Caricatures, ceux qui en Islam jettent de l’eau sur le feu

Violences « inacceptables ». Parce que, même si « l’Islam a été attaqué », il ne faut pas réagir comme ça. La dénonciation des assauts contre les ambassades et la violence de rues n’est pas occidentale, cette fois, mais toute à l’intérieur du monde musulman. Celui qui la prononce est le cheikh le plus connu, Yusuf Al Qaradawi, représentant écouté de l’islamisme modéré. Il a choisi sa rubrique Sharia et vie, sur Al Jazeera, pour condamner les réactions extrêmes aux dessins blasphématoires. « Il semble que certains opportunistes soient derrière ces attaques. Pour ajouter de l’huile sur des flammes déjà hautes », a-t-il conclu, en demandant au contraire d’utiliser le boycott comme instrument de pression. Une demande faite aussi ces derniers jours par Mohammed Mahdi Akef, guide suprême des Frères Musulmans égyptiens, qui a condamné avec force les incendies des ambassades. Le plus important mouvement islamiste en terre arabe – qui sort d’une incroyable performance électorale- a contenu jusqu’à présent les protestations, en se bornant à des manifestations importantes. Sans désordres, comme celle d’hier avec des milliers d’étudiants sur le campus de Al Azhar, au Caire.

Profil bas aussi du Hamas, attentif à gérer une victoire électorale difficile. Il y a trois jours, il a organisé une manifestation à Gaza, cherchant en même temps à montrer aussi en public ses bons rapports avec les églises chrétiennes palestiniennes. Dans un geste inhabituel, de fait, un des leaders du Hamas, Mahmoud A-Zahar a rendu visite à la paroisse catholique de Gaza pour offrir une protection.

Dans l’islamisme qui s’est mis en complet veston, est donc passée la consigne de la prudence. Très explicite chez le premier ministre turc Recep Erdogan, chef d’un des rares partis islamistes au pouvoir, qui a demandé la fin des violences. Alors que l’ayatollah libanais Fadlallah a stigmatisé l’assaut des ambassades et l’incendie des drapeaux. De l’autre côté du monde, même le pays musulman le plus peuplé est dans la tourmente. Un millier de personnes a participé à des cortèges et il y a eu des manifestations aux Moluques, théâtre d’affrontements communautaires dans le passé, et à Jakarta où on a vu descendre dans la rue même le Pks, parti qui a des sièges au parlement. Dans la capitale cependant, les foules ne dépassaient pas quelques centaines de personnes, dans un pays de 220 millions d’habitants. Et le Pks n’est que le sixième groupe politique au parlement. Le président Yudohyono a appelé au calme tout au long du week-end, en condamnant les dessins mais en invitant les indonésiens à considérer les excuses officielles du Danemark. Sur le Jakarta Post, le journaliste progressiste Endy Bayuni mettait en garde contre l’association de la liberté d’expression avec les dessins, pour ne pas passer dans camp adverse en s’engouffrant dans le jeu du « qui n’est pas avec nous est contre nous ». Et rappelait l’exemple de l’édition locale de Playboy, bloquée par les polémiques. Maintenant les auteurs de la censure ont « une arme de plus ».

En Malaisie voisine, les dessins ont fait une autre victime, le journaliste du Sarawak Tribune qui les avait publiés. Il a démissionné en présentant ses excuses. Mais les mots de premier ministre Abdullah Badawi, auteur de ce qu’on appelle Islam Hadhari (tolérant), invitent au calme : « Laissez celui qui insulte se rendre compte de la gravité de son erreur, qu’il est le seul à pouvoir corriger ». Même les leaders du Pas, parti islamiste favorable à la sharia, qui voulaient écrire une lettre officielle au gouvernement danois ont laissé tomber, après les excuses officielles.

Paola Caridi, sociétaire fondatrice, est actuellement correspondante à Jérusalem de Lettera22.

Emanuele Giordana, est fondateur et directeur de l’agence, à Rome.

Ils sont auteurs de nombreux ouvrages notamment sur le monde musulman, du Moyen-Orient à l’Extrême-Orient. Dont récement : A Oriente del Profeta. L’Islam in Asia oltre i confini del mondo arabo. (non traduit). Obarra edizioni, mai 2005, 23 euros.

Traduction de Marie-Ange Patrizio



Articles Par : Paola Caridi et Emanuele Giordana

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