Décès de Michel Chartrand : La fin d’une époque

Photo Rémi Lemée, La Presse
Difficile d’imaginer Michel Chartrand portant la bure, déambulant en silence à la Trappe d’Oka, comme il l’a pourtant fait brièvement dans sa jeunesse. C’est que l’homme était tout sauf un homme calme, tranquille, qui acceptait de s’enfermer dans le mutisme.
En ce sens, le grand syndicaliste décédé hier n’a pratiquement pas de successeur sur la place publique, capable d’une telle fougue, d’une telle impétuosité. Les chefs syndicaux actuels ont certes une personnalité forte, mais ils sont pour la plupart beaucoup plus posés et nuancés.
Certains s’en désolent, relient cela au vacuum de leadership politique, mais ne faut-il pas plutôt regarder du côté des médias pour comprendre ce vide? Un homme aussi entier, passionné et hargneux, qui n’hésitait pas à fondre sur ses adversaires, survivrait-il au cycle de nouvelles caractéristique de notre époque? Pas sûr.
On a beaucoup reproché au patron de la FTQ Construction, Richard Goyette, ses sacres, alors qu’on a louangé la pondération de Bernard «Rambo» Gauthier. Les journalistes ont fait moins appel ces dernières années aux Pierre Falardeau et Léo-Paul Lauzon de ce monde.
Dans le fond, c’est toute la classe politique et syndicale qui s’est assagie. Parce que les injustices semblent moins criantes qu’à une autre époque, mais aussi parce qu’il existe une crainte, fondée, que des propos jugés choquants tournent en boucle à tous les postes, un peu comme l’ont fait les gestes déplacés du gardien de hockey Jonathan Roy, il y a peu.
Le décès de Michel Chartrand, grand homme ayant été de tous les combats de la seconde moitié du XXe siècle, marque ainsi la fin d’une époque fortement inspirée par l’anarcho-syndicalisme. «Le rideau tombe, comme le souligne la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, sur une époque très riche et particulièrement enlevante du syndicalisme québécois.»