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Bolivie : Le Sucre porte une nouvelle estocade au dollar
Par Global Research
Mondialisation.ca, 12 novembre 2009
Rebelión 12 novembre 2009
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Samedi, le 7 novembre, 2009

 

Pour la première fois dans l’ère de l’histoire moderne, un groupe de pays d’Amérique Latine considérés comme « en développement », et qui ont subi pendant des siècles de colonisation puis l’hégémonie des Etats-Unis, ont décidé de rompre leurs attaches avec le dollar et de créer leur propre monnaie, valable pour leurs échanges commerciaux. / Hedelberto Lopez Blanch, Rebelión

Les chefs d’Etat et de Gouvernement qui participaient au VII Sommet de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) ont pris la décision de mettre en place le Système Unique de Compensation Régionale (SUCRE) pour les échanges commerciaux entre les pays membres, qui entrera en vigueur en début 2010.

La future intégration monétaire, qui sera adossée aux réserves de la banque de l’ALBA, permettra aux neuf Etats membres de se prémunir contre les crises économiques, en fera des territoires indépendants des politiques agressives mises en place par les organismes financiers comme le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, et les éloignera de l’hégémonie du dollar.

Les pays membres de l’ALBA sont le Venezuela et Cuba (les pays fondateurs), la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, le Honduras, l’Equateur, Saint-Vincent et les Grenadines, Antigua-et-Barbuda, et cette nouvelle initiative est ouverte à d’autres Etats d’Amérique Latine.

Les mesures finales pour l’entrée en vigueur du SUCRE seront prises lors d’une prochaine réunion qui devrait avoir lieu en novembre, et au cours de laquelle les pays membres examineront et lanceront quatre structures : un Conseil Monétaire Régional, une Unité Monétaire Commune qui fonctionnera comme une monnaie virtuelle avec la perspective de devenir une monnaie physique, une Chambre Centrale de Compensation ainsi qu’un Fonds de Réserve et de Compensation Régionale.

Le SUCRE régulera les achats et les ventes entre gouvernements, et il est prévu dans un futur proche qu’il circule comme une monnaie réelle à l’instar de l’euro. C’est lors de la réunion de novembre que sera décidée l’étendue de sa capacité à réguler tout le commerce entre les nations, et à combien équivaudra un SUCRE dans la monnaie de chaque pays, entre autres aspects.

Le nouveau système de paiement sera principalement mis en place à travers le Traité de Commerce des Peuples (TCP) que les pays ont voté dans le cadre de l’ALBA, et le soutien à cette unité monétaire se fera à travers les dépôts que feront les nations en liquide et dans leur monnaies respectives au sein de la Banque de l’ALBA.

L’utilisation du SUCRE pour les grandes transactions entre pays membres conduira à limiter l’utilisation du dollar pour les opérations commerciales, ce qui permettra de promouvoir d’autant plus le commerce à l’intérieur de la région et de générer une croissance économique importantes dans les pays de l’ALBA.

Après la Deuxième Guerre Mondiale, les Etats-Unis sont devenus une puissance globale et ont réussi, grâce aux accords de Bretton Woods de 1944, que le dollar constitue la monnaie de réserve mondiale, sa valeur étant garantie par leur accumulation de grandes quantités d’or.

Aussi, dans les années 1970, Washington est-t-il parvenu à un accord avec l’OPEP afin que les activités commerciales pétrolières s’effectuent avec le billet vert, et c’est à la même époque que les Etats-Unis ont détaché le dollar de leurs réserves d’or. C’est ainsi qu’ils ont commencé à imprimer leur monnaie et à inonder le monde de billets verts, sans que leur valeur réelle soit liée aux richesses du pays émetteur.

« Avec la suspension de la convertibilité, le dollar est devenu une devise pouvant être imprimée à volonté par le Gouvernement des Etats-Unis, sans nécessité d’une valeur constante », a récemment affirmé le leader cubain Fidel Castro.

Ceci a constitué la principale motivation des créanciers étrangers pour rechercher des alternatives à la dette étasunienne, qu’ils ont achetée, et dans laquelle ils détiennent leurs réserves.

Plusieurs pays ont été impliqués dans la course pour se séparer du billet vert en évitant qu’il soit dévalué abruptement avant qu’ils s’en défassent.

En 2003, la Syrie a commencé à changer ses réserves en euros. La Banque Centrale des Emirats Arabes Unis a changé en euros 10% de ses réserves en dollars. Le Venezuela a suivi le mouvement et cherché des monnaies plus sûres comme l’euro et le yuan chinois. La Suède a diminué ses réserves en dollars jusqu’à 20% et porté à 50% ses réserves en euros. Quant à la Banque Centrale de Russie, elle détient déjà la majeure partie de ses réserves en euros.

L’Iran a ouvert en 2005 une bourse pour la vente de pétrole en euros dans l’île de Kish, dans le Golfe persique, ce qui a constitué un des premiers coups portés au dollar et a conduit à développer la haine des Etats-Unis envers cette nation.

Dans la même tendance, la Chine et le Brésil ont signé un accord pour utiliser le real et le yuan dans leurs transactions, qui ont atteint cette année l’équivalent de 40 000 millions de dollars.

La Chine et l’Argentine ont fait de même (avec le peso argentin et le yuan) à hauteur de 20 000 millions de dollars. Pékin a signé des accords similaires avec la Corée du Sud, la Malaisie, la Biélorussie et l’Indonésie.

L’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) – Chine, Russie, Ouzbékistan, Kirghizstan, Tadjikistan, Kazakhstan presse ses membres d’effectuer leurs échanges commerciaux dans les monnaies nationales ou avec une future devise supranationale afin de se passer du dollar.

Dans le même temps, le puissant groupé d’économies émergentes connu comme le BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ont remarqué lors d’une récente rencontre qu’il devenait « très nécessaire d’avoir un système de devises stable, facile à pronostiquer et plus diversifié ».

Les Pays de l’ASEAN (Brunei, Birmanie, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam) pourront dans le futur passer des contrats en yuan au lieu du dollar, selon un programme pilote mis en marche par Pékin, en commençant par Hong Kong et l’Indonésie.

L’hégémonie du dollar, seigneur et maître des transactions commerciales internationales, est en train de perdre du terrain et cessera bientôt d’être la principale monnaie de réserve mondiale. Le SUCRE aura aussi mis son grain de sable dans cette nouvelle donne.

 

Traduction : A. F., Info Sud Télé

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