Blé OGM: la bataille reprend

(Québec) Des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans le pain, les pâtes alimentaires et le couscous? Des producteurs et des transformateurs de blé du Canada, des États-Unis et de l’Australie estiment que c’est la voie de l’avenir et réclament le développement de variétés transgéniques, actuellement interdites partout dans le monde. Des regroupements d’agriculteurs et des groupes écologistes s’y objectent vertement.

Il y a cinq ans, presque jour pour jour, Monsanto retirait sa demande d’homologation du blé Roundup Ready, capable de résister à l’herbicide le plus utilisé dans le monde, et abandonnait toute recherche portant spécifiquement sur cette céréale, arguant qu’elle n’était pas commercialement rentable. Les groupes de défense des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement défavorables aux OGM avaient crié victoire et croyaient l’histoire du blé transgénique terminée. Mais ce n’était que la fin d’un chapitre…

À la mi-mai, neuf groupes réunissant producteurs de blé, meuneries et agences de promotion du blé du Canada, des États-Unis et de l’Australie ont publié une déclaration conjointe dans laquelle ils font l’apologie des biotechnologies agricoles, plaident pour une reprise de la recherche privée et s’engagent à commercialiser les OGM de façon coordonnée. Aucun des trois pays, parmi les principaux exportateurs de blé sur la planète, n’irait de l’avant sans ses acolytes et sans une surveillance serrée des nouvelles cultures.

«On ne dit pas qu’on est en faveur d’une mise en marché [release] immédiate, mais qu’il faut y regarder de près parce que notre retard sera difficile à rattraper dans quelques années», a expliqué hier Doug Robertson, président des Producteurs de grains du Canada.

Les agriculteurs sont particulièrement intéressés à des variétés résistantes aux maladies – comme la fusariose du blé, répandue partout au Canada – ou capables de pousser dans le froid ou la sécheresse. Cela afin d’améliorer leurs rendements, qui connaissent une faible croissance depuis plusieurs années. L’industrie de la transformation agroalimentaire est plutôt à la recherche d’un blé sans gluten pour accommoder les allergiques.

Cet appel ne laisse pas les grands semenciers indifférents. Trish Jordan, porte-parole de Monsanto Canada, affirme que son employeur écoute «avec attention» les voeux des producteurs et pourrait «réintégrer le marché du blé si les conditions étaient bonnes». «Du strict point de vue de la commercialisation, personne n’est proche du but», ajoute-t-elle cependant, évoquant un horizon de recherche de «8 à 10 ans minimum».

Santé Canada a confirmé hier qu’aucune demande d’homologation de blé OGM n’avait été déposée depuis 2004.

Éric Darier, directeur de Greenpeace au Québec, oppose un non catégorique à la commercialisation du blé transgénique. «Dans notre culture occidentale, le blé est très symbolique. C’est le pain qu’on met sur la table tous les jours, les pâtes alimentaires pour les Italiens, le couscous pour les Arabes. Il est consommé directement par les humains, contrairement au canola et au maïs génétiquement modifiés qui servent à l’alimentation animale», rappelle-t-il.

Greenpeace fait partie de la quinzaine de signataires (du Canada, des États-Unis et de l’Australie) de la déclaration contre le blé OGM, rendue publique hier. Le document réaffirme le caractère sacré de la céréale et condamne toute manipulation transgénique, soutenant que les méthodes d’amélioration traditionnelles sont tout aussi efficaces. Les anti-OGM du monde entier sont invités à signer la déclaration d’ici le 31 août.

En 2004, la Commission canadienne du blé s’était rangée du côté des activistes, craignant que le blé Roundup Ready ne précipite la résistance des mauvaises herbes à l’herbicide et que les clients internationaux ne se détournent du blé canadien de crainte d’y trouver des OGM. Hier, Rhéal Cenerini, conseiller en relations gouvernementales, a expliqué que la position de l’organisme de commercialisation n’avait pas changé : «On ne s’oppose pas au produit en tant que tel, mais il faut qu’il y ait des bénéfices pour les producteurs et il faut s’assurer d’avoir l’appui des consommateurs.»

Le fait que le blé entre dans la fabrication d’une multitude de produits alimentaires et qu’il est cultivé sur de très grandes superficies oblige à la prudence, ajoute M. Cenerini. La commercialisation simultanée d’un blé génétiquement modifié au Canada, aux États-Unis et en Australie placerait plusieurs pays importateurs devant le fait accompli. Sans compter que les agriculteurs, dont les rendements pourraient augmenter, seraient dans l’interdiction de replanter leurs propres grains et devraient payer des redevances aux semenciers.



Articles Par : Annie Morin

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