CHILI – L’Église n’est pas pardonnée

Le premier mouvement de la Conférence des évêques, dans une déclaration du 19 octobre, avait une tonalité positive, parlant d’« un processus que nous vivons depuis des décennies et qui a des conséquences profondément humaines que nous ne pouvons ignorer », appelant à « prendre en charge la compréhension des racines de cette violence et œuvrer d’urgence pour la prévenir, l’arrêter et trouver des moyens pacifiques de gérer les conflits ». Le président de la conférence des évêques, Santiago Silva Retamales, a publié le 28 octobre une longue analyse rappelant que les évêques avaient dénoncé dès 2005, les « inégalités scandaleuses », citant les injustices criantes, et dénonçant « les groupes qui, de par leur position sociale et leurs moyens financiers, exercent un réel pouvoir au service de leurs intérêts… afin d’obtenir des bénéfices particulièrement importants, creusant ainsi encore plus le fossé des inégalités ». Ensuite, ils sont revenus à des positions plus classiques d’appel au calme et à la paix.

Le Réseau des laïcs a publié le 22 octobre un beau communiqué selon lequel « la grave crise politique actuelle est le produit d’un système économique et social qui a permis l’installation d’une société asymétrique où seuls les privilégiés peuvent accéder à une vie digne ». Ils insistent sur « le rejet de la répression, le respect des droits humains » et « exhortent toutes les personnes de bonne volonté et ceux des chrétiens qui, là où ils sont, sont engagés dans les manifestations, à ne pas dévier de l’usage de la non-violence active ».

Le site Reflexión y Liberación a relayé une déclaration signée par 70 théologiens et théologiennes qui réclament des autorités « qu’elles mettent fin à la militarisation des rues, qu’elles ne criminalisent ni ne répriment les protestations légitimes », ils dénoncent les violations des droits humains par les forces armées et les carabiniers, et veulent se joindre au débat national. Ils citent Isaïe (32,17) : « le bien-être est l’œuvre de la justice », et ils terminent en disant : « Le Chili n’est pas en guerre, un Chili injuste et abusif meurt, et le nouveau peuple naît. Heureux ceux qui luttent pour cette justice ».

Dans l’avion qui le ramenait du Japon, le Pape s’est exprimé sur l’Amérique latine. À propos du Chili, il se dit effrayé, « le pays vient de sortir d’un problème d’abus qui nous ont tant fait souffrir (heureux d’apprendre qu’on soit sorti du problème), et maintenant, il y a celui-ci que nous ne comprenons pas ». Décidément, François a du mal à comprendre le Chili.

Le pauvre Celestino Aos, administrateur nommé à Santiago après le départ d’Ezzati, avait fait acte de bonne volonté, en livrant, dans une interview, une analyse de la situation, où nous relevons : « si aucun changement profond n’est apporté, nous parlerons de maquillage et nous répéterons la même histoire », ou encore « il est certain que la constitution doit être modifiée ». Il a été sèchement contré par le député Alvaro Carter selon qui « l’Eglise, avant de commencer à parler de changements à la constitution, devrait faire un mea culpa pour tous les abus commis au Chili, elle est aussi coupable du mécontentement social que de nombreux secteurs de la société ».

Sur le terrain, l’Église fait l’objet d’attaques : les cathédrales de Valparaiso, Concepción et Puerto Montt ont subi des destructions, les bancs servant à construire des barricades. Les portes de la cathédrale de Santiago ont été blindées par des plaques métalliques. A Santiago, une inscription a été trouvée sur le mur de l’église de l’Assomption qui venait d’être vandalisée : « Église, complice des pédophiles ».

Nous recevons, d’une organisation populaire de Concepción, une photo montrant un groupe portant une banderole : « Contra la iglesia y el capital ORGANIZACIÓN POPULAR » [Contre l’Église et le capital, organisation populaire]. Et si on demande pourquoi, la réponse : « le silence de l’Église devant les violations des droits humains est inadmissible ».

Décernons quand même la palme de l’analyse politique à Mgr Stegmeier, évêque (Opus Dei) de Villarica, le « curé anti-mapuche », pour qui « la cause principale de ce que nous vivons n’est pas l’inégalité sociale ». Il s’en prend aux « attaques contre la famille qui ont commencé avec l’introduction de la contraception, s’est poursuivie avec l’élimination de la distinction entre les enfants nés dans le mariage et ceux nés hors mariage, puis avec le divorce, l’union civile, et l’idéologie du genre ».

 

Photo en vedette : Le président chilien Sebastián Piñera avec le pape François (capture d’écran d’une photo d’AFP).

Source : Golias Hebdo n° 603, semaine du 12 au 18 décembre 2019. Via Dial



Articles Par : Régine Ringwald et Guy Ringwald

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