Dans le débat démocrate, Clinton presse Sanders sur les questions de race, de genre et du soutien à Obama

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Dans le débat présidentiel démocrate du 11 février, l’ancienne secrétaire d’Etat Hillary Clinton, qui cherche à rebondir après sa défaite dévastatrice de la primaire du New Hampshire, a soulevé à maintes reprises les questions d’identité raciale et de genre. Elle tentait par là de contrer l’appel du sénateur du Vermont Bernie Sanders à la question de l’inégalité économique. Sanders a pour sa part cherché à contrer Clinton en sacrifiant lui aussi à la politique raciale.

L’effort de Clinton pour mettre l’accent sur les questions de race et de genre reflétait d’abord des préoccupations électorales immédiates. Les deux prochains duels de la campagne pour l’investiture démocrate ont lieu dans des Etats ayant un grand nombre d’électeurs des minorités: les électeurs démocrates du Nevada sont à 20 pour cent hispaniques et à 10 pour cent afro-américains et 55 pour cent de tous les démocrates de Caroline du Sud sont noirs.

Mais la mise en avant accentuée des questions identitaires par Clinton, reprise par les médias pro-patronaux, reflète surtout la préoccupation de l’élite dirigeante devant les signes que les questions sociales et de classe fondamentales dominent la pensée politique de larges couches de la population, motivées par une colère profonde contre le krach financier de 2008 et la croissance continue à sa suite de l’inégalité sociale. En même temps, la campagne des primaires démocrates a montré jusque-là que l’intérêt populaire était relativement faible pour la politique étroite de la race, du genre et de l’orientation sexuelle utilisée depuis des décennies pour diviser la classe ouvrière et supprimer le développement de la conscience de classe.

Dans la primaire du New Hampshire, Sanders a remporté de loin le vote des femmes et en particulier des jeunes femmes, en dépit de l’accent mis par Clinton les jours précédant le vote sur la perspective qu’elle pourrait devenir la première femme présidente.

La réponse populaire forte et imprévue aux attaques lancées par le « socialiste démocratique » autoproclamé Sanders contre l’inégalité économique et les crimes de Wall Street est la manifestation initiale d’une large radicalisation politique. La fonction de base de la campagne de ce député et sénateur « indépendant » de longue date ayant toujours soutenu le Parti démocrate, est de détourner l’opposition sociale et politique à tout l’establishment politique et, de plus en plus, au système de profit, et de la ramener derrière le Parti démocrate.

Clinton a été malmenée par l’attaque de ses liens étroits avec Wall Street qui lui a versé des millions en frais de conférences et des dizaines de millions en contributions à sa campagne et à son super-PAC (Comité d’action politique). Depuis que Bill Clinton a quitté la Maison Blanche, lui et sa femme ont engrangé 153 millions de dollars de revenus, ce qui rend difficile à Clinton de prétendre de façon crédible qu’elle compatit avec la situation des travailleurs à faible revenu, des chômeurs de longue durée, des étudiants criblés de dette, et des retraités qui vivent d’un revenu fixe. Elle se tourne vers la politique identitaire pour cacher le vaste abîme de classe qui sépare non seulement elle, mais l’élite dirigeante américaine, de la masse de la population.

L’establishment du Parti démocrate se mobilise aux côtés de Clinton. Le comité d’action politique des membres noirs du Congrès l’a soutenue cette semaine et le député de Caroline du Sud James Clyburn, le numéro trois démocrate à la Chambre des représentants, a dit qu’il ferait une annonce avant la primaire démocrate du 27 février dans son Etat. Clyburn, qui est afro-américain, est quasi certain de soutenir Clinton.

La Maison Blanche en est elle aussi. Dans un discours devant l’Assemblée générale de l’Illinois à Springfield mercredi, à la veille du débat démocrate, Obama a déclaré son opposition à quiconque tenterait de déterminer si lui ou tout autre politicien démocrate était un « vrai progressiste. » Ce fut une claire réprobation de la campagne de Sanders qui avait parlé ainsi en critiquant les liens de Clinton avec Wall Street.

Dans le débat de jeudi à Milwaukee, dont l’hôte était le réseau de télévision public (PBS) Clinton a d’abord affirmé être d’accord avec Sanders sur le financement des campagnes politiques et la réforme de Wall Street, puis elle a dit: « Mais je veux aller plus loin. Je veux lutter contre ces obstacles qui se dressent sur la voie d’un trop grand nombre d’Américains en ce moment. Les Afro-Américains qui font face à la discrimination sur le marché de l’emploi, l’éducation, le logement et le système de justice pénale. Les familles d’immigrants qui travaillent dur, qui vivent dans la peur, qu’on devrait sortir de l’ombre afin qu’elles puissent avec leurs enfants avoir un avenir meilleur. Il faut garantir la rémunération du travail des femmes, l’égalité de salaire que nous méritons. »

Cela fut un thème récurrent tout au long de la soirée; Clinton a suggéré que Sanders était trop porté sur les questions économiques comme l’emploi, l’inégalité des revenus et des soins de santé, alors qu’elle se préoccupait de questions plus vastes touchant les électeurs afro-américains et hispaniques, comme la discrimination raciale, la violence policière et la réforme de l’immigration.

Sanders ne s’est guère efforcé de démasquer la prétention de Clinton à se faire la championne des opprimés. Comme Clinton, il a discuté de questions comme la discrimination salariale et de l’emploi, la violence policière et les attaques sur les immigrants comme si elles étaient des questions touchant les seules minorités raciales et non la classe ouvrière tout entière. Malgré ses références occasionnelles et pour la forme au socialisme – le mot n’a effectivement pas été prononcé durant le débat – Sanders sépare le racisme, le sexisme et l’attaque des droits démocratiques du système capitaliste qui les engendre.

Il a fait ses critiques habituelles de Wall Street et des inégalités économiques d’un ton nettement plus modéré que dans les débats et discours précédents. De manière significative, il n’a pas parlé des attaques contre les droits des travailleurs dans le Wisconsin en 2011, qui avaient déclenché un mouvement de protestation dans tout l’État contre l’administration du gouverneur républicain Scott Walker. Ce mouvement a finalement été détourné par les syndicats et le Parti démocrate qui l’ont fait dérailler. Clinton a parlé deux fois, de façon désobligeante, de Walker mais Sanders n’a jamais prononcé son nom.

Le caractère réactionnaire des campagnes de Clinton et Sanders a été le plus clairement exprimé dans leur concurrence pour l’héritage de Barack Obama. Le plus fort échange entre les deux candidats a été quand Clinton a suggéré que Sanders avait formulé des critiques injustifiées envers Obama, affirmant qu’il parlait « comme un républicain. » Ce que Sanders a furieusement dénoncé comme « un coup bas. »

Après le débat, Tad Devine, le stratège en chef de Sanders s’est plaint qu’« ils essaient de placer un obstacle, un mur, une division entre le sénateur Sanders et le président Obama. Il n’y a qu’un problème avec cela: elle n’en existe pas. » On ne saurait faire critique plus dévastatrice de la campagne de Sanders. Le gouvernement Obama a été le principal instrument de l’aristocratie financière américaine ces sept dernières années dans sa guerre à la classe ouvrière américaine et dans le maintien des intérêts mondiaux de l’impérialisme américain.

Clinton a mentionné le nom du président 21 fois au cours du débat de deux heures, selon un décompte des médias; Sanders a vainement cherché à la surpasser en s’alignant sur la politique de ce gouvernement droitier de la grande entreprise.

Il était notable que dans la partie du débat sur la politique étrangère, qui fut relativement brève, Sanders s’est identifié complètement avec Obama et a souligné les différends de Clinton avec la Maison Blanche sur des questions comme l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie. Sanders a fait les commentaires les plus étendus de sa campagne sur la question de l’Ukraine et de la Russie, il a souscrit pleinement à la politique d’Obama, qui menace une escalade allant jusqu’à l’affrontement militaire direct avec la Russie, la deuxième puissance nucléaire du monde.

Sanders a déclaré, « Les actions agressives de la Russie en Crimée et en Ukraine ont créé une situation où le président Obama et l’OTAN disent – correctement, je crois – nous allons devoir renforcer le niveau de nos effectifs dans cette partie du monde pour dire à Poutine que son agressivité ne restera pas sans réponse … Nous devons travailler avec l’OTAN pour protéger l’Europe de l’est contre toute sorte d’agression russe. »

 Patrick Martin

Article paru en anglais, WSWS, le 13 février 2016



Articles Par : Patrick Martin

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