Découverte des archives de la Police Guatémaltèque
Le 5 Juillet 2005, les fonctionnaires du bureau des Droits de l’Homme du gouvernement guatémaltèque (PDH – Procuraduría de Derechos Humanos) sont entrés dans un vieux dépôt de munitions délabré, infesté de rats, situé dans la ville de Guatemala pour enquêter sur une plainte concernant des explosifs mal stockés. Pendant l’inspection du lieu, les enquêteurs ont trouvé une importante série de documents, stockée dans cinq bâtiments et dans un état avancé de décomposition. Les dossiers ont appartenu à la police nationale, la branche centrale des forces de sécurité du Guatemala pendant la guerre – une entité si inextricablement liée à la répression violente, l’abduction, aux disparitions, à la torture et l’assassinat que l’accord de paix de 1996 du pays a exigé son complet démantèlement et un nouveau corps de police fut à sa place.
La portée de cette découverte est stupéfiante -les fonctionnaires du PDH estime qu’il y a 4.5 kilomètres- environ 75 millions de pages – de matériel. Quand j’ai visité ce lieu début août, j’ai vu des armoires entières marquées « assassinats », « disparus » et « homicides, » aussi bien que des dossiers marqués aux noms internationalement-connus de victimes d’assassinat politique, tels que l’anthropologue Myrna Mack (tué par des forces de sécurité en 1990).
Il y avait des centaines de rouleaux de photos, que le PDH est entrain de développer. Il y avait des photos de corps et de détenus, il y avait des listes d’informateurs de la police avec des noms et les photos, il y avait des cartons pleins de permis de conduire et de cassettes vidéo et de disques d’ordinateur. Les installations elles-mêmes, qui sont dans un état terrible de délabrement -humides et exposées à tout vent, infestées de vermine et remplies de détritus- contiennent ce qui semble être des cellules clandestines.
L’importance de la découverte ne peut être exagérée. Depuis 1996, quand le gouvernement a signé un accord de paix avec la guérilla, les Guatémaltèques se sont battus pour récupérer leur mémoire historique, la fin de l’impunité et pour instituer la loi comme règle après plus de 30 ans de violent conflit civil. En 1997, une Commission pour la Verité, sponsorisée par l’ONU, a été créée pour enquêter sur la guerre et analyser ses origines.
En dépit d’un mandat lui accordant le droit d’enregistrer les déclarations de toutes les parties du conflit, la Commission historique de clarification était systématiquement bloquée à chaque fois par les fonctionnaires militaires, des services d’intelligence et de sécurité, qui ont refusé de sortir les dossiers internes parce qu’ils avaient été détruits pendant la guerre, ou simplement n’avaient pas existé. La commission de la vérité a présenté son rapport fin 1999 sans tirer profit de l’accès à un tel matériel critique. Selon le rapport, environ 150.000 citoyens guatémaltèques sont morts dans la guerre, et 40.000 autres ont été enlevés et disparus.
En dépit de cet héritage terrible, le Guatemala représente aujourd’hui un exemple extraordinaire de la façon dont l’information peut faire avancer la justice au-dessus des barrières de l’impunité. Les enquêteurs guatémaltèques ont réalisé le décompte des victimes, des rapports légistes, ont publié des rapports sur les droits de l’homme, des témoignages des auteurs des meurtres et des milliers de documents déclassés par les Etats-Unis, obtenus par les Archives de la Sécurité Nationale agissant sous la loi de la liberté d’information afin d’essayer d’établir la responsabilité historique et juridique de ce qui s’est produit pendant la guerre. Les avocats ont utilisé le silence du gouvernement au sujet de la guerre pour exiger le vote d’une loi nationale sur la liberté de l’information.
Les procureurs ont ajouté les documents déclassés par les Etats-Unis aux preuves visant militaires et de police dans les principaux procès sur les droits de l’homme. Et maintenant les Guatémaltèques découvrent leurs propres rapports enterrés, cachés, et abandonnés dans des dossiers des services de sécurité guatémaltèques répressifs.
La nouvelle découverte des archives de la police, qui couvre un siècle d’opérations de police, promet d’être l’un des ensembles le plus parlant des rapports militaires ou de police jamais découverts en Amérique latine. La découverte de ces documents a créé une occasion extraordinaire pour préserver l’histoire et faire avancer la justice ce qui mobilise le service des Archives.
Avec l’appui de du Fund for Constitutional Government and de l’Open Society Institute, les Archives ont envoyé des expert internationaux pour établir un diagnostic sur leur rénovation et leur gestion. Trudy Huskamp Peterson, un des archivistes les plus connus des Etats-Unis, a passé une semaine au Guatemala en septembre, et a rendu un rapport deux semaines plus tard qui sera un guide d’une valeur inestimable une fois que sera désignée une institution chargée de commencer à nettoyer et ranger les documents.
En octobre, Carlos Osorio, membre des Archives a accompagné deux membres de la « Commission pour la mémoire » (« Comisión por la Memoria ») de la ville de La Plata, Argentine, au Guatemala – Ana Cacopardo, directeur, et son archiviste en chef Ingrid Jaschek. La commission réunit des membres du gouvernement et des membres de la société civile, et se consacre à l’étude de la « sale guerre » de l’Argentine, et surveille également des millions de dossiers d’intelligence de la police. Ils ont examiné les archives guatémaltèques et ont rencontré des fonctionnaires du gouvernement et des O.N.G.S pour discuter des défis politiques et légaux inhérents à la charge à long terme de conservation et de contrôle des documents.
Une fois que l’autorité de gestion des dossiers est en place, le besoin le plus pressant sera pour l’assistance technique de réaliser un énorme travail pour ordonner, nettoyer, répertorier, classer les dossiers, avec l’objectif de permettre l’accès au moins à un public limité dès que possible.
Une telle aide sera d’une valeur inestimable à long terme à ceux qui très probablement viendront consulter le matériel : avocats, journalistes, historiens, association de droits de l’homme et familles de disparus.
Le service des archives se consacrera dans les mois à venir à soutenir cette opération sans précédent de sauvetage et de restauration. Cette mission historique de sauvetage a pour objectif de protéger ces rapports, pour les reconstituer sous une forme lisible, et pour les organiser en ce qui promet d’être la plus grande et la plus importante documentation sur « la sale guerre » jamais retrouvée en Amérique latine.
L’extrait d’un rapport écrit par Trudy Huskamp Peterson, chef archiviste et conseiller pour National Security Archive sur le dossiers de la police guatémaltèque. Le rapport, « Registres de la Policía Nacional de Guatemala : Le rapport et les recommandations, « ont été traduits en Espagnol et fournis à différents organismes guatémaltèques au début novembre.