Damas, la chute ?
“Israël attend… la chute de Homs pour annexer le sud de la Syrie et l’appeler “zone tampon de protection contre les djihadistes”, ce qu’il soutient depuis de nombreuses années. Netanyahu ne cache pas son ambition qui redore son image sur le plan intérieur en annexant plus de territoires volés au ‘grand Israël’”. — Elijah J. Magnier@ejmalrai
En quelques jours, une petite armée de djihadistes aguerris a déferlé sur la Syrie faisant voler en éclats une trêve fragile et menaçant l’équilibre des forces régionales. Ce blitz surprise a fait reculer une l’armée syrienne abasourdie, tandis que des militants essentiellement étrangers se sont emparés d’Alep, le centre industriel du pays, et de Hama, la quatrième ville du pays. Cette déroute inattendue a porté un coup fatal au gouvernement de Bachar al Assad, qui doit maintenant faire appel à la Russie, à l’Iran et au Hezbollah pour déployer des troupes et des armes pour repousser l’offensive dévastatrice et empêcher la chute de Damas. Mais les alliés doivent agir rapidement s’ils veulent sauver le gouvernement et contrer la progression implacable des envahisseurs soutenus par la Turquie. Les forces ennemies se rassemblent maintenant à seulement 100 kilomètres de la capitale, suggérant que leur intention est de renverser le gouvernement actuel et d’installer un régime aligné sur les intérêts de ses bienfaiteurs étrangers : la Turquie, Israël, et les États-Unis.
Vendredi, le président turc Tayyip Erdogan a tacitement félicité les milices terroristes qui sont sur le point de renverser Assad, sans admettre explicitement son rôle dans cette trahison. Voici un extrait d’un article de Reuters:
“Erdogan a déclaré vendredi qu’il espère que les rebelles syriens poursuivront leur avancée contre les forces du président Bachar el-Assad en Syrie….. Erdogan a déclaré aux journalistes après les prières du vendredi qu’il suit de près la percée des rebelles qui, selon lui, se dirigent vers la capitale syrienne….
“La cible est Damas”, a-t-il déclaré. “Je dirais que nous espérons que cette progression se poursuivra sans problème…
“Ces évolutions problématiques dans l’ensemble de la région ne vont pas dans le sens que nous souhaitons, ce n’est pas ce que notre cœur souhaite. Malheureusement, la région est dans une impasse”, poursuit-il, sans plus de précisions….
“Ankara soutient depuis des années les forces d’opposition syriennes qui cherchent à évincer…. Assad, mais considère également certains acteurs régionaux comme des terroristes, notamment Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l’ancienne branche islamiste d’Al-Qaïda formant une partie de la force rebelle. Le Turc Erdogan espère que les rebelles syriens progresseront, mais il tire la sonnette d’alarme au sujet de certains combattants, US News and World Report
On peut le dire sans détour : Erdogan soutient la progression des djihadistes sur Damas et se réjouit de l’éviction du gouvernement. En vérité, la guerre contre la Syrie est un projet à long terme d’Erdogan qui remonte à plus d’une décennie, et a provoqué l’éclatement de l’État en de multiples secteurs contrôlés par les États-Unis, les Kurdes (SDF), Israël et un certain nombre de groupes militants disparates sous le contrôle d’Ankara. Ce nouvel assaut représente la plus grande menace à laquelle le gouvernement ait jamais été confronté et il est de plus en plus probable qu’il sera incapable de résister à un assaut massif et bien organisé contre la capitale. Bien entendu, cela rapproche Washington et Tel-Aviv de la réalisation de leur rêve d’un “nouveau Moyen-Orient” où les flux de ressources essentielles à la Chine rivale seraient contrôlés par des fondés de pouvoir aux États-Unis et où Israël établirait sa primauté sur une vaste région du monde arabe. Si Damas tombe, le seul obstacle au plan néoconservateur tant attendu, serait l’Iran, dont le cas sera réglé lors de la prise de fonction de Trump.
Le fer de lance du saccage en cours à travers la Syrie est Hayat Tahrir al-Sham, une émanation d’al-Qaïda, la sombre constellation de terroristes sunnites dont les origines sont liées aux agences de renseignement occidentales. Selon antiwar.com:
“L’offensive de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a été fortement appuyée par les rebelles du nord-ouest du pays soutenus par la Turquie. On a pu lire à plusieurs reprises que la Turquie soutient l’offensive, et qu’elle pourrait même être la force motrice de la récente percée. Les combattants d’HTS semblent de mieux en mieux équipés et il est confirmé qu’ils utilisent des chars dans leur assaut sur Hama.
“Une fois Hama prise, de nombreux analystes affirment que la prochaine cible majeure serait la ville de Homs. Il s’agirait là de l’évidente étape suivante, puisque HTS poursuit son offensive vers le sud, le long de la principale autoroute M5 qui part d’Alep. Homs n’est qu’à 25 km au sud de Hama. Si Homs devait également tomber, il est probable que la capitale, Damas, soit elle aussi menacée.
“…alors que HTS est qualifiée d’organisation terroriste à l’échelle internationale, des pays comme la Turquie et Israël se montrent de plus en plus enclins à collaborer ouvertement contre le gouvernement syrien. HTS aurait proposé d’ouvrir des ambassades israéliennes à Damas et à Beyrouth en cas de conquête de la Syrie et du Liban voisin. Des militants liés à Al-Qaïda s’emparent de la grande ville syrienne de Hama, antiwar.com
Comprenons nous bien : HTS est prétendument une milice islamique qui préférerait consacrer son énergie à renverser un dirigeant arabe laïc qui s’oppose à l’hégémonie américaine et israélienne dans la région, plutôt que de contribuer à l’effort de guerre contre l’État génocidaire d’Israël et son plus grand soutien, les États-Unis ?
Est-ce que ce que nous sommes censés croire ? Voici comment l’analyste politique Alon Mizrahi résume la politique pro-terroriste d’Erdogan :
“Ce que fait la Turquie, en s’alignant sur Israël et les États-Unis, et en se laissant voir comme l’ennemi de la Palestine et du peuple syrien – ce que fait la Turquie, c’est s’aliéner ses voisins, et se mettre à dos les puissances qui façonneront l’avenir.
“En s’installant en Syrie, la Turquie met en colère l’Iran et l’Irak, deux de ses voisins immédiats. Elle ouvre un nouveau front syrien à l’oppression interne, à l’effusion de sang constante et au risque d’attaques terroristes. Mais elle va aussi, et surtout, à l’encontre des intérêts de la Russie et de la Chine, les deux géants régionaux et mondiaux, qui ne cessent de gagner en puissance et en suprématie.
“La Turquie sera-t-elle acceptée dans les BRICS après cela ? La Chine lui accordera-t-elle un statut commercial favorable ? J’ai de sérieux doutes à ce sujet.
“Alors, quels sont les intérêts de la Turquie dans cette affaire ? Un territoire dont elle n’a pas besoin et qu’elle ne pourra pas contrôler ? De graves répercussions sur sa réputation et sa diplomatie (sérieusement ? choisir de soutenir le génocide d’Israël ???) La haine des musulmans du monde entier et la rage éternelle de ses voisins ? Plus de tyrannie à l’intérieur du pays, au lieu de plus de liberté ? Un désastre économique assuré ? Une population déstabilisée, exposée au terrorisme, aux difficultés économiques et à la perte d’hommes jeunes dans une guerre absurde ? …Sans aucun avantage possible et avec la garantie d’énormes inconvénients diplomatiques, économiques et militaires, l’action de la Turquie en Syrie est la plus stupide de tous les temps”. Alon Mizrahi @alon_mizrahi
S’il peut y avoir un avantage tangible pour la Turquie, nous ne le voyons pas. Ce que nous voyons plutôt, c’est un flingue géopolitique sur la tempe de Poutine, le forçant à s’impliquer plus activement dans la campagne syrienne pour empêcher une prise de contrôle de la région par les États-Unis et Israël, préparant ainsi le terrain pour d’autres méfaits à venir. On ne peut que se demander pourquoi la Chine, qui aspire à jouer un rôle de premier plan dans la création d’une “nouvelle architecture de sécurité mondiale”, reste à l’écart alors que le Moyen-Orient est en train de s’embraser sous son nez. Pourquoi ? Si Xi Jinping pense que la croissance économique fulgurante de la Chine suffit à assurer sa “primauté” dans l’ordre mondial sans avoir à fournir d’“hommes forts en armes” pour atteindre cet objectif, c’est qu’il a une autre idée en tête. Le monde n’est pas dirigé par d’habiles marchands vendant des gadgets à bas prix, mais par des hommes brutaux armés de gros poings qui n’hésitent pas à s’en servir. Extrait d’un article de RT:
“Pékin est prêt à aider Damas pour éviter que la situation ne se détériore davantage, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Lin Jian.
“La Chine est profondément préoccupée par la situation dans le nord-ouest de la Syrie et soutient ses efforts pour maintenir la sécurité nationale et la stabilité”, a déclaré Lin lors d’un point de presse lundi. “En tant qu’amie de la Syrie, la Chine est prête à faire un effort soutenu pour éviter une nouvelle détérioration de la situation en Syrie”, a ajouté le responsable….
“Les liens entre la Chine et la Syrie se sont resserrés ces dernières années. En septembre dernier, le président chinois Xi Jinping et son homologue syrien Bashar Assad ont signé un accord de “partenariat stratégique”, s’engageant à travailler ensemble pour “sauvegarder conjointement l’équité et la justice internationales” face à une “situation internationale instable et incertaine”. La Chine promet son soutien à la Syrie, RT
D’accord, la Chine a accepté d’aider la Syrie. Mais qu’attendent-ils ? Les loups sont à la porte et il n’y a pas de temps à perdre. Ceci est tiré d’un post de l’Iran Observer :
“Chronologie avant l’attaque d’Alep :
18 novembre, le chef du Shin Bet d’Israël a rencontré l’agence du renseignement de la Turquie.
25 novembre : le chef de l’OTAN rencontre Erdogan.
26 novembre, Al-Qaïda et l’État islamique lancent une attaque contre l’État syrien”.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie qu’Erdogan a peaufiné les détails du plan d’attaque (contre la Syrie) avec des responsables d’Israël et de l’OTAN. Erdogan a donc reçu le “feu vert” des opposants étrangers à Assad. Il en résulte qu’Erdogan est un faux jeton, un qui poignarde dans le dos, à qui on ne peut pas faire confiance, et qui dénigre Israël en public tout en se pliant à ses exigences en coulisses. Voilà ce que cela veut dire.
Les événements sur le terrain évoluent maintenant si vite que cet article sera probablement obsolète avant même d’être publié. Un rapport de vendredi après-midi de The Cradle indique que la panique s’est emparée de Homs et que des milliers de civils ont fui vers le sud pour se mettre à l’abri. A vérifier :
“Des dizaines de milliers de ses habitants fuient la ville de Homs, la troisième plus grande ville de Syrie, dans la crainte que les extrémistes armés soutenus par l’étranger ne continuent d’avancer vers le sud depuis la ville de Hama.
“Le centre d’opérations d’Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une organisation désignée terroriste par l’ONU, et émanation d’Al-Qaïda qui bénéficie depuis longtemps du soutien des États-Unis, du Qatar, de la Turquie et d’Israël, a annoncé que ses milices ont pris deux villes, Rastan et Talbisseh, le long de l’autoroute stratégique M5, et se trouvent désormais à moins de cinq kilomètres de Homs.
“L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), basé au Royaume-Uni, a également indiqué que les miliciens d’HTS auraient pris les deux villes et menaceraient la ville de Homs. Le SOHR a déclaré que les avions de combat russes ont bombardé un pont à Rastan pour bloquer l’avancée des extrémistes.
“Le président turc Recip Tayyip Erdogan a reconnu son soutien à l’ANS et à HTS vendredi, déclarant que l’invasion des extrémistes fait suite au refus du président syrien Bachar el-Assad d’accéder aux exigences turques des négociations d’Astana.
“Le chef d’HTS, Abou Mohammad al-Jolani, ancien émir de l’État islamique d’Irak, continue de bénéficier d’une couverture positive dans la presse occidentale et du Golfe – malgré les atrocités que son ancienne organisation a commises en Irak et en Syrie, notamment contre les chrétiens, les yézidis et les musulmans chiites, mais aussi contre ses compatriotes sunnites.
“Aaron Y. Zelin, chercheur spécialiste du terrorisme travaillant pour un think tank financé par Israël, a publié le 3 décembre un article dans le Telegraph britannique décrivant le HTS de Jolani comme un groupe de “djihadistes favorables à la diversité”désireux de garantir les droits des minorités de Syrie.
“Vendredi, M. Jolani a accordé à CNN une “interview exclusive” dans un lieu tenu secret en Syrie. Le chef extrémiste a déclaré que son objectif est de renverser le président Assad et le gouvernement syrien, objectif de longue date des États-Unis et d’Israël. M. Jolani a affirmé que sa stratégie consiste à créer un gouvernement basé sur des institutions et un “conseil désigné par le peuple”. — The Cradle
Voilà ceux que les États-Unis soutiennent dans la guerre contre Assad : Jolani et ses barbares coupeurs de têtes. Bibi et Erdogan sont tous deux impliqués dans le programme, et chacun pense en fait que leur objectif ultime – renverser Assad et passer à l’Iran – est désormais à leur portée. Heureusement, on peut penser que leur plan pourrait être contrecarré par l’implication inattendue de l’Iran et de la Russie, mais il est encore trop tôt pour le dire avec certitude.
Ce que nous savons, c’est que la guerre éclair des djihadistes s’accélère et qu’ils ne sont plus qu’à une centaine de kilomètres de Damas. Nous savons que “l’Égypte et la Jordanie ont appelé Bachar el-Assad à quitter la Syrie et à former un gouvernement en exil”. (Wall Street Journal) Nous savons qu’“Israël a informé l’Iran qu’il attaquera toute démarche visant à envoyer des armes ou des forces en Syrie” selon la chaîne israélienne i24News. Nous savons que des djihadistes armés ont pris le contrôle de la ville de Daraa, dans le sud du pays, après avoir conclu un accord avec l’armée pour garantir son retrait en bon ordre. (Reuters) Et nous savons que des responsables de Tsahal ont déclaré vendredi qu’ils “renforcent les capacités aériennes et terrestres” sur le plateau du Golan occupé, en réponse aux larges percées des forces de l’opposition en Syrie. (Times of Israël) En d’autres termes, l’armée israélienne est en train de rassembler les effectifs dont elle a besoin pour envahir le sud de la Syrie, si Homs tombe.
On peut donc s’attendre à ce que les prochaines 24 à 48 heures soient éprouvantes, chaotiques et dangereuses. Soit Assad rassemblera les ressources nécessaires pour défendre son pays contre la dévastation que ses ennemis ont en tête, soit nous verrons l’axe États-Unis-Israël-Turquie réaliser son plan perfide de renverser un autre gouvernement souverain au Moyen-Orient, plongeant la région plus profondément dans l’anarchie, la ruine et le désespoir.
Le moment est peut-être venu de rappeler ce que Tom Paine a dit en une occasion similaire :
“Ces temps mettent l’âme de l’homme à l’épreuve. Le soldat des beaux jours et le patriote radieux se détourneront, en cette période de crise, du devoir de servir leur pays. Mais celui qui s’y consacre aujourd’hui mérite l’amour et les louanges des hommes et des femmes. La tyrannie, comme l’enfer, n’est pas une mince affaire, mais rassurons-nous en nous disant que plus le conflit est rude, plus le triomphe est glorieux. Ce que nous obtenons au rabais, nous le jugeons trop peu : ce n’est que sa valeur qui donne à chaque chose son prix. Le ciel sait attribuer un juste prix à ses richesses, et il serait étrange qu’un concept aussi noble que la LIBERTÉ ne soit pas évalué à sa juste valeur”. Thomas Paine, La crise américaine, 1776
Mike Whitney
Article original en anglais :
https://www.unz.com/mwhitney/will-damascus-fall/
Traduction : Spirit of Free Speech