Construction d’une nouvelle bombe nucléaire américaine: compétition dans la malfaisance de deux laboratoires US

Alors que selon le TNP, les puissances nucléaires sont censées réduire et éliminer leurs stocks d’armes nucléaires, les Etats Unis ont adopté une politique inverse. Leurs scientifiques complices se sont lancés dans une compétition active pour renouveler ces stocks, en construisant une nouvelle bombe atomique, mettant en danger la planète entière. Pendant ce temps, l’administration Bush a lancé une campagne internationale avec menaces d’interventions militaires à l’appui, contre l’Iran qui souhaite pouvoir développer, conformément au TNP dont il est signataire, son activité nucléaire civile. 

Course à l’armement entre des laboratoires américains pour la construction d’une bombe nucléaire supposée être plus sûre.

Les nouvelles têtes nucléaires pourraient aider à réduire les stocks d’armements mais certains craignent des répercussions mondiales.

Pendant la Guerre Froide et la course aux armements développée en parallèle, des scientifiques américains se sont précipités pour construire des milliers de têtes nucléaires pour contrer l’Union Soviétique. Aujourd’hui, ces scientifiques se sont lancés dans une nouvelle course mais cette fois pour moderniser un stock d’armements vieillissant.

Des scientifiques du laboratoire national De Los Alamos Nouveau Mexique, sont pris dans une intense compétition avec leurs rivaux du laboratoire national Lawrence Livermore de Bay Area, pour fabriquer une nouvelle bombe nucléaire, la première depuis deux décennies.

Les deux laboratoires se sont lancés dans une compétition féroce pour la production de cette bombe en utilisant des technologies aussi disparates que celles fournies par Microsoft et Apple.

La nouvelle arme, développée depuis un an environ, est conçue pour assurer aux stocks de bombes une fiabilité à long terme. Ceux qui soutiennent ce programme disent avoir une plus grande confiance dans la qualité de ces armes, les USA pourraient diminuer leurs stocks estimés à environ 6000 têtes nucléaires.

Les scientifiques cherchent également à faire en sorte que ces nouvelles armes soient moins vulnérables à une explosion accidentelle et qu’elles aient un système de sécurité qui fasse en sorte qu’une arme volée ou perdue ne puisse être utilisée.

Selon la loi, ces nouvelles armes utiliseraient le même type d’explosifs que les têtes nucléaires existantes, et seraient utilisables seulement pour les mêmes cibles militaires que celles des armes qu’elles doivent remplacer. Le projet a obtenu l’accord des deux partis, Démocrate et Républicain, au Congres américain.

Certains vétérans du développement des armes nucléaires s’y opposent avec force argumentant sur le fait que la construction de nouvelles armes atomiques va relancer la course aux armements notamment avec la Russie et la Chine et désavouer les tentatives pour freiner les programmes nucléaires iranien et coréen. De même, cela risque d’accroître la pression pour reprendre les tests nucléaires souterrains abandonnés par les Etats-Unis il y a 14 ans.

Au sein des laboratoires cependant l’émotion et l’enthousiasme sont à leur comble concernant cette nouvelle « création ».

« J’ai des personnes qui travaillent les nuits et les week-ends » affirme Joseph Martz, le directeur de l’équipe sélectionnée de Los Alamos, « Je dois leur dire de rentrer chez eux, je ne peux pas les tenir hors des bureaux, c’est une chance que nous avons d’exercer nos talents, ce que nous n’avons pas eu depuis 20 ans. »

Dans l’autre laboratoire, à Livermore, le directeur des armes nucléaires, Bruce Goodwin, décrit lui aussi la même ambiance. Le laboratoire mène des simulations 24h sur 24 sur ordinateurs, et les équipes d’experts scientifiques travaillant sur toutes les phases du projet sont « très excités ».

Le programme pour la construction de la nouvelle bombe connu sous le nom de « remplacement fiable de têtes nucléaires » a été approuvé par le Congres en 2005, comme partie d’une ligne budgétaire de la défense. Le travail de conception est supervisé par L’Administration de Sécurité Nationale Nucléaire, qui fait partie du Département de l’Energie.

Les laboratoires ont soumis en mars au Conseil sur les Armes Nucléaires des propositions détaillées pour la conception qui couvrent plus de 1000 pages, ce Conseil étant une commission fédérale secrète qui supervise les armes nucléaires du pays. Cette année il sera décidé quel laboratoire sera gagnant.

Si ce programme se concrétise, cela impliquera une mobilisation coûteuse de l’industrie de fabrication des armes nucléaires, pour créer une capacité de production de 3 bombes ou plus par semaine.

Les défenseurs du projet se projetant dans l’avenir, envisagent le moment où la dissuasion nucléaire reposera de plus en plus sur la capacité du pays à construire de nouvelles bombes plutôt que sur celle d’en stocker en quantités massives.

La proposition arrive au moment où la Russie et les Etats-Unis se sont mis d’accord pour continuer à réduire leurs stocks d’armements nucléaires. Le Traité de Moscou signé en 2002 par le président Bush et le président russe Vladimir Putin appelle les deux pays à diminuer leurs stocks de 1700 et 2200 têtes nucléaires avant 2012.

Sans remplacement fiable des têtes nucléaires, selon les scientifiques américains, le pays se retrouvera d’ici à 15 ans avec des armes vieilles sur lesquelles on ne peut compter, permettant aux adversaires de défier la suprématie des US, érodant la soi disant dissuasion stratégique de ce pays.

« La nouvelle bombe est une façon de s’assurer que notre capacité reste dominante » selon Paul Hommert, un physicien qui dirige la division X, l’unité de Los Alamos qui a construit la première bombe atomique pendant la seconde guerre mondiale. « Non seulement aujourd’hui, mais en 2025 ».

Les critiques eux disent que le programme va enclencher une nouvelle course aux armements.

Les stocks existants seront encore sûrs et fiables pour les décennies à venir, selon des experts de la défense et des scientifiques du nucléaire qui sont pour la possession d’armes stratégiques depuis longtemps. Ils disent que plutôt que de rendre la nation plus sûre, le programme va gaspiller des ressources, envoyer un message que le contrôle des armes est mort et même affaiblir la fiabilité de l’armement US.

La nouvelle bombe devrait être construite et déployée sans avoir été testée. Les USA ont conduit leur dernier test nucléaire souterrain en 1992 dans le Nevada, et ont depuis imposé un moratoire sur de nouveaux tests.

Mais sans aucun test, les doutes sur la fiabilité de cette nouvelle bombe se développeront certainement, selon Sidney Drell qui a servi pendant longtemps de conseiller auprès du Département à l’Energie.

« Si quelqu’un croit que nous allons concevoir de nouvelles têtes nucléaires sans les tester, je ne sais pas ce qu’ils fument » dit Drell « je ne connais pas un général, un amiral, un président ou toute personne ayant des responsabilités, qui accepterait une nouvelle arme différente de celles qui existent en stock et lui fasse confiance sans la tester ».

Si les USA rompent le moratoire, alors la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, éventuellement la Grande Bretagne et la France, conduiront probablement eux aussi des tests, selon Philippe Coyle, ancien assistant secrétaire à la défense et ancien directeur adjoint de Livermore. Ces pays obtiendront plus d’informations par les tests que les USA, qui a investi lourdement dans la recherche scientifique comme une alternative aux tests.

Le physicien Richard Garwin, qui a aidé à la conception de la première bombe à hydrogène dans le début des années 50, et qui reste une autorité respectée en matière d’armes nucléaires, s’oppose à la nouvelle bombe et s’inquiète du fait que cela conduise à de nouveaux tests. « Nous n’en avons pas besoin », dit-il, « aucune science ne peut éloigner ces doutes politiques ».

Le directeur de l’Administration de la Sécurité Nationale Nucléaire Linton.F.Brooks, n’est pas d’accord et dit que les têtes nucléaires construites à partir de nouvelles technologies et l’électronique de pointe seraient plus fiables.

Selon Brooks, « on aura probablement à faire face à des problèmes si on s’en tient aux stocks existants, c’est facile d’amplifier l’amplitude des tests conduits sur ceux-ci. »

Les stocks comprennent des milliers d’armes en réserve au cas ou un défaut serait découvert. Chaque année, certaines de ces armes sont démontées pour être inspectées. Les US pourraient réduire de façon significative leurs réserves s’ils avaient plus confiance en la fiabilité de leurs têtes nucléaires selon Brooks.

Cette confiance porte non seulement sur le fait qu’une arme explosera, mais sur le fait que cela se passe avec la force prévue. Dans chaque arme nucléaire US, une première explosion doit être suffisamment forte pour provoquer une seconde explosion thermo nucléaire. Si la première étape échoue, l’arme perd la moitié de sa puissance.

Les forces qui poussent au développement d’une nouvelle arme viennent de la communauté scientifique et de membres du Congres. Bien que le Département de la Défense n’ait pas initié le programme, il a obtenu un large soutien au sein de l’armée de même que de l’administration Bush.

La nouvelle première bombe remplacerait la W76, la tête nucléaire lancée par le lance missile Trident sur les sous marins. La W76 a été introduite en 1979, et son pouvoir explosif maximum est de 400 kilo tons de TNT – soit approximativement 27 fois la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima.

La production d’une nouvelle bombe nécessiterait l’approbation du Congres et la construction de nouvelles installations, tout ceci prenant au moins plusieurs années.

Pendant ce temps, les laboratoires de Los Alamos et Livermore, réactivent leur culture de suprématie. Pendant la Guerre Froide, les deux laboratoires s’étaient mis d’accord sur le fait que le rival c’était l’Union soviétique, et « l’ennemi » le laboratoire en compétition. Bien qu’aucun des deux laboratoires n’ait construit de nouvelle arme depuis la fin des années 80, ils ont reçu des billions de dollars d’investissement de la part du gouvernement fédéral pour construire des bureaux et du matériel de physique massif. Depuis la fin de la Guerre Froide, la priorité de ces laboratoires a été la maintenance des armes existantes. Selon ces laboratoires, les composants en plutonium de ces armes ont une vie de 45 à 60 ans, ce qui veut dire que dans les 15 prochaines années certaines vont se détériorer et devront être remplacées.

Les Etats unis ont dépensé en gros 6 millions de dollars par tête nucléaire depuis la seconde guerre mondiale, le remplacement des 6000 têtes coûterait 36 billions. Pour l’année fiscale, le Congres a approuvé une dépense de 25 millions dont une partie sera dépensée pour l’ingenieurie travaillant à accroître la sécurité des bombes. Ce sont les laboratoires Sandia National qui en sont chargés, leurs objectifs étant de faire en sorte qu’une arme volée ou perdue ne puisse être utilisée.

Les laboratoires de Los Alamos et Livermore sont financés par le gouvernement fédéral et fonctionnent sous contrat de l’Administration de la Sécurité Nationale Nucléaire. Chacun a 20 physiciens, des chimistes, métallurgistes et ingénieurs qui font parties de l’équipe travaillant sur le projet de remplacement fiable des têtes nucléaires, soutenus par une centaine d’autres experts qui travaillent à mi temps sur le projet. Parmi eux de jeunes scientifiques apprenant des vétérans «l’art de construire la bombe nucléaire».

Cette dernière décennie, ces laboratoires ont investi plusieurs billions de dollars en matériel informatique, créant une succession de super ordinateurs les plus rapides ainsi que d’autres innovations. Livermore est en tête dans ce domaine avec un superordinateur « Pourpre » de la taille d’un court de tennis et qui reproduit des modèles mathématiques d’explosions nucléaires. Ce super ordinateur consomme en électricité les mégawatts nécessaires à 4000 foyers.



Articles Par : Ralph Vartabedian

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