Ces blessures mystérieuses que personne n’expliquait
Général Abou Houli a 43 ans et a été brancardier pendant des années à Deir Al Balah, au volant des ambulances pendant les incursions militaires. Mais le matin de ce 19 juillet, alors qu’il porte secours aux victimes d’une explosion dans le dédale des ruelles étroites de Mughazi Camp, survient quelque chose : un engin tombe du ciel, probablement lancé par un drone israélien. Il plane devant lui avec un léger sifflement, il ne fait aucun bruit même quand il touche terre. Tout d’un coup la détonation : Anwar se retrouve par terre, une jambe coupée à la hauteur du tibia, le corps lacéré par des coupures microscopiques et par une poudre qui semble rester sous la peau, en le brûlant. Pendant le transport à l’hôpital, la poudre lui ronge la peau, coagule les vaisseaux sanguins, nécrose les tissus, comme si elle les « vieillissait ». Les médecins se retrouvent impuissants face à la nécrose rapide et ne peuvent qu’amputer, sans trouver d’éclats qui expliquent les coupures et les brûlures.
Anwar Abou Houli est un des rares survivants palestiniens disponibles pour être interviewés. Son cas n’est pas isolé : le même jour on a enregistré à l’hôpital de Deir Al Balah cinq autres cas, et à Gaza City, le 26 juillet, on comptait 19 mutilés sur 50 blessés et 27 morts : un rapport entre victimes et invalides quasiment égal. Des pourcentages et des symptômes sans précédents : en août, l’alarme disant qu’on était en train de tester à Gaza une arme totalement nouvelle arrive à la presse internationale ; il manifesto aussi la traite largement. Mais l’électricité dans la Bande de Gaza va et vient, compromettant les contacts avec l’extérieur, les autopsies sont impossibles, le blocus aux frontières empêche d’envoyer des prélèvements à analyser.
Aujourd’hui les « nouvelles armes » expérimentées sur les Palestiniens pendant l’opération militaire israélienne « Pluie d’été » pourrait avoir un nom. Le noyau d’enquêtes réalisées par Rainews24, qui s’est rendu à Gaza, a identifié, dans un projet étasunien de bombes à diamètre réduit associées au Dime, le Dense inert metal explosive, l’explication plausible des mystérieuses blessures rencontrées. Le Dime serait une typologie de munitions dites à létalité concentrée, un produit des exigences de la « guerre au terrorisme ».Les premiers prototypes devaient être disponibles entre juin et juillet exactement. Il est probable que Gaza ait fourni le meilleur scénario pour une expérimentation sur le champ de bataille, pendant des semaines de relative inattention médiatique à cause des bombardements du Liban.
Des analyses scientifiques indépendantes commanditées aux laboratoires de l’université de Parme par Rainews24 sur des fragments et des poussières fournies par les médecins de Gaza ont confirmé la présence de carbofibre et de tungstène, les deux éléments caractéristiques du Dime. L’ancien major général de l’aviation israélienne (et directeur du programme israélien pour le développement des armes) Itzhak Ben Israël, a déclaré à la Rai : « quelque chose d’assez petit et précis pour ne toucher que l’objectif identifié, sans autres victimes involontaires, à des milliers de mètres de distance, changerait la guerre comme nous voulons ». Sur le quotidien Haaretz, hier, le journaliste Meron Rappaport a déclanché l’alarme, immédiatement renvoyée à l’expéditeur par le porte parole de l’armée israélienne qui a démenti l’utilisation d’armes Dime, ajoutant cependant que « pour des raisons évidentes, Tsahal n’entre pas dans les détails en ce qui concerne ses propres armements et l’utilisation qu’elle en fait ».
Le film de l’enquête de Rainews24 est disponible depuis aujourd’hui (12 octobre, NDT) sur le site de Rainews24, http://www.rainews24.rai.it/ran24/inchieste/10102006_gaza.asp
Edition de jeudi 12 octobre 2006 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio (Palestine13)