Cuba a de nombreux défis à relever

Docteur ès Études ibériques et latino-américaines de Sorbonne Université, Maître de conférences HDR à l’Université de La Réunion et spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis, Salim Lamrani répond aux qestions de Témoignages sur la situation économique de Cuba.

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– Cuba est en pleine crise économique et sociale, pouvez-vous nous expliquer comment cette crise s’est-elle installée et pourquoi ?

La principale cause des difficultés auxquelles se trouve confrontée Cuba sont les sanctions économiques unilatérales que les États-Unis imposent à la population depuis plus de six décennies. Elles constituent le principale obstacle au développement du pays et affectent toutes les catégories, en particulier les habitants les plus vulnérables. Elles ont un impact sur des secteurs vitaux tels que l’alimentation et la santé. Concrètement, Cuba ne peut rien exporter aux États-Unis et ne peut rien importer de ce pays, sauf des matières premières alimentaires dans des conditions drastiques (paiement à l’avance, dans une autre monnaie que le dollar, etc.).

Par ailleurs, les sanctions sont extraterritoriales, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent à tous les pays du monde et empêchent le commerce normal de Cuba avec le reste de la planète. Un exemple : Aucun produit ne peut entrer sur le marché étasunien s’il contient un seul gramme de composant cubain. Si Mercedes veut vendre ses véhicules aux États-Unis, elle doit démontrer que ses véhicules ne contiennent pas une once de nickel cubain. Pour sa part, Cuba ne peut acheter aucun produit contenant plus de 10% de composants étasuniens. Cuba ne peut pas acquérir d’avions Airbus, qui est pourtant une entreprise européenne. De la même manière, Cuba ne peut pas utiliser le dollar dans ses transactions internationales.

L’administration Trump a imposé 243 nouvelles sanctions durant son mandat, soit en moyenne une nouvelle sanction par semaine durant quatre ans. Le Président Biden, malgré ses promesses, n’est pas revenu sur ces mesures et est loin de la politique constructive mise en place par Barack Obama. L’objectif de cet état de siège économique est de « semer la famine » afin de renverser le gouvernement de l’île et de mettre un terme au processus de transformation socioéconomique. Les sanctions sont anachroniques, illégales et cruelles et c’est la raison pour laquelle elles sont unanimement condamnées par la communauté internationale depuis trois décennies.

La conjoncture internationale a également un impact sur la situation économique de l’île. La hausse du prix des matières premières ainsi que du coût des transports affectent la population cubaine, qui reste tributaire des importations notamment dans le domaine alimentaire. De la même manière, la pandémie du Covid-19 et la baisse du tourisme – troisième source de revenus de l’île – ont eu des conséquences sérieuses pour Cuba.

– Miguel Díaz-Canel Bermúdez est de nouveau au pouvoir, pouvez-vous nous dire quels sont les défis à relever pour Cuba dans les années à venir ? 

Le principal défi de Cuba est la souveraineté alimentaire. Cuba importe plus de 70% des matières premières alimentaires qu’elle consomme et doit réduire cette dépendance qui pose un problème stratégique majeur. L’île doit produire davantage d’aliments et dispose pour cela de toutes les terres fertiles nécessaires. Cuba ne peut pas compter sur un hypothétique rapprochement avec les États-Unis pour résoudre ses problèmes fondamentaux, surtout lorsqu’on a affaire à un partenaire aussi peu fiable que Washington, qui n’hésite pas à sanctionner y compris ses propres alliés. Les États-Unis n’accepteront jamais l’existence de la Révolution cubaine et feront tout pour la détruire. Cuba doit développer, dans la mesure de ses possibilités, une industrie de substitution des importations et renforcer ses liens commerciaux avec les BRICS.

D’un point de vue général, les salaires restent faibles à Cuba et répondent difficilement aux besoins de la population. Ils doivent être augmentés de façon substantielle mais, pour ce faire, il est indispensable d’accroître la production de l’île.

D’autres problèmes sont également à résoudre telle que la bureaucratie excessive qui est responsable de nombreuses difficultés. De la même façon, l’espace réservé à la critique constructive et patriotique doit être élargi afin de construire l’avenir.

– Pensez-vous que Cuba répondra à l’appel de la Russie pour une union contre le « chantage » de l’Occident ? 

Cuba est favorable à un monde multipolaire régi par le droit international public. Cuba souhaite entretenir des relations normales et civilisées avec tous les pays au monde, à commencer par les États-Unis, à condition que l’on respecte trois principes fondamentaux : l’égalité souveraine, la réciprocité et la non-ingérence dans les affaires internes. Il faut rappeler que le conflit qui oppose Washington à La Havane est asymétrique : ce sont les États-Unis qui imposent des sanctions draconiennes contre Cuba, qui occupent illégalement une partie de leur territoire souverain, à Guantanamo, et qui ont mis en place une politique destinée à renverser l’ordre établi dans l’île.



Articles Par : Salim Lamrani

A propos :

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet. Contact : [email protected] ; [email protected] Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

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