Au Québec, l’uranium fait peur

Devant les risques de pollution liés à l’exploitation du minerai, plusieurs médecins demandent un moratoire.

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Une vingtaine de médecins de Sept-Iles, à l’embouchure du Saint-Laurent, menacent de quitter la région si le gouvernement du Québec refuse de décréter un moratoire sur la prospection d’une mine d’uranium située à quelques kilomètres de la ville. Si le moyen choisi est excessif, le problème soulevé n’en est pas moins sérieux. Pour ces médecins, même si la phase d’exploration conduite par la société Terra Ventures, de Colombie-Britannique (province qui a elle-même décrété un moratoire permanent), n’est pas la plus risquée, l’éventuel passage aux étapes ultérieures amène à s’opposer dès maintenant à toute activité de prospection dans le secteur. Selon les opposants, l’exploitation d’une mine d’uranium fait appel à des techniques d’extraction qui génèrent plus de 99,8 % de résidus, qui sont presque aussi radioactifs que le minerai lui-même. D’un bout à l’autre de la chaîne de production, le risque de contamination est élevé : contamination de l’air par le radon, un gaz radioactif cancérigène ; contamination du sol par les centaines de milliers de tonnes de résidus radioactifs accumulés sur place pour toujours ; et contamination de l’eau par le processus d’extraction autant que par l’érosion naturelle.

Le Canada est le deuxième producteur d’uranium au monde, mais aucune mine n’a encore été creusée au Québec. Depuis peu, on assiste cependant à la multiplication des projets d’exploration à cause de l’explosion du nombre de centrales nucléaires en construction dans le monde, notamment en Chine, et parce que le Québec n’a toujours pas imposé de moratoire, comme l’ont fait la Nouvelle-Ecosse et la Colombie-Britannique [la Saskatchewan, au centre du pays, est la seule province à produire la totalité de l’uranium canadien]. Terra Ventures est une société minuscule qui n’a réalisé aucun profit ni même aucun revenu au cours des deux dernières années ! L’argent dépensé, soit à peine 4 millions de dollars canadiens [2,5 millions d’euros] en 2008, provient en totalité d’investisseurs à la recherche de titres très spéculatifs qui espèrent que l’action s’envolera un jour [procédé courant à la Bourse de Toronto, où des petites sociétés minières espèrent voir leur cours s’envoler après la découverte d’un filon important]. La majorité des dépenses effectuées est allée en frais de justice et en frais administratifs, en consultations et en commissions versées à des courtiers. A peine 900 000 dollars canadiens [580 000 euros] ont été consacrés au forage…, la totalité à Sept-Iles. Bref, rien ne dit que Terra Ventures existera encore dans un an, mais les carottages de milliers de mètres au lac Kachiwiss seront toujours là, sans la protection exigée par la loi, comme le montre la vidéo diffusée sur Internet par les opposants.

Entre les craintes exprimées par les médecins et par des centaines de citoyens de la Côte-Nord, de l’Outaouais et des Hautes-Laurentides, où des projets sont annoncés, et les ambitions d’une société de prospection de Colombie-Britannique, la population du Québec doit pouvoir trancher en connaissance de cause. Pour cette raison, un moratoire s’impose.

Cet article a également été publié dans Le Courrier International.



Articles Par : Jean-Robert Sansfaçon

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