Bulle immobilière « Soutenir ou flétrir le capital »

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« Le crédit va continuer d’alimenter la bulle immobilière », ce n’est pas moi qui le dit, c’est l’expert de Xerficanal. Et il faut reconnaître à ce média une certaine rigueur et honnêteté dans ses analyses, auxquelles il ne manque qu’une mise en perspective politique : le financement de l’immobilier n’est qu’un outil  à   la  disposition des capitalistes  –  les actionnaires – pour maintenir   leur  patrimoine financier, et surtout leur pouvoir sur les citoyens que nous sommes.

L’analyse développée dans la vidéo de Xerfi Canal explique avec justesse le cycle suivant : les prix de l’immobilier sont hauts, voire totalement inaccessibles au commun des mortels pour se loger dans certaines villes, et la réponse du gouvernement s’attache non pas à baisser les prix, mais à « aider » les gens à s’endetter pour se loger. En clair, le Haut Conseil de Stabilité Foncière, conseil du pouvoir ne comptant aucun élus dans son exécutif (il ne manquerait plus que ça!), préconise d’assouplir l’accès au crédit des ménages pour l’accession à la propriété : allonger la durée des prêts (bientôt, on s’endettera sur plusieurs générations) et rehausser le taux d’endettement de 33 à 35 % (part des revenus d’un ménage qu’il a le droit de consacrer à son remboursement d’emprunt). Ce faisant, les prix – les valeurs immobilières – resteront hautes, pour le plus grand bonheur de la plupart des grands propriétaires rentiers.  Et les gens se retrouvent toujours et  encore davantage tenu par le chantage à la dette, – et donc le chantage à l’emploi -, pour survivre avec un toit sur la tête.

Ce type de mesure n’est pas surprenant de la part d’un organisme dont la mission est de veiller à la stabilité financière, c’est-à-dire d’être garante des traités de l’UE en matière financière. Mais une telle politique  au  service  du capital   financier,  dont   les   intérêts   sont  en  grande  partie  convertis  dans l’immobilier, a pour effet d’encourager et maintenir la spéculation avec les conséquences que l’on connaît : gentrification, pression foncière, logements inaccessibles aux classes populaires et/ou « non  héritières »,   appauvrissement   de   la   qualité   du  parc   de   logements   désormais   en  majorité détenu, à Paris par exemple, par des propriétaires qui n’y habitent pas.

La situation est si grave que même des parlementaires ont compris que la « crise du logement » est  un mythe, en ce sens que c’est  plutôt un crise de l’emploi toujours plus concentré dans les métropoles qui est le véritable moteur de cette spéculation immobilière.

Pour faire simple : les prix des logements augmentent parce que la demande d’habitat est plus forte que   l’offre  de   logement  dans   les  métropoles.  Mais   ce  déséquilibre  offre/demande  n’est  pas le résultat d’une envie irrépressible des citoyens de s’entasser en ville dans des logements exigus, mais au contraire la conséquence de la concentration des emplois dans les zones urbaines au détriment du reste du territoire.

En « aidant » les gens à s’endetter, les mesures gouvernementales suggérées par le HCSF visent à ne rien changer à cette logique délétère.

Un autre voie serait possible

Une autre voie serait possible : mieux répartir les emplois, ne plus laisser les actionnaires (propriétaires des entreprises) les précariser et les concentrer en ville, pour ensuite que d’autres actionnaires (les propriétaires fonciers et immobiliers) aspirent les revenus des travailleurs dans des loyers. Car en effet, la formation du prix d’un logement – et plus largement de l’immobilier – se génère à la fois :

– selon une valeur d’usage, globalement observée dans les territoires pour lesquelles le marché du logement n’est pas tendu. Cette valeur résulte du marché, de la rencontre entre un vendeur et un acquéreur,  ou entre  un propriétaire  bailleur  et  un  locataire,  mais   le  prix   reste  « juste »  dans   la mesure  ou   l’offre  égale,  voire  dépasse,   la  demande.  Si   le  prix  proposé  est   jugé   trop  élevé,   le « demandeur » de logement à la choix d’aller ailleurs, et ainsi la « main invisible » opère.

– selon une valeur d’échange, qui se produit dans les zones dites tendues, avec une forte pression de demandeur de logements et une offre structurellement insuffisantes. Alors le prix du logement n’a plus rien avoir avec son coût de construction ou d’entretien, mais se vendra – ou se louera – au prix que seront prêt à payer les demandeurs. Les prix montent à hauteur des capacités financière (ou d’endettement)   des   ménages,   les   loyers   aussi,   et   avec   une   rétro-action   qui   amène   les « investisseurs »   capitaliste   à   acheter   pour   louer,   pour   tirer   un   rendement   de   leur   patrimoine, maintenant ainsi des prix élevés. Le prix du logement dépend alors de ce qu’il « rapporte ».

Des idées pour faire mieux ? Encadrer les loyers, plafonner les emprunts maximum autorisés… et pourquoi   pas   reconnaître   à   chaque   citoyen  un  Premier  Niveau  de  Salaire   Inconditionnel   pour résister au chantage à l’emploi, et casser ainsi le cycle emploi-spéculation ?

Damien Astier

 

Cet article a été publié initialement sur le site Salaire à Vie :

https://www.salaireavie.fr/single-post/soutenir-ou-fl%C3%A9trir-le-capital



Articles Par : Damien Astier

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