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COLLABOS
Par Marie-Hélène Miauton
Mondialisation.ca, 18 février 2002
Le Temps 15 février 2002
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/collabos/1557

Le nom sonne comme une injure! Défilent dans nos mémoires des images pour la plupart tirées de films, de livres d’histoire ou de récits familiaux pour ceux qui, comme moi, sont trop jeunes pour avoir vécu les événements, mais trop vieux pour n’avoir pas baigné dedans toute leur enfance. 

Collabos ces gens pour qui la survie passait avant l’honneur, collabos ces marchands dont le sens des affaires n’avait pas de patrie. Mais collabos aussi le Français Daladier et son homologue Chamberlain de Grande-Bretagne, signataires des accords de Munich en 1938. 

Sans parler de Staline et de son pacte germano-soviétique de 1939, mais là au moins s’agissait-il d’un dictateur aussi peu recommandable que celui auquel il s’associait. En cédant à Hitler, l’Europe croyait avoir évité la guerre, mais sa lâcheté n’a rien empêché, voire même a conforté l’Allemagne dans son sentiment d’impunité et de domination. 

L’actuelle complaisance européenne vis-à-vis de l’Amérique ne relève pas des mêmes mobiles, George Bush n’a rien d’un Hitler et l’Amérique est une démocratie respectable luttant pour la bonne cause… mais sommes-nous bien certains qu’il n’y a aucune similitude? 

Et comment l’Histoire jugera-t-elle les Etats-Unis du XXIe siècle? Comme les sauveurs de l’ordre mondial ou plutôt comme les responsables d’un prochain conflit durable opposant l’Amérique au reste de l’Occident, lui-même intimement lié au monde arabe? La façon dont le Pentagone désigne «l’axe du mal» montre bien le manichéisme qui prévaut aux bombardements, aux représailles et à la guerre sans merci décidée par les Américains. Le terrorisme semble jouer ici le rôle de cible idéologique qu’Hitler avait attribué au communisme. Les victimes civiles des bombardements de la «guerre propre» sont innombrables mais non répertoriées. 

Quand l’Histoire en saura le nombre, qu’en dira-t-elle? Et lorsqu’elle pourra à loisir analyser les conséquences de l’embargo sur l’Irak, ne criera-t-elle pas au génocide? Quelle que soit la proximité de pensée et de culture qui est la nôtre avec le peuple américain, quelle que soit la longue amitié qui nous lie, avons-nous le droit d’être aveugles et de nous cacher que le discours sur l’état de l’Union du président Bush flaire le «Deutschland über alles» à plein nez! A l’époque, l’Allemagne était aussi pour nous ce qu’elle est redevenue aujourd’hui: un peuple ami. L’Europe doit avoir le courage aujourd’hui de parler clairement aux Etats-Unis. De leur dire qu’elle n’est pas d’accord avec l’extension prévue du conflit. De leur dire que tous les peuples du monde ont été émus par l’horreur du 11 septembre mais que cette horreur ne doit pas en justifier de nouvelles. De leur dire qu’elle ne les aidera plus dans leurs actions armées. De leur dire enfin, car la clé de nos cinquante prochaines années est là, qu’ils doivent urgemment participer à la résolution du conflit israélo-palestinien. Les Etats-Unis sont des nôtres, notre responsabilité est donc entièrement engagée!

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