« Bachelet S.A. » gagne le premier tour pour administrer le modèle néolibéral chilien.

Seule la moitié des inscrits a voté ; il y aura un second tour le 15 décembre et un groupe d’étudiants d’Aces occupe le siège de campagne de Bachelet.

Les élections présidentielles et législatives du 17 novembre au Chili, prévisibles et sans mystère, ont été seulement interrompues par les jeunes regroupés en Assemblée Coordonnatrice des Étudiants Secondaires (Aces) qui ont occupé le siège de campagne de Michelle Bachelet à Santiago affirmant que :

« Le mouvement étudiant dans son ensemble a la certitude qu’au-delà des résultats des élections qui se déroulent aujourd’hui, l’année prochaine et celles qui viennent, seront des années de lutte et d’organisation
(…)
Aujourd’hui l’ancienne Concertation se déguise en Nouvelle Majorité, et a pris nos revendications en les intégrant à un programme dont nous savons qu’ils ne l’appliqueront pas, les déformant et les transformant en propositions pour la classe patronale et en les éloignant de leur origine : le mouvement social
(…)
Nous travaillerons inlassablement pour l’articulation transversale des luttes d’aujourd’hui et de demain. Qu’importe celui qui sera élu, nous continuerons d’être en accord et fermes avec le mouvement social ».

La candidate de la concession administrative de l’Exécutif, l’ex-Concertation, dénommée maintenant la Nouvelle Majorité, Michelle Bachelet, a obtenu 45,5 % des voix. En deuxième position, la candidate de la droite traditionnelle Evelyn Matthei avec 24,9 % [Chiffres provisoires avant le scrutin final]. C’est-à-dire le triomphe de Bachelet aura besoin d’être confirmé lors d un second tour dans un mois.

Ce qui se projette , c’est que les votes en faveur des candidats Marco Ominami (11 %) et Alfredo Sfeir (2,5 %) – en plus de ceux pouvant provenir des fractions électorales de Mauricio Israel (0,6 %), et Tomás Jocelyn-Holt (0,2 %) – se déplaceront en faveur de Bachelet au deuxième tour.

De son côté, une grande partie des votes favorables à Franco Parisi, 11,1 % (droite traditionnelle, aussi), iraient vers Evelyn Matthei, malgré que homme de droite Parisi ait déclaré qu’il ne votera pas pour elle en décembre. Pour dire que les divergences entre les courants partisans de la vieille droite ultralibérale expliquent aussi le vote en faveur de Bachelet.

Pour sa part, Marcel Claude (Parti Humaniste + indépendants) a obtenu 3 %, et la candidate anticapitaliste du Parti Égalité, Roxana Miranda, 1,3 %. La candidature de Roxana – qui a été menée pratiquement sans moyen, seulement avec du cœur et de l’imagination – n’a pas été entendue quand elle a appelé à des primaires avec le candidat du Parti Humaniste pour participer aux présidentielles avec une candidature unique. Ce qui a été refusé. Les défis pour le peuple qui ont accompagné Roxana sont l’intensification de la lutte sociale, le développement social de ses forces, l’éducation politique et une organisation concrètement supérieure.

La crise de représentativité du système des partis politiques s’est à nouveau exprimée dans le fait que sur treize millions et demi d’électeurs, seuls 6.576.948 se sont rendus aux urnes. C’est-à-dire à peine 50 % environ.

La candidature de Bachelet a été ouvertement soutenue par les intérêts entrepreneuriaux et géopolitiques de l’impérialisme étasunien, l’immense majorité du patronat et les relais journalistiques, sans aucune contrepartie, due à sa supposée capacité à doter d’une meilleure gouvernance et de continuité le capitalisme ultra qui dirige le Chili depuis presque 40 ans.

Sur les intérêts et la force populaire

Bien sûr que ce n’est pas encore fini. C’est clair que la dictature civile-militaire fut synonyme d’une offensive historique contre les travailleurs et les peuples du Chili. Bien entendu que le Pentagone et ses subordonnés devaient arrêter à tout prix une possible révolution dans le dernier territoire de la carte du mandarin du nord. C’est clair qu’alors que l’établissement de tyrannies militaires se répandait comme le pétrole en Amérique Latine en réaction à la terreur impérialiste au renouvellement d’éventuelles expériences inspirées de la Cuba du jeune Fidel et de Guevara. Bien entendu qu’au Chili, avec un gouvernement – résultat d’antiques combats et de contexte conjoncturel – qui prenait des mesures pour aller vers la création de conditions matérielles et culturelles en vue du socialisme, la minorité au pouvoir a laissé tomber – épouvantée et fomentant un coup d’État bien financé, les investissements les plus lucratifs – la vengeance de classe promise et la peur exemplaire pour soumettre un peuple auto-conscient et désarmé.

Naturellement, avec la mémoire fraîche et déclenché par la crise de la dette du début des années 80, s’est ranimé et re-politisé le même peuple souillé. Et devant le danger, cette fois-ci des reflets victorieux d’un Nicaragua insurgé, on a joué le pacte inter bourgeois entre les vieux putschistes politiques et [encore] l’ambassade US pour inaugurer une démocratie de faible intensité, vaccinée contre les travailleurs appauvris par force et par loi. Le crime était déjà consommé et dans les meilleures conditions possibles pour les propriétaires de tout.

Avec l’Union soviétique en phase terminale et expérimentant au Chili depuis presque 20 ans la nouvelle phase du capitalisme, aujourd’hui hégémonique, entre 1988 et 1990, a transité par le pays andin ce qui est désormais la version dominante de l’ordre mondial. C’est, le capitalisme imaginé seulement par le libéralisme le plus délirant. Un Chili et le système monde où toutes les relations sociales ont devenues des marchandises ; la concentration capitaliste avec un aval étatique ; les formes les plus originales de super exploitation du travail salarié ; la porte ouverte vider les ressources naturelles à un prix bradé et aux dépens de l’ humanité ; et l’impérialisme financier fonctionnant comme une holding monopoliste pour que depuis son poste de contrôles se dictent les conditions de production, de distribution, d’échange et de consommation.

Et, ainsi, la prolifération de lois antiterroristes consacrées à tous ceux qui lèvent la tête. La répression préventive et par soupçon, la culture de l’aliénation de plus en plus sophistiquée, du conformisme et de la fatalité. Et comme brillante coquille, aux garde-fous autorisés, une démocratie antipopulaire et plus limitée même que la république représentative mise à a retraite. Le royaume de la dette et de la spéculation. Le vote comme parodie de participation, de même l’éducation comme un levier illusoire de mobilité sociale.

L’administration planétaire de l’inégalité, l’industrie des armes, du trafic de stupéfiants et de la prostitution ; la concurrence à mort entre des fractions du capital ; l’aggravation absolue et relative de la vie de l’immense majorité des terriens. L’extinction de l’État de bien-être, la naturalisation de la misère, la dépendance actualisée des économies périphériques.

La contradiction structurelle de l’appropriation privée de la valeur et de l’excédent collectivement produit. La rébellion des territoires sociaux encore insuffisants pour modifier radicalement la vie. Nos manques comme résistance organisée ou mal organisée ou pas organisées du tout. L’ennemi principal nous sabotant la volonté, l’expérience accumulatrice, la persistance nécessaire. La conviction de ce que les contradictions internes du capitalisme seules ne le démolissent pas. La jeunesse rebelle cherchant à tâtons, avec un visage de femme, d’indigène, de migrant, de défenseur de l’environnement courageux, de croyant enragé, de travailleur et d’étudiant pauvres. L’ordre des choses et les choses bien ordonnées des chiffres de là-haut.

Mais même la loge la mieux cimentée, cède quand s’agite la galerie sans fauteuils des plébéiens.

Andrés Figueroa Cornejo

Article original en espagnol : Rebelión, le 18 novembre 2013.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par :Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo. París, le 19 novembre 2013.

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