Conflit en Ukraine : la phase Trump, du bonimenteur au cheval de Troie

Analyses:

Trump a le culot du bonimenteur de foire. D’ailleurs, il ne le cache pas. Il s’en vante. Et c’est bien pour cela qu’il a été accepté par les élites globalistes, qui en ont grandement besoin aujourd’hui. Ses déclarations ne retransmettent pas l’état réel d’une situation, mais la manière dont il la voit, dont il la veut. Ainsi, les discussions avancent très bien avec la Russie et le « deal » sera bientôt conclu. Puisque Poutine est un gars super, qui sera d’accord sur tout. Mais pour l’instant, les pas concrets traînent, car la Russie reste réservée …

La visite de Macron à Washington s’est accompagnée d’une réunion du G7 en vidéo, à la Maison-Blanche, notamment avec Zelensky, sur l’initiative du Canada. Quelle surprise du calendrier. L’élite globaliste était au complet. A suivi la discussion entre Trump et Macron, dont il n’a pas été publié grand-chose. Les médias français estiment, que tout s’est très bien passé.

Parallèlement, l’assemblée générale de l’ONU n’a pas voté la résolution américaine, qui dans sa grande magnanimité, mettait sur un pied d’égalité l’Ukraine et la Russie, mais la résolution plus ouvertement « anti-russe », soutenue par l’Ukraine et les pays atlantistes.

Dans la foulée, Trump, sans vergogne, affirme qu’un « deal » est bientôt prêt avec la Russie, qu’il est certain que Poutine est prêt, même à accepter la présence de contingents militaires européens en Ukraine « pour la paix », évidemment. Donc la paix aura bientôt vaincu le front ukrainien. La Pax americana, renouvelée.

Ainsi, alors que la Russie s’est fermement prononcée contre la présence de forces militaires européennes sur le sol ukrainien, quel que soit le drapeau, Trump déclare qu’il en a discuté avec Poutine et qu’il n’est pas opposé à cela. Et que d’ailleurs, l’idée de Macron est très bonne.

Si l’on estime que la position de la Russie a clairement été exprimée sur le sujet, Trump ment et manipule. Il force la situation.

C’est pour lui une technique de vente classique. Il ment comme un arracheur de dents ou comme un vendeur de foire. Et comme il l’affirme, de toute manière il ne sait pas faire autre chose. Je cite :

Donald Trump, qui se vante de son approche transactionnelle des relations internationales, a laissé entendre sur son réseau social que des « accords économiques majeurs » avec la Russie étaient envisageables. « Je fais des deals. Toute ma vie, c’est faire des deals. Je ne connais que ça », a-t-il martelé.

C’est d’ailleurs bien pour cela, que les élites globalistes ont accepté son élection. Le front militaire a mal tourné, la guerre rapide n’a pas conduit à la défaite de la Russie et s’engager dans un conflit traditionnel de haute intensité est risqué. La phase des négociations, conduites parallèlement à une renégociation dure des intérêts américains, est dans tous les cas salutaires – pour les Etats-Unis et les Atlantistes. Les élites globalistes russes relèvent la tête, on peut négocier, tenter de vendre (et de se vendre) ; un temps supplémentaire est donné pour l’armement en Occident ; la Russie pourrait tomber dans des pièges diplomatiques. Et si ça ne marche pas, on reprendra les combats, cette fois-ci sur le mode : vous voyez, la Russie ne veut pas la paix, il va falloir y aller nous-mêmes – en tout cas en ce qui concerne les Européens dans un premier temps.

Les déclarations de Trump sont claires : il tente de passer des accords commerciaux avec la Russie, pour la pousser à la faute politique. Géopolitiquement, il retire les Etats-Unis (qui deviennent miraculeusement neutres) et réduit le conflit à une confrontation bilatérale entre la Russie et l’Ukraine, dont la faute est également répartie entre ces deux pays. L’OTAN n’est pas partie au conflit, les USA non plus, l’Europe est concernée uniquement pour les sanctions et géographiquement, mais militairement ils sont tous innocents. C’est magique.

De son côté la Russie reste sur la réserve. Si l’interview donnée par Poutine hier était assez molle et particulièrement floue, sur le mode « nous n’avons rien contre un Etat ukrainien », « l’Europe peut participer aux négociations d’une certaine manière, mais elle doit réfléchir », Lavrov a été beaucoup plus ferme en Turquie, repoussant l’éternelle « volonté d’aider » de la Turquie et rappelant que les combats ne prendront fin que le jour où un réel accord de paix sera établi et signé.

Si l’on ajoute ces dernières déclarations de Trump sur les forces militaires européennes, à l’absence de concret, en passant par la prochaine prise de possession de sous-sols ukrainiens dans des frontières floues, il finit par ressembler de plus en plus à un cheval de Troie.

Le seul élément concret, puisque la composition de l’équipe négociante américaine n’est toujours pas connue et que les établissements diplomatiques aux Etats-Unis n’ont toujours pas été rendus à la Russie, c’est le retour très possible d’Hollywood sans les salles de cinéma russes dès cette année. Pourquoi se priver d’un bon lavage des cerveaux russes ? Business is usual ? Non, c’est de la politique.

Karine Bechet-Golovko



Articles Par : Karine Bechet-Golovko

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