Aucune administration des États-Unis n’a su comprendre la Révolution cubaine

Entretien avec Ken Livingstone, maire de Londres:

Dans une entrevue avec la revue CubaSí, Livingstone explique pourquoi il est venu à Cuba en novembre 2006, pourquoi les attaques à propos de sa visite sont infondées et il donne son opinion sur Fidel Castro

CubaSí : Pourquoi ce voyage à Cuba ? Avez-vous réalisé ce que vous vous proposiez avant de voyager ?

Ken Livingstone : L’idée de visiter Cuba est venue au début de Lord Moynihan, le président de l’Association olympique britannique. C’était pour participer au Congrès mondial du sport. Comme ville d’accueil des Jeux en 2012, Londres entretient des relations bilatérales avec d’autres villes dans le milieu olympique et, pour cela, Cuba est l’une des nations qui, sur la scène sportive, joue un rôle très significatif au niveau global et en particulier la région latino-américaine et caribéenne. Bien que Cuba ait seulement le quart de la population britannique, l’île gagne autant de médailles que nous. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux.

Le président de l’Assemblée de la ville de La Havane -Juan Contino Aslan, maire de La Havane- a été un très bon hôte et s’est assuré que nous ayons de bons contacts avec des représentants du gouvernement. Ce qui a le plus retenu mon attention, c’est l’intérêt des représentants cubains pour connaître la vision que l’on a de Cuba en Europe et j’ai été impressionné par les critiques des Cubains contre la politique de la communauté européenne envers l’île, laquelle est contre-productive et peu effective. Il y a eu beaucoup de critiques de la part de membres de l’Assemblée de Londres et aussi de la part des médias au sujet de ma visite à Cuba mais je dois dire que ce n’est rien d’autre que de l’hypocrisie de la part de certains secteurs conservateurs, Il n’y a aucune raison, ni logique objective, pour que Cuba soit signalée ou persécutée dans le milieu international à moins que les critiques viennent de la perspective de droite.

CubaSí : Quelle est votre impression au sujet de la situation à Cuba ? Quelque chose en particulier a retenu votre attention ?

Ken Livingstone : Je suis allé à Cuba à deux occasions, en 1995 et 1999, et ce qui a le plus retenu mon attention cette fois, c’est l’amélioration de la situation économique. On se rend compte de cela juste en observant l’activité quotidienne des citoyens cubains. Je crois aussi qu’au commencement de la période spéciale, il y a eu des aspects négatifs sur le tourisme mais les autorités ont fait de grands efforts pour remédier à cela. De plus, le fait que la ministre Marta Lomas ait parlé de façon favorable du tourisme britannique a beaucoup de signification. Selon les données sur lesquelles on se base, le tourisme britannique est maintenant le deuxième ou le troisième plus important dans l’île. Et cette expérience directe de Cuba aide à établir un équilibre face à la désinformation que l’on lit dans la presse britannique au sujet de la situation ici.

En plus, les améliorations aux façades de la Vieille Havane sont très belles et surprenantes, le projet de rénovation avance de façon très positive et c’est une grande différence avec la dernière fois où je me suis trouvé ici.

Ce qui m’a le plus intéressé a été d’écouter les gens qui travaillent dans les services de santé raconter tout le désastreux du blocus de la part des États-Unis. En parlant avec des personnes qui soignent des patients avec des problèmes de la vue, je me suis rendu compte de la difficulté à obtenir des ressources sauf si elles arrivent par des voies indirectes. Cela se doit simplement au blocus et c’est pour moi un bon exemple de l’injustice à grande échelle qui est imposée à Cuba.

C’est la même chose si nous parlons de l’embargo sur l’industrie cubaine du nickel, le fait que les États-Unis tentent d’arrêter tout conteneur qui arrive en territoire étasunien avec de l’acier qui contienne la moindre quantité de nickel cubain est pour moi effrayant et mesquin.

Une chose en particulier a appelé mon attention. En arrivant à Cuba, où que ce soit que tu ailles, tu te rends compte que tout le monde utilise des ampoules d’économie d’énergie. Cela n’aide pas seulement à réduire le tarif domestique mais contribue aussi à réduire les causes du réchauffement global. Pour nous, c’est un exemple et une leçon pour tous sur comment on peut mettre en place un changement parmi les citoyens et combattre le changement climatique ; cela démontre que l’on peut épargner tout en tentant de sauver la planète. Le travail sur l’économie d’énergie mené à Cuba est un exemple pour tous.

Une note personnelle de ma visite a été de connaître les parents des cinq citoyens cubains détenus à Miami. C’est très clair qu’ils tentaient de découvrir et d’arrêter les actions terroristes de la part de groupes criminels. La rencontre avec les parents, ressentir leur courage, m’a rappelé la situation que nous avions en Grande Bretagne durant les années 60 et 70 où il y a eu des cas très clairs d’injustice avec des citoyens irlandais et la lutte de leurs parents pour leur liberté.

CubaSí : Vous avez manifesté publiquement votre appui à la Révolution cubaine. Quel est votre intérêt pour elle et pourquoi ?

Ken Livingstone : La Révolution à Cuba a été un des évènements qui a marqué le XXe siècle. Cela a signifié que s’il existe une alternative dans le monde, c’est le rejet des politiques néo-conservatrices et ce libéralisme économique extrême et que l’on peut investir pour le bien de la majorité des citoyens. Pour cela, malgré les critiques de certains, Cuba est d’un intérêt aussi grand pour des millions de personnes autour du monde, hors de la sphère des pays développés, ce qui est en réalité la majorité de la planète.

Depuis le triomphe de la Révolution cubaine, les États-Unis ont eu dix présidents qui ont maintenu une politique belligérante envers l’île. À mon avis, chacune de ces administrations n’a pas su comprendre que la Révolution est un reflet des intérêts nationaux et des besoins du peuple cubain et que ce n’est donc pas une construction idéologique artificielle.

Ce que le peuple de Cuba a démontré dans la pratique c’est une compréhension de ce que ses intérêts sont mieux servis par un internationalisme solidaire que par un isolement. Pour moi, l’exemple le plus clair de l’internationalisme solidaire de Cuba a été l’aide que le peuple cubain a apporté au peuple de l’Angola. Qu’un peuple qui était soumis au plus sauvage et injuste blocus puisse consacrer des ressources à grande échelle pour appuyer la lutte du peuple angolais est un des meilleurs exemples de solidarité internationale de l’histoire. Et il faut ajouter que Cuba n’a reçu aucun bénéfice matériel en échange pour avoir compris qu’une défaite de l’une des forces les plus réactionnaires et conservatrices au monde serait profitable à tous, y compris Cuba, dans le monde non industriel. Cet internationalisme solidaire est ce qui a marqué le profil de Cuba sur la scène mondiale.

CubaSí : Vous avez dit que si vous remportez de nouveau les élections municipales de Londres en 2009, qui vont coïncider avec l’anniversaire du triomphe de la Révolution cubaine, vous organiseriez un festival pour Cuba à Londres. Quelle serait son ampleur et sa dimension ?

Ken Livingstone : C’est l’un des sujets dont nous avons traité avec les autorités cubaines durant ma visite et je veux continuer ce dialogue pour savoir exactement quoi faire. Je veux que Londres réalise un festival qui reflète clairement l’histoire de Cuba, sa culture, son art et sa musique. Londres est une ville d’envergure internationale, avec un profil multiculturel et comme nous approchons des JO de 2012, nous allons célébrer de nombreuses cultures de tous les pays représentés dans le population londonienne. Il existe un intérêt pour Cuba à cause de sa participation et de son influence dans la sphère latino-américaine et caribéenne si nous observons les changements survenus dans la région. Ce que Cuba a fait et est en train de faire, est en relation avec le processus politique qui se développe dans la région et avec une ville comme Londres nous devons comprendre cela et nous devons prendre davantage en compte la culture cubaine. Si nous prenons comme exemple le cinéma cubain ou la musique cubaine, ceux-ci devraient en réalité avoir un impact beaucoup plus important. Je pense que le 50e anniversaire de la Révolution peut être le moment pour refléter cela.

CubaSí : Finalement, quelle est votre opinion de la Cuba Post-Fidel ? La commission étasunienne d’assistance à une Cuba libre se propose de mobiliser une tentative internationale d’imposer un gouvernement successeur à La Havane qui réalise un changement pour un système multipartiste de libre marché. Comment pensez-vous que le gouvernement britannique devrait réagir à cette idée ?

Ken Livingstone : Honnêtement je pense que le problème avec la politique étrangère des États-Unis est que les administrations croient en leur propre propagande. Il faut comprendre qu’une société comme la cubaine ne peut fonctionner gérée par une seule personne. Castro n’est pas si peu intelligent pour tenter de tout gérer depuis son bureau ; il dirige et s’intéresse à tous les aspects de la vie quotidienne de la société cubaine mais il s’assure aussi que Cuba ait les meilleures personnes d’expérience au gouvernement et qu’il se trouve des leaders de grand talent. En d’autres mots, Castro lui-même a déjà commencé le processus de transition depuis déjà un certain temps.

Quand en juillet, Castro a remis les rênes de la présidence à Raul, les États-Unis ont immédiatement supposé que Cuba ne pouvait souvenir un changement de leader sans entrer dans un chaos politique. Cinq mois ont passé et la réalité, c’est que la stabilité est là.



Articles Par : CubaSí

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