Bosnie-Herzégovine : réorganisation territoriale ou nouvel éclatement du pays ?

Les dirigeants des trois principaux partis de Bosnie-Herzégovine, le SDA, le SNSD et le HDZ, ont conclu lundi un accord surprise à Banja Luka, qui prévoit une réorganisation totale du pays. Trois « régions » seraient créées, tandis que Sarajevo deviendrait un « district ». Il s’agit peut-être d’un pas de plus vers l’éclatement de la Bosnie, d’autant que les signataires de l’accord interprètent déjà différemment ce qu’ils viennent de signer.

Une déclaration surprenante des dirigeants des trois principaux partis serbe, croate et bosniaque de Bosnie-herzégovine a jeté la confusion dans tout le pays et provoqué de nombreuses réactions politiques. Elle prévoit la mise en place d’une nouvelle organisation territoriale en Bosnie.

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Milorad Dodik, Dragan Čović et Sulejman Tihić

La déclaration commune des trois principaux dirigeants du pays, Milorad Dodik (Parti des sociaux-démocrates indépendants, SNSD), Sulejman Tihić (Parti de l’action démocratique, SDA) et Dragan Čović (Parti de l’union démocratique croate de Bosnie, HDZ), ne livre que peu de détails sur ce projet. Elle précise cependant que l’accord devrait instaurer quatre régions et trois « niveaux administratifs » en Bosnie.

L’architecture institutionnelle actuelle est issue des accords de Dayton et de la guerre de Bosnie de 1992-1995, elle comporte quatre échelles administratives et deux entités.

Quelques heures seulement après cette nouvelle, les dirigeants de ces trois partis ont individuellement fait des déclarations contradictoires. Les premières réactions indiquent que la mise en oeuvre de l’accord est loin d’être acquise.

Au cours d’une émission télévisée, lundi 26 au soir, Sulejman Tihić a été attaqué par son principal opposant, le dirigeant du Parti pour la Bosnie-Herzégovine (SBiH), Haris Silajdžić.

« Cet accord, c’est la division de la Fédération ! », a-t-il hurlé en direction de Sulejman Tihić pendant les 60 minutes de la discussion.

« Inutile de me hurler dessus, le temps où vous pouviez hurler est passé », a répliqué Sulejman Tihić, très énervé. Ce dernier n’a pu s’empêcher d’ouvrir son paquet de cigarettes devant les caméras.

Milorad Dodik, Sulejman Tihić et Dragan Čović ont déclaré qu’ils allaient conjointement travailler sur les détails de l’accord lors de leur prochaine réunion prévue à Mostar le 23 février. D’après cette déclaration, la partage des biens de l’Etat bosnien a été envisagé, tout comme le sort du district de Brčko. Ces deux questions sont fondamentales en vue du départ du Bureau du Haut représentant (OHR) et de l’intégration de la Bosnie à l’Union européenne (UE).

Ces déclarations semblent confirmer que le pays entre dans une nouvelle ère de son histoire. Elles ont de fait provoqué de nombreuses critiques de part de la classe politique bosnienne. Le Haut représentant a refusé tout commentaire en disant qu’il avait besoin de temps pour analyser l’accord.

La situation est devenue encore plus confuse lorsque Milorad Dodik et Sulejman Tihić ont peu après fait des déclarations contradictoires. Sulejman Tihić a déclaré que les quatre nouvelles régions seraient définies par des critères économiques, alors que Milorad Dodik a affirmé que la Republika Srpska ne disparaîtrait pas, ce qui revient à dire que la Fédération allait être divisée en trois.

L’hypothèse d’une division administration de plus au sein de la Fédération, parfois envisagée par les Croates et les Serbes de Bosnie, a toujours été rejetée par Haris Silajdžić et d’autres hommes politiques bosniaques.

L’échec des dirigeants de Bosnie à s’accorder sur un cadre administratif plus efficace et moins complexe a condamné la dernière tentative de réforme constitutionnelle en 2005, et a conduit à de graves tensions politiques et communautaires. Cette crise politique, la plus vive depuis la fin de la guerre, n’a toujours pas été surmontée.

Milorad Dodik, Sulejman Tihić et Dragan Čović ont commencé à se rencontrer fin 2008, ils avaient à l’époque déclaré chercher une issue à l’impasse politique dans laquelle se morfond le pays depuis des années.

Les accords précédents avaient été critiqués par la plupart des autres partis politiques. Malgré leur position prépondérante, les trois partis n’ont pas la majorité au sein du Parlement de l’État central ni de celui de la Fédération. Ils ne peuvent donc pas prendre des décisions unilatérales.

Le principal parti d’opposition, le Parti social-démocrate (SDP), qui pourrait apporter suffisamment de voix au Parlement pour soutenir la position du SDA, du SNSD et du HDZ a plusieurs fois rejeté cet accord qu’il considère comme trop vague.

Son dirigeant, Zlatko Lagumdžija, a même été plus loin en se moquant ouvertement des trois dirigeants nationalistes. Il a qualifié cet accord « de bon pour un nouveau désaccord » et souligné que « ces trois dirigeants ne peuvent même pas se mettre d’accord sur leur accord ».

Publié dans la presse : le 27 janvier 2009.

Traduit par Jacqueline Dérens, Le Courrier des Balkans.



Articles Par : Global Research

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