« Combattre le wahabisme et le salafisme ici et ailleurs »
A la mémoire du dirigeant politique Omar Benjelloun, militant progressiste maghrébin assassiné à coup de couteaux à Casablanca le 12 décembre 1974 par deux intégristes musulmans qui ont trouvé refuge en Arabie saoudite, royaume de l’intégrisme musulman et allié de l’impérialisme occidental. Etat français compris !
Un acte barbare
Samuel Paty [photo en vedette], professeur d’histoire et géographie dans les Yvelines a été décapité le 16 octobre 2020 devant l’établissement scolaire où il exerçait son métier. Peu importe la pertinence du sujet débattu avec ses élèves, l’acte est ignoble. Peu importe la qualité du débat avec ses élèves, l’acte est effroyable. La sauvagerie d’un tel acte devrait être condamné sans état d’âme par tout être humain, quel que soit ses convictions et ses croyances. Car c’est un acte réfléchi et donc prémédité que l’auteur a assumé en le légitimant à l’aide d’une idéologie : l’intégrisme musulman. Et contrairement à ce qu’affirme le dirigeant de la France insoumise, J.L Mélenchon, la France n’a pas « un problème avec la minorité tchéchène » mais avec cette idéologie intégriste: salafisme, wahhabisme et mouvance des frères musulmans.
Aussi, je demande pardon à la famille de Samuel Paty, d’utiliser cet acte barbare pour sortir du sujet qui nous relie. C’est ma façon maladroite de rendre hommage à Samuel Paty. Dans un article publié en 2009, « l’école publique et laïque, chronique d’une mort annoncée » (1), je dénonçais les réformes de l’enseignement parce qu’elles ouvraient la porte, entre autres, à la mise en place d’écoles privées dont certaines seraient sous contrôle d’Imans obscurantistes. A l’annonce de la décapitation de S. Paty, c’est le passé qui a surgi en moi avec colère. D’où le rappel de l’assassinat du dirigeant Omar Benjelloun. Mais pour surmonter cette colère, j’ai décidé de rappeler modestement l’implication de l’Etat français dans la montée de l’intégrisme musulman, au côté des Etats-Unis et de l’Angleterre. A partir des années 70, son instrumentalisation est devenue une évidence.
Incendier la maison du voisin…
Depuis une quinzaine d’années les sociétés occidentales découvrent ces idéologies puisqu’elles deviennent, elles aussi, victimes du terrorisme intégriste musulman. Mais pour les militants des forces progressistes des sociétés musulmanes en général et arabes, en particulier, de Syrie jusqu’au Maghreb, cette idéologie était et demeure un vieil ennemi à combattre sans état d’âme. A combattre doublement. En tant qu’instrument au service de l’impérialisme occidental et des forces réactionnaires arabes et en tant que force idéologique obscurantiste sévissant particulièrement dans l’enseignement. Il n’est pas nécessaire de rappeler l’accointance entre le colonialisme britannique et le mouvement des frères musulmans dans les années 20 pour combattre le mouvement politique progressiste : la renaissance arabe !
Mais il faut rappeler qui sont les armuriers et les financiers des talibans, d’el Qaïda en Afghanistan puis au Moyen-Orient et, en particulier, de l’Etat islamique en Irak et en Syrie!
Concernant l’armurier, c’est le conseiller à la sécurité nationale du Président des États-Unis Jimmy Carter, de 1977 à 1981 qui le nomme.
En effet, à la question du journaliste du Nouvel Observateur (1998): « vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes. »
Sans scrupule, le conseiller, Zbigniew Brzezinski, répond : « qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les Talibans ou la chute de l’Empire soviétique. Quelques excités islamistes où la libération de l’Europe centrale ? » (2)
Quant au financier, Bandar Ben Sultan, secrétaire général du Conseil de sécurité nationale de l’Arabie saoudite puis responsable des services de renseignement (2005-2012) n’hésite pas à confier que les saoudiens ont « créé ce mouvement [salafiste], et nous pouvons le contrôler. Ce n’est pas tant que nous ne voulons pas que les salafistes lancent des bombes, ce qui nous importe sur qui ils les lancent contre le Hezbollah, Moqtada al-Sadr, l’Iran et les Syriens, si ces derniers continuent de travailler avec le Hezbollah et l’Iran. » (3)
Ce qui n’a pas empêché, M.Valls, premier ministre de F. Hollande (2015), celui qui aujourd’hui pérore sur les plateaux de télévision, d’affirmer sans peur du ridicule que « Le pouvoir, en Arabie saoudite comme au Qatar, lutte contre Daech, ça c’est incontestable… » (4)
L’Etat français n’a rien à avoir avec l’armurier et le financier ?
Que nenni, concernant la politique internationale, exception faite de la présidence Chirac jusqu’en 2004, l’Etat français sous commandement otanien, est impliqué.
L’état de la Libye d’aujourd’hui est l’œuvre de l’Etat français, sous commandement américain. Caché derrière le masque de la responsabilité de protéger. Nul besoin d’énoncer une vérité que personne ne conteste : c’est sous commandement du ‘’camp du bien’’ que les monarchies du Golfe ont instillé le poison dans les sociétés arabes. Avec souvent, l’indigence intellectuelle sinon la complicité de certaines classes dirigeantes arabes.
Encore une fois, pardon ! Mais on ne peut faire l’économie d’un retour dans le passé pour comprendre le présent parce qu’il y a continuité historique, au sens mathématiques du terme, entre ce passé et le présent. Cette continuité devient compréhensible et visible à condition que le réel soit abordé dans toutes ses dimensions objectives et subjectives. En affirmant que « ce sont des champions de la mort, et nous sommes pour la vie » (5), Robert Badinter oublie d’ajouter que les dirigeants occidentaux y compris français ont participé à l’instrumentalisation de ces champions de la mort. En tout cas, le même R. Badinter n’a nullement dénoncé l’accueil à bras ouvert par le Quai d’Orsay de l’ancien djihadiste au côté de Ben Laden en Afghanistan, le libyen Abdelhakim Belhadj (6). On feint d’oublier que l’Etat français sous l’étendard de l’Otan a détruit un pays et livrer son président à une horde de sauvages. Cela s’est passé sous la présidence de N. Sarkosy, actuellement mis en cause par la justice pour association de malfaiteurs…Et le ministre de l’intérieur G. Darmanin qui s’étonne que dans la patrie de Victor Hugo, il y a une « crise de l’autorité. »
Sous la présidence Macron ? ‘’En même temps’’ changer de trottoir et continuer dans la même direction
Irak, Libye… Syrie… Et qu’en est-il du Yémen ? La bonne conscience française n’en parle pas. On se contente de tirer profit de la vente d’armes à l’allié wahhabite et de lui fournir un soutien logistique. C’est l’universitaire Youssef Chiheb qui, le 7 juillet 2020, devant la commission d’enquête du Sénat conclut son exposé ainsi :
« il faut aussi sortir du politiquement correct dans nos relations avec les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite ou le Qatar. La première exporte le wahhabisme et le second finance l’islamisme, pour ne pas dire autre chose, en sus de la caricature consistant à souligner qu’il finance le Paris Saint-Germain Football Club (PSG) » (7).
J’ajoute de ma modeste place que le conseil du professeur Youssef Chiheb est au-dessous de la réalité. Car il ne s’agit pas d’un simple politiquement correct mais d’une alliance stratégique sous commandement otanien, habillé du manteau des droits de l’homme. Des droits de l’homme qui servent triplement : assurer mon petit monde en lui procurant un supplément d’âme, diaboliser l’autre monde et légitimer les interventions militaires.
Perpétuer la domination économique au Moyen-Orient avec pour but stratégique : morceler les Etats arabes. Un morcellement nécessaire pour garantir la suprématie d’Israël. Une suprématie qui passe par l’endiguement de l’Iran et le désarmement de la résistance libanaise. Et c’est avec la bénédiction du président français que Saad Hariri trois fois premier ministre du Liban, va rempiler une 4° fois. Or, il a participé amplement au développement de la corruption au Liban, pour ne pas dire plus. L’homme giflé des saoudiens veut former un gouvernement de ‘’technocrates’’, dans un pays qui est l’un des centres névralgiques de la géostratégie régionale.
Par technocrates, il faut comprendre que les mesures économiques et politiques du futur gouvernement libanais seront considérées comme relevant d’une vérité scientifique et donc indiscutables…C’est la résistance libanaise dont le Hezbollah qui est en ligne de mire…
Enfin, à ceux qui croient que ce n’est pas cette direction qui est prise, la représentante américaine au Conseil de sécurité de l’ONU, Kelly Craft, leur répond en martelant le mardi 20 octobre 2020, dans l’enceinte de l’O.N.U : « il n’y aura pas de paix au Yémen et dans la région qu’après l’adoption de la voie de rétablissement des relations avec Israël. » (8). Avec D.Trump ou J.Biden!
Mohamed El Bachir
Notes :
(4)https://www.lepoint.fr/monde/arabie-saoudite-et-qatar-des-allies-encombrants-pour-la-france-26-11-2015-1984895_24.php
(7)http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191202/ce_radicalisation.html
(8)https://french.almanar.com.lb/1907138