« Ce n’est pas nous qui avons fait sauter l’ambassade » israélienne à Buenos Aires

Le leader de la guérilla chiite nie que son organisation ait participé à des attentats hors du liban. Il dit qu’israël doit rendre les territoires avant d’aspire rune véritable paix et que son organisation n’est une marionnette ni de la Syrie ni de l’Iran. 

Entouré d’un nuage de poussière que les bulldozers soulèvent quand ils entraînent les décombres des édifices effondrés de la rue Ragheb Harb, à Haret Hrik, la banlieue chiite de Beyrouth, le député Hussein Ali Al Hajj Hassan répond au téléphone cellulaire, pose pour une photo, parle aux gens  et remue sans arrêt. Cet homme politique libanais, né à Baalbek, est un des députés les plus connus parmi ceux élus sous la bannière du Hezbollah. Il a, de surcroît, un style percutant, sans détours ni phrases complaisantes. Ses déclarations sont comme des coups de poing directs à la figure de l’adversaire.

Dans cet entretien avec Pagina /12 Hussein Ali Al Hajj Hassan répond aux principales interrogations que se pose la communauté internationale à propos du mouvement chiite libanais : ce qu’il appelle, lui, les agressions israéliennes, la passivité du monde durant la guerre, les  exigences du Hezbollah, son hypothétique désarmement, la reconstruction du Liban et l’attentat de 1992 contre l’ambassade israélienne de Buenos Aires.  

-Les analystes occidentaux craignent que le Hezbollah transfère la guerre avec Israël hors des frontières du Liban. Cette crainte se fonde dans une grande mesure sur l’attentat de 1992 contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires, revendiqué par une branche du Hezbollah [1]. -Le Hezbollah n’a jamais commis ni revendiqué aucun attentat hors du pays, y inclus celui de Buenos Aires. Le premier attentat contre l’ambassade, le second, le troisième, le quatrième ou le cinquième, tous les attentats que vous voulez, le Hezbollah n’a rien à voir avec cela. Nous ne sommes nullement responsables d’aucun attentat commis en dehors du territoire libanais occupé. Nous n’en avons jamais revendiqué. Notre seul objectif consiste à libérer notre territoire occupé, libérer nos prisonniers et protéger notre souveraineté. Nous n’avons jamais appuyé ni n’avons été impliqués dans des opérations de ce type,  jamais nous n’avons appuyé idéologiquement ou matériellement ce type d’opérations.

-Le Hezbollah serait-il d’accord pour participer à un dialogue de paix malgré ce qui s’est passé ?
 

-Le Liban se retrouve détruit. Les dommages frappent toutes les communautés, chiites ou sunnites. Les routes, les usines, les ponts, l’aéroport, les ports, les casernes de l’armée, cela ne fut pas une guerre contre une communauté mais une guerre contre le Liban et sa stabilité. Toute l’histoire d’Israël est une histoire de terrorisme et d’agressions. Néanmoins l’Occident ne veut pas accepter cette réalité. Israël est un pays qui a été créé en lieu et place d’un autre. Là est l’origine de tous les maux de cette région. L’exode de 48, le massacre des Palestiniens, les massacres commis par Beguin, ensuite la guerre de 56, celle de 67, l’occupation des territoires et de Jérusalem, les occupations du Liban, les massacres de Sabra et Chatila, commis par Ariel Sharon, ensuite Premier Ministre. Enfin, en dépit des processus de paix, il n’y a eu aucun résultat. Israël continue à nous menacer mais nous nous voulons construire notre pays, nous voulons la paix et la prospérité. Alors  je pose la question : où est le processus de paix ? Et la conférence de Madrid ? Et les mensonges de George Bush ? Il n’y a pas de paix.

-Un des principaux reproches fait au Hezbollah est d’être téléguidé par l’Iran ?
 

-Allons donc, je mets au défi qu’on m’apporte la preuve la plus minime que nous sommes un instrument de l’Iran. Il n’y a pas d’Iraniens qui combattent dans nos rangs, il n’y a pas d’Iraniens morts dans les combats. Je suis un député libanais et non un instrument de l’Iran.

-Et les armes ?

-Eh bien nos armes ne sont pas iraniennes ! Nos armes sont nord-américaines et c’est George Bush qui nous les a vendues.
 

-Mais les missiles que le Hezbollah lance contre Israël sont iraniens.
 

-Oui mais nous avons aussi des missiles nord-américains. Les armes se vendent et s’achètent sur le marché international. Quiconque a besoin d’armes trouve ce qu’il veut. On nous accuse d’avoir des armes, mais Israël en a aussi. Qui donc a détruit tous ces immeubles que vous  voyez ? Vous savez qui ? Les missiles nord-américains, par avion et par bateau. Les civils ont succombé à la pluie des bombes.
 

-La crise de la région s’accroît encore plus du fait de l’opposition de la Syrie au déploiement de soldats de l’ONU dans le secteur Est de la frontière syro-libanaise et de la menace de fermer cette frontière avec le Liban. Pour le Hezbollah, dont la Syrie est un grand allié,  c’est là une perspective désastreuse.

-Avant que l’on commence à discuter des options, la communauté internationale doit lever l’embargo qui pèse sur le Liban. C’est cela la priorité et non de se soumettre aux conditions israéliennes.

-Précisément, une des exigences les plus réitérées par Israël et le reste de la communauté internationale est le désarmement du Hezbollah.

-C’est une question de politique interne libanaise. Mais avant de résoudre cette question du désarmement du Hezbollah il faut solutionner les causes de cette question , qui sont les fermes de Shebaa, la souveraineté libanaise, les agressions contre le Liban, les menaces israéliennes. Il n’est pas très normal qu’on veuille traiter les effets avant de traiter les causes. Un accord de paix n’est pas possible avec Israël. Israël doit abandonner les fermes de Shebaa qu’il occupe, libérer nos prisonniers et doit cesser de nous agresser. Un autre sujet essentiel consiste à reconnaître le droit au retour des Palestiniens sur leurs terres.

-Nous sommes dans le quartier de Haret Hrik, l’un des plus dévastés par les bombes. Visiblement le Hezbollah prend en charge l’aide aux sinistrés. Comment va s’organiser cette aide dans les prochaines semaines ?

-Nous procédons à une sorte de recensement pour savoir combien d’appartements et d’immeubles sont détruits. Malheureusement, nous allons devoir vivre dans ces conditions que vous voyez durant un bon moment. Dans les banlieues du Sud de Beyrouth il y a 500 édifices détruits, des édifices en moyenne de huit à dix étages. Nous avons aussi pris des mesures rapides pour aider la population à avoir un domicile durant une année, jusqu’à ce que nous ayons reconstruit les immeubles et les maisons. C’est cela notre responsabilité. Nos aides sont rapides, sans démarches bureaucratiques et en espèces. En fonction de la situation de chaque personne, nous versons 10 mille dollars pour que les gens aient un toit et puissent acheter quelques meubles.
 

-Il s’agit de sommes considérables : 10, 12 mille dollars par famille, c’est important. D’où vient cet argent ?

-Non, ce n’est pas suffisant pour aider nos familles. C’est pourquoi il faut que les Français, les Argentins, les Belges, etc. nous envoient de l’argent pour financer la reconstruction. C’est nous qui avons été agressés et les autres pays, même si quelques-uns d’entre eux ont fait un effort diplomatique à la fin,  n’ont arrêté ni  l’agression ni les destructions. Par conséquent, le moins qu’ils puissent faire maintenant est d’aider financièrement à la reconstruction. Mais je ne dis pas qu’ils nous donnent l’argent à nous, non,  qu’ils le donnent au gouvernement libanais. Nous sommes des musulmans et nous payons la zakat, qui est une contribution que tout le monde verse volontairement. Les fonds viennent de là.

-Les forces internationales de l’ONU commencent à se déployer au Liban, avec un changement fondamental. La France, qui avait annoncé préalablement l’envoi de 200 hommes, a porté ce chiffre à pratiquement deux mille. Il en résulte que la contribution de l’Union Européenne s’élève à 7000 soldats.

– Nous n’avons aucune restriction, mais je crois que le problème de la France est qu’elle manque, depuis longtemps, d’une politique indépendante. La France succombe à la pression nord-américaine. Dans le monde, il n’y a plus de pays indépendants. La majorité des pays succombent. L’Argentine est un peu comme ça. Ces pays qui succombent font ce que  veulent les Etats Unis et cela conduit à la destruction du Moyen-Orient.

 [1] La piste islamique a été abandonnée par la justice argentine pour, semble t-il, s’orienter vers la piste israélienne. À ce sujet lire http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=81&lg=fr et http://www.voltairenet.org/article141896.html  (NDT)

Pagina/12, Buenos Aires, 27 août 2006.

Traduit par Gérard Jugant et révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala.es.



Articles Par : Eduardo Febbro

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