Rarement comme à l’occasion de cette brève guerre le monde des médias internationaux est apparu incapable de poursuivre l’objectivité de l’information.
Autant les journalistes ont couru de grands risques sur le terrain (quel terrain, pourquoi ne dit-on pas où ils ont été tués, NdT) –et la mort de quatre d’entre eux, plus dix blessés, en l’espace de quelques jours est le témoignage de cet effort extrême- autant l’information transmise aux lecteurs et spectateurs a été partiale et viciée par des a priori politiques.
Les médias occidentaux, à de rares exceptions près (lesquelles ? NdT) ont épousé le point de vue géorgien, en rapportant comme « faits » les informations données par les sources de Tbilissi et comme « Moscou dit que… » ce qui provenait de sources russes : ceci alors même que les nouvelles d’origine géorgienne étaient manifestement irréelles et propagandistes, alimentées par les proclamations ininterrompues et torrentielles de Saakashvili, qui a toujours gardé l’initiative des accusations et des dénonciations, sans même se préoccuper de démentir les accusations russes contre lui.
Pour les médias occidentaux, Tbilissi a été plusieurs fois « bombardée », Gori répétitivement « occupée », ou, alternativement, « rasée au sol » ; les colonnes de cuirassés russes ont à plusieurs reprises « entouré la capitale » géorgienne, ou « coupé le pays en deux ». Peu d’organes de presse ont informé que l’armée géorgienne a abandonné, sans qu’un seul coup de feu ait été tiré (contre elle, NdT), les villes de Zugdidi et Senaki, très loin de la zone de combat.
Une curieuse dynamique a poussé journaux et télés occidentales à « adhérer » automatiquement à la crédibilité de la Géorgie, amie des Usa et donc en tant que tel pays libre et démocratique ; et à se méfier des informations provenant de la Russie, critiquée par les Usa comme pays autoritaire et non libre. Peu d’entre eux ont fait état du fait qu’il n’existe pas en Géorgie de médias indépendants (ni les télés, contrôlées par l’Etat, ni les plus grands journaux, tous propriétés d’amis du président) et que la liberté d’information est sévèrement limitée par le pouvoir politique – si bien qu’il y a eu ces 12 derniers mois de nombreuses manifestations de protestation, qui ont culminé en octobre dernier par une quasi insurrection. Et pourtant, paradoxalement, c’est justement les terribles pertes humaines subies par les journalistes sur le champ de bataille d’Ossétie qui montrent que la liberté d’information est peut-être plus respectée en Russie qu’aux Etats-Unis. En Irak, les journalistes ont très peu eu la possibilité de se déplacer, totalement « embedded » et sous censure ; ceux qui allaient sur le front irakien ont délibérément été visés et tués. Sur le champ de bataille géorgien (osséto-géorgien, NdT) tous les journalistes touchés (un russe, deux géorgiens et un hollandais ont été tués, presque tous les blessés sont russes) pouvaient se déplacer, de chaque côté du « front », en toute autonomie et liberté, arrivant à être présents au plus fort des affrontements –avec des risques terribles- pour envoyer lieus reportages aux rédactions. Malheureusement, la vérité de leurs récits a été presque toujours humiliée par la vérité fabriquée dans les bureaux de presse des gouvernements (même pour les rédactions des journaux italiens « de gauche » ?! NdT)
Edition de vendredi 15 août 2008 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/14-Agosto-2008/art44.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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