Conférence d’Istanbul : CNS ou guerre civile

C’est le CNS ou la guerre civile, tel semble être la devise consacrée par la rencontre d’Istanbul des soi-disant « Amis de la Syrie ». Au lendemain de cette réunion au cours de laquelle 83 pays étaient conviés par les hôtes turcs, (lesquels ne manquent pas de s’en vanter) les observateurs sont presque unanimes : les décisions prises ne sont que les déclencheurs de la guerre civile dans ce pays.

Des millions pour les militaires

La décision la plus significative est celle de financer les membres de l’Armée syrienne libre. Elle n’est certes pas nouvelle. Mais elle est cette fois ci exposée d’une façon alléchante. Non explicitée dans le communiqué final, où il est question de « poursuivre l’action pour davantage de mesures pour protéger le peuple syrien », c’est le chef du CNS Bourhane Ghalioune qui se charge de l’annoncer haut et fort durant sa conférence de presse : « Le financement de l’ASL se fera par le budget du CNS qui reçoit des fonds et des contributions de plusieurs pays et qu’il utilise pour ses activités militaires et non militaires ».

Des responsables ayant participé à la conférence se chargent de donner les détails ostentatoirement : « des millions de dollars seront payés par mois au CNS pour qu’il paie leurs salaires aux soldats qui feront défection de l’armée syrienne pour adhérer à l’armée syrienne libre ». Les billets verts promis devraient allécher les militaires syriens pour les encourager à faire défection de l’institution militaire qui jusqu’à présent a fait preuve de cohésion en soutenant le régime syrien. Et de préciser : « trois ou quatre pays paieront leurs salaires aux membres de l’ASL ». Le nom de ces donateurs n’est pas précisé, mais nul n‘aura du mal à deviner que l’Arabie saoudite et le Qatar figurent en tête.

Le CNS au nom du peuple et de l’opposition

Autre décision qui consacre la scission et incite à la guerre civile est de proclamer le CNS comme étant le seul représentant non seulement des forces de l‘opposition, mais aussi de tout le peuple syrien : « la conférence reconnait le Conseil national syrien opposant comme étant le représentant légitime de tous les Syriens et comme l’ombrelle de toutes les organisations de l’opposition », est-il clairement mentionné dans le communiqué final. Cette décision a été prise sans tenir compte d’innombrables réticences exprimées par les différentes factions de l’opposition. « C’est un acte d’exclusion pour les autres forces », s’offusque l’opposant Hassan Abdel Azim, le chef du Comité de coordination nationale syrienne, et l’une des figures de l’opposition les plus célèbres. « Il n’est du droit d’aucune faction de l’opposition de se présenter comme étant l’unique représentant de la révolution syrienne et d’expulser les autres composantes de l’action politique du pays », a-t-il ajouté pour la BBC.

« Légitimité » internationale au-dessus du peuple

Le vice d’une telle décision est d’exclure également l’avis de la majeure partie de la population syrienne qui soutient le président syrien. Dans sa conférence de presse le chef du CNS confisque plus que jamais la volonté du peuple syrien : « cette reconnaissance du conseil en tant que représentant légitime du peuple syrien et qu’interlocuteur de la Communauté internationale veut dire que le régime est devenu illégitime… Il est du droit du peuple de résister contre ce pouvoir illégitime usurpateur » , dit-il.

Donc, selon ce professeur universitaire, la légitimité d’un régime n’émane pas du peuple, mais de la reconnaissance de la communauté internationale !!

Le temps qui inquiète

De point de vue politique, loin des déclarations de soutien trompeuses, l’action des pays arabes et occidentaux se concentrera sur le torpillage de l’initiative de l’émissaire onusien Kofi Annan. On lui demande déjà de mettre au point un calendrier des démarches qu’il entreprendra, dont entre autres le retour au Conseil de sécurité. Le chef de la Ligue arabe Nabil Al-Arabi va jusqu’à réclamer le recours au chapitre VII de la charte des Nations Unies. La demande de calendrier semble être dictée par le souci du temps, devenu une forte préoccupation des « Amis de la Syrie », alors que la situation sur le terrain s’approche du dénouement à leur corps défendant.

« Assad a fait des promesses pour gagner du temps. Je crains qu’il ne soit en train d’utiliser l’initiative d’Annan pour gagner du temps. Il ne faut pas laisser le régime syrien profiter de cette initiative » a lancé le premier ministre turc Recep Tayyeb Erdogan. « Dans le cas de la Bosnie, la Communauté internationale a pris beaucoup trop de temps pour agir. Raison pour laquelle il y a eu beaucoup de morts parmi la population », a renchéri son chef de la diplomatie turc Ahmet Davutoğlu.

Ce même souci est partagé par le Qatar dont le Premier ministre accuse Damas de chercher à gagner du temps. « La durée de la crise syrienne n’est pas dans l’intérêt de la Syrie, ni des pays de la région, ni de la Communauté internationale », signale cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani.

Alors que pour le chef de la diplomatie saoudienne, Saoud Al-Fayçal « il faut rendre la solution sécuritaire menée par les autorités coûteuse pour le régime et dans ce cas il sera réaliste de parler d’occasions pour accepter les différentes formules du dialogue et de solution politique de cette crise ».

Tout de la conférence d’Istanbul laisse prévoir une recrudescence de la violence durant les jours qui viennent. Durant sa conférence de presse, Ghalioune exige « un engagement international pour reconstruire la Syrie après la chute du régime ». Ce qui laisse supposer qu’elle devrait être détruite avant !

Al-Manar , 2 avril 2012.



Articles Par : Al Manar

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