Conseil de guerre à Bucarest: Le sommet de l’OTAN consolide l’alliance de guerre Etats-Unis – Union européenne

Alors que d’un côté les acteurs du sommet de l’OTAN, de cette année, les chefs d’Etats et de gouvernements, adoptaient le document final du pacte de l’Atlantique Nord dans les locaux de l’énorme bâtiment construit sous l’ère du dictateur Ceausescu, le tout accompagné de pieux discours sur la démocratie, la liberté et la paix, de l’autre côté les adversaires de l’OTAN étaient battus par des commandos masqués de la police spéciale roumaine. Toute manifestation contre le sommet de l’OTAN était interdite et les arrestations étaient monnaie courante. D’aucuns avaient même lancé des appels au travers des médias roumains pour que les gens jettent des pierres depuis leurs fenêtres sur les manifestants.

Angela Merkel a-t-elle triomphé de George Bush?

Les reportages des médias sur ce sommet ne le cédèrent en rien au caractère grotesque de l’évènement lui-même. On trompait, on édulcorait, on désinformait:
•    en prétendant qu’il y aurait eu des désaccords entre les gouvernements européens de l’OTAN et le gouvernement américain concernant une éventuelle adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. L’ancien général allemand Klaus Naumann, un homme étroitement lié à la politique américaine et à sa stratégie guerrière, s’est même permis de prétendre que le sommet de Bucarest montrait «que l’OTAN n’était pas du tout une assemblée de béni-oui-oui envers Washington» (Deutschlandfunk du 3 avril) … pour préciser, tout de suite après, à quel point l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine est importante;
•    en prétendant que la Russie «s’était montrée satisfaite de ce sommet» («Rheinische Post» du 4 avril) alors que par ailleurs on pouvait lire dans Spiegel Online du 3 avril que la Russie avait émis de sévères critiques quant à l’adhésion prévue de la Géorgie et de l’Ukraine;
•    concernant les raisons qui avaient poussé le président américain à passer par la capitale Kiev un jour avant le sommet;
•    à propos d’un prétendu texte secret contenant, à l’encontre de toutes les affirmations officielles, des conditions d’un retrait de l’OTAN d’Afghanistan, et ceci dans les bureaux officiels allemands, alors que les fortifications allemandes dans le Nord de l’Afghanistan sont construites pour tenir pendant des décennies;
•    à propos du président américain qui aurait assuré, avant le sommet, ne pas vouloir exercer de pression sur l’Allemagne pour qu’elle s’engage dans les combats dans le Sud de l’Afghanistan – mais qui aurait aussi affirmé qu’on «ne pouvait pas perdre l’Afghanistan, quel qu’en fût le coût» (Deutschlandfunk du 2 avril);
•    concernant le rôle de l’Allemagne, et particulièrement celui d’Angela Merkel qui aurait, paraît-il triomphé à Bucarest contre Bush et se serait affirmée comme «une protagoniste réfléchie et futée dans le cercle de l’OTAN» (Spiegel Online du 3 avril) – Elle aurait même, affirme-t-on, parlé d’une «OTAN destinée à maintenir la paix.»

N’aurait-on pas plutôt prévu des plans pour l’emploi de bombes atomiques miniaturisées?

On se heurte rarement à des phrases qui incitent à réflexion. Par exemple: «Le journal français ‹Le Canard enchaîné› a informé que les chefs d’Etats et de gouvernements auraient discuté, dans les couloirs, de l’utilisation éventuelle de bombes atomiques miniaturisées. A ce propos, on connaît l’existence d’un texte rédigé par d’anciens commandants en chef européens et américains de l’OTAN, n’excluant pas un emploi préventif de telles armes. L’objectif en serait de prévenir l’extension d’armes de destruction massive.» («Frankfurter Rund­schau» du 3 avril). Klaus Naumann, évoqué ci-dessus, fait partie de ces anciens commandants en chef. Le texte comporte 151 pages et s’appelle «Towards a Grand Strategy for an Uncertain World. Renewing Transatlantic Partnership» (Vers une grande stratégie pour un monde devenu incertain. Rénover le partenariat transatlantique). Les peuples n’en ont toujours pas pris connaissance.

OTAN-UE-Europe a vendu son âme

Qu’on se le dise: l’OTAN-UE-Europe a vendu son âme et adopté, en accord avec le gouvernement américain, lors du sommet, un document final de neuf pages, incluant 50 points, confortant l’alliance de guerre transatlantique:
•    L’Albanie et la Croatie ont été invitées officiellement à des consultations pour une adhésion. La Macédoine n’a pas été invitée, du fait, semble-t-il, de l’opposition de la Grèce qui n’accepte pas le nom officiel de ce pays. Mais aussi, selon des sources allemandes, du fait que ses frontières ne sont pas sûres. Envers le Kosovo? Il y a de quoi s’inquiéter.
•    L’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine est chose décidée, toutefois sans qu’une date ait été précisée. Cela devrait être le cas en automne.
•    L’OTAN a donné son feu vert au gouvernement américain quant à ses plans d’installation d’un système anti-missile en Republique tchèque et en Pologne. Le gouvernement tchèque (après la Pologne) a donné son accord pour l’installation du système anti-missile par les Etats-Unis.
•    La guerre en Afghanistan doit être renforcée. Il faut envoyer plus de soldats dans ce pays. La France, l’Australie, l’Espagne et des pays d’Europe orientale, membres de l’OTAN, auraient déjà donné leur accord pour fournir plus de soldats. Le gouvernement canadien est prêt, lui aussi, à continuer le combat. Il ne doit plus y avoir de limites à l’engagement sur place des troupes des différents pays de l’OTAN. Les organisations civiles d’aide devront se soumettre entièrement aux objectifs militaires. On tente de faire passer cela comme une démarche globale («comprehensive approach») pour faire croire au public qu’il s’agit d’apporter plus d’aide humanitaire aux malheureux de ce pays. Mais la situation réelle du pays se présente différemment. C’est pourquoi la résistance aux troupes d’occupation s’accroît. Le rapport des Nations Unies sur l’Afghanistan estime que «le degré d’activité des rebelles et des insurgés a pris de l’ampleur par rapport à l’année précédente.» En 2007, huit mille personnes auraient péri du fait de la violence dans ce pays.
•    Dans le document final, la Russie est le seul pays à être sévèrement critiqué du fait qu’il empêcherait d’assurer la paix.
•    L’OTAN veut maintenir l’occupation du Kosovo et s’appuie, pour ce faire, sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies – alors que les Etats de l’OTAN, qui tiennent le haut du pavé, ont ignoré cette résolution en reconnaissant la déclaration d’indépendance de ce pays.
•    L’OTAN veut se lancer dans une offensive au travers des médias. Le centre média­tique de l’OTAN («Media Operations Centre») est tenu d’améliorer la «communication»: à l’avenir, on trouvera sur Internet les émissions d’un «Nato TV channel».
•    L’OTAN veut renforcer son «combat contre le terrorisme» pour empêcher la propagation d’armes de destruction massive. Est-ce que cela signifie pour l’OTAN de mener une guerre contre l’Iran, aux côtés d’Israël et des Etats-Unis?
•    Il faut renforcer la collaboration de l’UE et de l’OTAN dans le domaine de la guerre. L’UE ne doit pas avoir de politique de défense autonome.
•    L’OTAN se réserve le droit d’intervenir militairement au Soudan et en Somalie.
•    Le gouvernement irakien fantoche, aux ordres des USA, doit être soutenu par l’OTAN dans la mise sur pied d’une armée.
•    La coopération militaire avec les alliés les plus proches des Etats-Unis au Moyen-Orient, soit l’Egypte et Israël, doit être renforcée.
•    L’OTAN aussi doit exercer une pression sur l’Iran à cause de ses programmes nucléaires et ses missiles.
•    L’OTAN doit être, de plus en plus, «transformée» en une alliance très mobile et pouvant être engagée dans le monde entier «à l’intérieur et à l’extérieur de la sphère de l’alliance […] quelque soit l’accord du pays visé».
•    Les chefs d’Etats et de gouvernements ont pris connaissance du rapport sur le «rôle de l’OTAN en matière de sécurité des sources d’énergie».
•    Les organisations internationales, notamment les Nations Unies, doivent se soumettre à la politique de l’OTAN.

Jusqu’où ira l’Europe dans sa déchéance?

Karsten Voigt, coordonnateur du gouvernement fédéral pour les relations américano-allemandes, membre du parti socialiste et aussi de l’organisme Transatlantik-Brücke (pont trans­atlantique), a critiqué, lors d’une interview avec le Deutschlandfunk du 3 avril, la façon de procéder du président Bush dans la question de l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie. Les Etats-Unis devraient prendre acte que les Européens expriment leur avis au sein de l’OTAN. Mais: ce sont les Etats-Unis qui doivent diriger l’OTAN, ce qui signifie que l’OTAN européenne doit se laisser diriger par un régime de criminels de guerre – et de leurs successeurs qui ne vaudront pas mieux. Jusqu’où ira la déchéance de l’Europe?
 

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Karl Müller, Allemagne.



Articles Par : Karl Müller

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