À Benghazi, la CIA a établi le contact avec les rebelles

Des insurgés se préparent à avancer vers les troupes fidèles au colonel Kadhafi, jeudi, dans l'est de la Libye.
Des insurgés se préparent à avancer vers les troupes fidèles au colonel Kadhafi, jeudi, dans l’est de la Libye. Crédits photo : © Finbarr O’Reilly / Reuters/REUTERS

Barack Obama aurait signé, il y a quelques jours, un mémorandum secret donnant le feu vert à des opérations clandestines.

De notre correspondante à Washington

Cela n’a rien de surprenant, mais la Maison-Blanche le reconnaît désormais sous couvert d’anonymat: des agents de la CIA, mais aussi des services britanniques et français, sont déployés sur le terrain libyen depuis plusieurs jours pour tenter de comprendre la nature de la rébellion qui combat le régime du colonel Kadhafi et de déterminer s’il est avisé ou, au contraire, risqué de leur livrer des armes. Selon CNN, ces agents ont assisté le pilote américain dont l’avion s’est récemment écrasé dans l’est de la Libye, coopérant sur ce dossier avec les forces d’opposition basées à Benghazi. Sur la «longue liste» de missions assignées aux agents «dans ce type de circonstance», venir au secours de militaires américains en difficulté est toujours une priorité, commentait jeudi Charles Faddis, un ancien agent.

Selon le New York Times, les hommes de la centrale de renseignement américaine sont déployés «en petits groupes» avec pour mission d’établir des liens avec les insurgés et d’aider les forces de la coalition à cibler leurs frappes aériennes. Une mission délicate, vu le caractère éparpillé et chaotique de l’opposition armée. Ils ne participent pas à la direction des opérations menées par les rebelles, ont toutefois tenu à préciser au quotidien les responsables américains sous couvert d’anonymat. Interrogé par le pool presse de la Maison-Blanche, le porte-parole présidentiel Jay Carney s’est refusé à s’exprimer officiellement «sur des questions de renseignement». Mais la chaîne ABC et l’agence Reuters ont précisé que Barack Obama avait signé il y a quelques jours un mémorandum secret donnant le feu vert à des opérations clandestines de la CIA afin «de contribuer à l’effort» en Libye. En 2009, il avait donné une autorisation similaire pour étendre les opérations clandestines antiterroristes de la CIA au Yémen. Le mémorandum «évoque un certain nombre de façons d’aider l’opposition libyenne, autorise de l’aide dès maintenant et met en place le cadre d’activités plus soutenues à l’avenir», a précisé une source officielle à ABC, soulignant toutefois que cet ordre présidentiel ne donnait pas autorisation d’armer les rebelles dans l’immédiat. Mardi soir, le président avait affirmé qu’aucune décision n’avait été prise sur ce point, sans toutefois l’exclure. Mercredi, Hillary Clinton, Robert Gates et le patron du renseignement, James Clapper, répétaient à leur tour devant le Congrès que la question était encore en discussion.

Ce débat reste vif, vu le peu d’informations dont dispose Washington sur la nature de la rébellion. Certains experts soulignent que les insurgés ont plus besoin de formateurs que d’armes, vu leur amateurisme, mais l’envoi d’officiers formateurs serait un pas de plus dans l’engagement de l’Amérique dans la guerre. Surtout, «pour leur fournir un entraînement et des équipements, il est indispensable de savoir qui ils sont», résume Bruce Riedel, ancien expert de la CIA, spécialiste du Moyen-Orient, qui conseille l’Administration.

L’expérience afghane

Jusqu’ici, les responsables américains disent juger plutôt encourageant ce qu’ils ont appris sur les insurgés, et notamment leur engagement démocratique, mais certains «indices» signalant la présence d’ex-combattants d’al-Qaida parmi les insurgés méritent évaluation, a reconnu la secrétaire d’État Hillary Clinton.

Certains experts rappellent l’amère expérience de l’Afghanistan, où les États-Unis avaient armé les moudjahidin, qui ont plus tard contribué à la création du mouvement taliban, ennemi de l’Amérique. Mais le pouvoir américain, inquiet de la désorganisation des insurgés, parmi lesquels moins de mille auraient une expérience du combat selon une évaluation du New Yorker, semble envisager toutes les options pour faire chuter Kadhafi, afin d’éviter un embourbement de long terme pour la coalition. Dans un article de la radio Voice of America, le spécialiste du renseignement Gary Thomas a fait la liste des différentes formes que pourrait prendre une opération clandestine de la CIA: des actions «de propagande, de financement clandestin, de manipulation électorale, de fourniture d’armes et d’entraînement, et même une aide à un coup d’État».



Articles Par : Laure Mandeville

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