent que la construction de la barrière, à elle seule, risque de transformer un environnement jusqu’ici stable en un environnement hostile.

Si cela s’avère vrai, la proximité entre les quartiers, dans beaucoup d’endroits il n’y a pas plus de 500 mètres, place les habitants face à un plus grand risque de sécurité qu’avant.

Ce que le gouvernement ne dit pas, mais ce que les habitants de Pisgat Ze`ev, entre d’autres, ont observé, c’est que la barrière crée une sensation de danger et d’animosité qui n’était pas présente avant au même degré. Au lieu de donner plus de sécurité aux habitants juifs, dans de nombreux cas, la barrière a augmenté la peur.

3. Préjudice pour tout futur accord

Israel a décidé du tracé de la barrière de façon unilatérale, en dehors de tout processus négocié avec l’Autorité Palestinienne.

En fait, Israel se défend en disant que la barrière est sa réponse à l’arrêt des négociations et de l’échec du processus de paix à mettre fin à la violence contre les citoyens israéliens.

Israel affirme même que depuis que la construction de la barrière a commencé, il y a eu une baisse dans les attaques-suicides et les attaques terroristes.

Cependant, cela pourrait être également attribué à d’autres facteurs qui se sont déroulés pendant la même période, notamment la mort du Président palestinien Yasser Arafat, l’élection du Président de l’Autorité Abu Mazen, le retour de l’armée israélienne dans la plupart des principales villes de Cisjordanie, le désengagement d’Israel de Gaza, et un cessez-le-feu non officiel (ndt : unilatéral) qui a été respecté pendant une période après la victoire électorale du Hamas.

Le tracé actuel de la barrière diminue l’accès des Palestiniens à Jérusalem tout en augmentant le contrôle israélien de la ville. En même temps, il diminue la viabilité d’une future entité palestinienne dont la capitale est Jérusalem.

Il semble peu probable qu’un responsable palestinien soit d’accord sur un règlement du conflit qui n’inclut pas une forte présence palestinienne dans la ville. En créant ces changements de grande envergure au statu quo, Israel bouleverse la possibilité de conclure un futur accord.

Démographie, Sécurité et les limites de l’Unilatéralisme

Au cours des trois dernières années, Israel a construit une barrière dans et autour de Jérusalem. Tandis que la raison d’être officielle de la barrière est la sécurité, un examen de son itinéraire indique que la sécurité n’est pas la seule, ou peut-être même la principale raison à sa construction. En effet, les considérations démographiques et politiques ont en grande partie façonné son tracé.

La barrière exige un coût humanitaire important à la population palestinienne de Jérusalem.

Dans l’Arête de Shuafat et dans les secteurs de Kafr Aqeb, plus de de 55.000 Jérusalemites se retrouvent coupés de leur centre-ville par la barrière. Malgré le fait que leur statut de jure en tant que résidants de Jérusalem n’a pas été changé, ils se retrouvent de facto à l’extérieur de la ville.

Cela a aussi un coût pour Israel : le tracé actuel de la barrière peut bouleverser l’équilibre fragile qui a caractérisé la situation sécuritaire à Jérusalem jusqu’à maintenant, et il pourrait empoisonner l’atmosphère dans de futures négociations et réduire ainsi la probabilité de conclure un accord.

La construction de la barrière crée une nouvelle réalité urbaine à Jérusalem, une réalité dans laquelle la population palestinienne est perturbée et déchirée. Depuis ses débuts, le gouvernement israélien a été guidé par l’objectif de limiter la croissance palestinienne dans la ville afin de maintenir un équilibre démographique en faveur des juifs.

Le tracé actuel de la barrière poursuit cette politique et décrète des changements d’une telle importance qu’une solution viable au conflit pourrait bien être menacée.

A lire également sur Jérusalem, le Rapport de l’Union Européenne sur Jérusalem-Est dont la publication a été retirée (!!) rédigé par des Responsables de mission à Jérusalem et Ramallah

Traduction: MG pour ISM

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