Comment l’assassinat de Soleimani par les USA affecte-t-il l’Iran et l’axe de la résistance?

Le président des USA Donald Trump a assassiné le commandant de l’Axe de la Résistance, le major général de la brigade Al-Qods du Corps des gardiens de la Révolution iranienne Sardar Qassem Soleimani à l’aéroport de Bagdad, en se souciant peu des conséquences de cet assassinat ciblé. Il n’est pas exclu que l’administration américaine croyait que cet assassinat aurait un effet positif sur sa politique au Moyen-Orient. À moins que les responsables américains souhaitaient qu’en tuant Sardar Soleimani, ils priveraient l’Axe de la Résistance de son leader et affaibliraient du même coup les capacités des partenaires de l’Iran en Palestine, au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen. Cette évaluation est-elle exacte?

Une source de haut rang au sein de l’Axe de la Résistance a précisé que

« Sardar Soleimani constituait un lien direct et rapide entre les partenaires de l’Iran et le guide suprême de la Révolution Sayyed Ali Khamenei. Cependant, le commandement sur le terrain relève de leaders nationaux dans chacun des pays concernés. Ces leaders possèdent les qualités de chef et l’expérience nécessaires, mais leurs objectifs stratégiques communs demeurent la lutte contre l’hégémonie des USA, le soulèvement contre les oppresseurs et la résistance contre l’intervention étrangère illégitime dans leurs affaires. Ces objectifs sont établis depuis des années et vont rester en place, avec ou sans Sardar Soleimani ».

« Au Liban, ce leader est le secrétaire général du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah, qui maintient un lien direct avec le président syrien Bachar al-Assad. Il soutient la résistance à Gaza, en Syrie, en Irak et au Yémen et participe activement à la lutte sur ces fronts. Il dirige un grand nombre de conseillers et d’officiers qui veillent au bon fonctionnement des questions militaires et sociales ainsi que des relations sur le plan intérieur et régional. Bon nombre d’officiers du Corps des gardiens sont également présents sur bien des fronts pour répondre aux besoins des membres de l’Axe de la Résistance au chapitre de la logistique, de l’entraînement et des finances », de poursuivre la source.

Photo : Sayyed Ali Khamenei et le général Ismail Qaani de l’IRGC pendant la guerre Irak-Iran

En Syrie, le Corps des gardiens travaille en coordination avec la Russie, l’armée syrienne, les dirigeants politiques syriens et tous les alliés de l’Iran qui luttent pour libérer le pays et défaire les djihadistes de tous les continents qui se sont amassés en Syrie en entrant par la Turquie, l’Irak et la Jordanie. Ces officiers travaillent aux côtés de ressortissants irakiens, libanais, syriens et autres faisant partie de l’Axe de la Résistance. Ils fournissent au gouvernement syrien le soutien nécessaire pour défaire le groupe armé « État islamique » (Daech), al-Qaeda et d’autres djihadistes aux idéologies similaires dans la majeure partie du pays, exception faite du nord-est syrien, sous occupation des forces US. Les officiers du Corps des gardiens ont leurs objectifs et sont capables de frapper une cible convenue et établie depuis des années. L’absence de Sardar Soleimani n’affectera guère ces forces et leurs plans.

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Le président Rouhani, Sayyed Khamenei, le chef de l’IRGC-Quds, Ismail Qaani

En Irak, plus de 100 officiers iraniens du Corps des gardiens sont actifs dans le pays, en réponse à la demande officielle du gouvernement irakien pour défaire Daech. Ces officiers se sont joints aux forces irakiennes et ont joué un rôle dans la livraison d’armes, le partage de renseignements de sécurité et l’entraînement des troupes après la chute du tiers de l’Irak aux mains de Daech au milieu de 2014. C’était frappant et bouleversant de voir l’armée irakienne, que les forces US avaient armée et entraînée pendant plus de dix ans, abandonner ses positions et déguerpir des villes irakiennes du nord. Le soutien de l’Iran, avec son idéologie bien ancrée (de pair avec un de ses alliés pour motiver les troupes à combattre Daech), avait fonctionné en Syrie et il fallait transmettre la même flamme pour amener les Irakiens à se tenir debout, à se battre et à défaire Daech.

Le Hezbollah libanais est présent en Syrie, au Yémen et en Irak. Le premier ministre irakien Nouri al-Maliki avait demandé à Sayyed Nasrallah de dépêcher dans son pays des officiers pour combattre Daech. Des dizaines d’officiers du Hezbollah sont actifs en Irak et seront prêts à soutenir les Irakiens si les forces US refusent de quitter le pays. Ils se plieront à la décision du parlement appelant les USA à partir d’ici janvier 2021 et veilleront à sa mise à exécution. Dans sa longue expérience de guerre, le Hezbollah a eu des expériences douloureuses contre les forces US au Liban et en Irak pendant plusieurs décennies et rien n’a été oublié.

Dans son dernier discours, Sayyed Nasrallah a révélé la présence d’officiers du Hezbollah au Kurdistan au milieu de 2014, pour soutenir les Kurdes irakiens contre Daech. C’était lorsque le dirigeant kurde Massoud Barzani a déclaré que c’était grâce à l’Iran que les Kurdes ont reçu des armes pour se défendre, les USA ayant refusé d’aider l’Irak pendant de nombreux mois après la mainmise de Daech sur le nord de l’Irak.

Les dirigeants du Hezbollah n’avaient pas dévoilé les visites continuelles de représentants kurdes au Liban qui désiraient les rencontrer. Dans les faits, des responsables irakiens sunnites et chiites, des ministres et des dirigeants politiques se rendent régulièrement au Liban pour rencontrer des responsables du Hezbollah et son leader. Tout comme l’Iran, le Hezbollah joue un rôle essentiel pour faciliter le dialogue entre les Irakiens, lorsque ceux-ci peinent à régler leurs différends.

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La raison pour laquelle Sayyed Nasrallah a révélé la présence au Kurdistan de ses officiers qui ont rencontré Massoud Barzani était d’indiquer clairement au monde que l’Axe de la Résistance ne dépend pas d’une seule personne. Sayyed Nasrallah a montré ainsi l’unité qui règne sur ce front, avec ou sans Sardar Soleimani. Le Kurdistan fait partie de l’Irak et Barzani a dit qu’il était prêt à se plier à la décision du parlement irakien de demander le départ des forces US du pays. Loin d’être détachés du gouvernement central, les Kurdes en font partie intégrante.

Avant son assassinat, Sardar Soleimani préparait le terrain pour ce qui allait suivre (s’il était tué au champ de bataille, par exemple) et avait demandé aux responsables iraniens de nommer le général Ismail Qaani pour le remplacer. Le guide de la Révolution Sayyed Ali Khamenei a ordonné que sa volonté soit exaucée et de maintenir les plans et les objectifs déjà en place. Sayyed Khamenei, selon la source, a ordonné « qu’on augmente le soutien accordé aux Palestiniens et, en particulier, à tous les alliés de pays où les forces US sont présentes ».

Sardar Soleimani s’attendait à se faire tuer par ses ennemis qui ont répondu à ses attentes. Il savait que l’Axe de la Résistance a pleinement conscience de ses objectifs. Ceux parmi l’Axe qui forment un front intérieur solide sont bien établis et se tiennent prêts. Le problème se trouve principalement en Irak. Mais il semble qu’en assassinant les deux commandants, les USA ont réussi à unir les factions irakiennes. Sardar Soleimani ne se serait jamais attendu à pareil accomplissement aussi rapidement. Les Irakiens opposés aux USA se préparent d’ailleurs à exprimer leur rejet des forces US présentes dans leur pays vendredi prochain.

Lors de son prêche de vendredi dernier, le premier en huit ans, Sayyed Ali Khamenei a établi une feuille de route pour l’Axe de la Résistance : pousser les forces US hors du Moyen-Orient et soutenir la Palestine.

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Le général iranien Ismail Qaani avec le chef du Hamas Ismail Haniya et divers dirigeants palestiniens à Téhéran.

Tous les groupes palestiniens, y compris le Hamas, étaient présents aux funérailles de Sardar Soleimani en Iran et ont rencontré le général Qaani, qui a promis « non seulement de maintenir le soutien, mais de l’augmenter conformément à la demande de Sayyed Khamenei », a indiqué la source. Ismail Haniyeh, le leader du Hamas, a dit à partir de Téhéran : « Soleimani est le martyr de Jérusalem ».

Bon nombre de commandants irakiens étaient présents à la réunion avec le général Qaani. La plupart d’entre eux vouent une hostilité féroce envers les forces US en Irak qui remonte à la période de l’occupation (2003-2011). Leur commandant, Abu Mahdi al-Muhandes, a été assassiné en même temps que Sardar Soleimani et ils crient vengeance. Ces leaders sont suffisamment motivés pour s’attaquer aux forces US, qui ont violé l’accord Irak-USA en matière d’entraînement, de culture et d’armement. Le gouvernement de Bagdad n’a jamais accordé à l’administration américaine un permis de tuer en Irak.

Le parlement irakien a parlé et l’assassinat de Sardar Soleimani s’inscrit tout à fait dans les objectifs ultimes de l’Axe de la Résistance. Le premier ministre par intérim a informé officiellement tous les membres des forces de la coalition en Irak que « leur présence, y compris celle de l’OTAN, n’est dorénavant plus requise en Irak ». Ils ont un an pour partir. Mais cela ne change en rien la détermination d’Irakiens qui veulent venger la mort de leurs commandants.

La Palestine constitue le second objectif, comme l’a rappelé Sayyed Khamenei. Nous ne pouvons exclure une hausse considérable du soutien aux Palestiniens par rapport à ce qui se fait actuellement. L’Iran est déterminé à soutenir les Palestiniens sunnites dans leur objectif d’avoir leur propre État en Palestine. L’homme (Soleimani) est parti, mais il est remplaçable comme n’importe quel autre homme. Sauf que le niveau d’engagement pour parvenir aux objectifs s’est accru. Il est difficile d’imaginer l’Axe de la Résistance rester les bras croisés sans rien faire pendant la campagne présidentielle aux USA. Le reste de 2020 promet donc d’être chaud.

Elijah J. Magnier

 

Traduit de l’anglais par Daniel G.



Articles Par : Elijah J. Magnier

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