Baisses d’impôt de Trump: une aubaine pour les sociétés et les riches

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L’administration Trump propose les plus importantes baisses d’impôt pour les riches dans l’histoire des États-Unis. Le plan présenté mercredi transférerait des billions des dollars des futurs impôts perçus dans les poches des super-riches. Le but est double: enrichir l’aristocratie financière et forcer la destruction de programmes comme la sécurité sociale et Medicare en privant le gouvernement fédéral des revenus nécessaires pour les financer.

Le secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin et Gary Cohn, le président du Conseil économique national de Trump, ont fait part d’une déclaration de principes lors d’une conférence de presse de la Maison-Blanche mercredi après-midi, où ils n’ont donné que quelques aperçus et permis peu de questions, qu’ils ont largement contournées.

Toute l’opération semblait précipitée. Les articles de journaux suggèrent que le plan fiscal a été formulé en réponse à la critique croissante de Wall Street, surtout depuis la tentative avortée d’annuler Obamacare, selon laquelle le gouvernement ne remplissait pas ses promesses d’appliquer un transfert de la richesse des travailleurs vers les multimillionnaires.

Ceci étant dit, la conférence de presse de mercredi a donné une idée de la cupidité personnelle qui est une motivation importante de la politique capitaliste américaine. Mnuchin et Cohn étaient à peine capables de contenir leur excitation par rapport à ce que Cohn décrivait comme «la chance unique d’une génération» de transformer le code fiscal. Les deux anciens banquiers de Goldman Sachs, qui valent chacun plus d’un demi-milliard de dollars, ont décrit les aspects principaux du plan qui contribuera à leur propre immense richesse.

Parmi les mesures principales qui bénéficieront à ceux de la couche de revenus la plus élevée:

* L’abolition de l’impôt successoral, pour que les riches puissent transmettre leurs fortunes intactes

* L’abolition de l’impôt minimum alternatif (AMT), établi en réponse à l’évasion fiscale répandue parmi les riches

* La réduction du taux d’imposition pour la part des profits utilisée comme revenu personnel, de 39,6 pour cent à 15 pour cent

* La réduction du taux d’imposition des tranches supérieures de 39,6 pour cent à 35 pour cent

* L’abolition de la surtaxe de 3,8 pour cent sur les gains en capitaux pour Obamacare

Beaucoup de ces mesures aideront le président Trump personnellement, particulièrement l’abolition de l’AMT. D’après ses déclarations de revenus partielles divulguées en 2005, il a déboursé 38 millions $ en impôts sur le revenu cette année, au lieu de 5 millions $, à cause de l’AMT. Il retient également une grande part de son revenu de l’investissement immobilier sous la forme de «dépenses personnelles» pour lesquelles le taux serait moins de la moitié.

L’abolition de l’impôt successoral, qui s’applique actuellement seulement aux fortunes de 5 millions $ ou plus, permettrait à Trump de transférer ses milliards à ses cinq enfants sans qu’ils payent un sou. La même chose s’applique à Cohn (valeur nette de 610 millions $) et Mnuchin (valeur nette de 500 millions $).

L’aubaine d’impôts pour les entreprises américaines est encore plus importante que pour les individus riches. La plus importante réduction d’impôts est celle de l’impôt sur les sociétés qui passe d’un taux de 35 à 15 pour cent, au coût estimé de 2400 milliards $ sur les dix prochaines années. En 2018, cet acte réduirait l’impôt des entreprises de 340 milliards $ à 125 milliards $, un versement direct de 215 milliards $ dans leurs coffres. Le gros de cet argent serait transféré aux actionnaires riches à travers le rachat d’actions et les dividendes.

En plus de cela, les modifications proposées dans l’imposition des multinationales basées aux États-Unis à travers l’établissement d’un système d’impôts «territorial», dans lequel seul le revenu obtenu à l’intérieur des États-Unis serait visé par l’impôt sur les sociétés. Étant donné que les sociétés sont capables de manipuler les flux des revenus, il y aurait un nouvel incitatif pour déclarer le revenu dans des paradis fiscaux plutôt qu’aux États-Unis et ainsi échapper totalement à l’impôt.

Tout ceci serait combiné à un incitatif unique pour les entreprises à rapatrier les profits retenus dans des comptes à l’étranger. Le taux auquel ces profits seraient imposés serait aussi bas que 5 pour cent, un immense cadeau pour quelques sociétés, incluant Apple et General Electric, qui détiennent des billions de dollars à l’étranger.

Il est prévisible que les réductions d’impôts reçoivent l’appui de nombreux démocrates du Congrès, qui s’opposeront en rhétorique au taux de 15 pour cent pour les revenus des entreprises, mais proposeront une réduction à 18 ou 20 pour cent comme étant un «compromis» acceptable forcé par Trump contre leur résistance supposément déterminée.

L’administration Obama avait précédemment proposé une réduction du taux d’imposition sur les sociétés de 35 à 28 pour cent, et 25 pour cent pour les fabricants – un avantage de «seulement» 100 milliards de dollars par année – tandis que le dirigeant de la minorité du Sénat Charles Schumer est l’auteur d’un plan bipartite pour donner des «incitatifs» au rapatriement des profits à l’étranger à travers un congé fiscal pour les sociétés impliquées.

En prévision de l’annonce de mercredi, Schumer a adopté une posture d’opposition, déclarant sur le plancher du Sénat: «Ceci n’est pas une réforme fiscale… Ce n’est qu’un cadeau fiscal pour les très, très riches qui va faire exploser le déficit.»

La dernière phrase est la plus importante. L’opposition des démocrates, et de certains républicains, sera concentrée sur l’impact fiscal des réductions d’impôts. Dans la mesure où les réductions d’impôts seront mises en œuvre – et il est presque certain qu’elles soient adoptées sous une forme quelconque –, il y aura des demandes bipartites pour que le cadeau fiscal pour les riches soit «payé» à travers des réductions dans les dépenses. Ces réductions ne seront pas appliquées au budget gargantuesque du Pentagone, qui lui sera augmenté, mais plutôt aux prestations comme la sécurité sociale, Medicare et Medicaid, soit les programmes sociaux les plus coûteux.

Cette perspective a été formulée par le Washington Post dans un éditorial publié à la veille de la publication du plan fiscal, se plaignant de l’effet des réductions fiscales sur le déficit fédéral sans mentionner la question de l’inégalité sociale et le pillage du pays au service des riches. L’éditorial concluait: «Pendant huit ans, les républicains ont attaqué le président Barack Obama sans pitié pour avoir négligé le déficit fédéral. Feront-ils maintenant demi-tour pour approuver des baisses d’impôt qui feront exploser le budget?»

Le plan fiscal présenté mercredi inclut plusieurs autres clauses qui affecteront les contribuables au revenu intermédiaire, positivement et négativement. Le résultat net ne peut pas être calculé parce que trop de détails demeurent indéterminés.

Cohn a dit que la Maison-Blanche proposait de doubler la déduction d’impôt standard en la faisant passer à 24.000 $ pour un couple marié. Ceci serait contrebalancé par l’élimination de déductions d’impôt pour l’assurance médicale fournie par l’employeur et pour le payement de taxes d’État et municipales.

Les travailleurs à bas revenu n’ont rien à gagner du standard accru des déductions, puisqu’ils payent généralement peu ou aucun impôt sur le revenu et sont beaucoup plus affectés par les impôts sur les salaires pour Medicare et la sécurité sociale, qui demeureraient intactes sous le plan de Trump.

Cohn et Mnuchin ont décrit le plan fiscal mercredi comme une «première offre», préparatoire aux longues négociations entre la Maison-Blanche et le Congrès. Il y a deux voies législatives possibles: une entente bipartite, qui nécessiterait l’appui d’au moins huit démocrates du Sénat afin de surmonter toute obstruction, ou l’adoption à travers une procédure désignée de «réconciliation», qui ne nécessite qu’une simple majorité, mais limite la durée des baisses d’impôt à une période de dix ans.

Patrick Martin

Article paru en anglais, WSWS, le 27 avril 2017



Articles Par : Patrick Martin

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