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De nouvelles «preuves» du Pentagone que l’Iran aurait attaqué des pétroliers attisent le danger de guerre
Par Bill Van Auken
Mondialisation.ca, 21 juin 2019
wsws.org 19 juin 2019
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Le Commandement central américain, responsable des opérations de guerre du Pentagone dans tout le Moyen-Orient, a publié ce qu’il a prétendu être une nouvelle preuve selon laquelle l’Iran était responsable des dommages causés à deux pétroliers dans le golfe d’Oman, près du détroit stratégique d’Ormuz, le 13 juin.

Ces «preuves» consistaient en des photos qui, selon les affirmations du Pentagone, montreraient l’équipage d’un bateau appartenant au Corps des gardes de la révolution islamique (IRGC) iranien, retirant une mine ventouse non explosée de la coque du pétrolier japonais Kokuta Courageous, à la suite d’attaques présumées à la fois sur ce navire et sur le bateau Front Altair norvégien.

Ces photos ne sont pas plus probantes des accusations américaines ou convaincantes que la vidéo floue publiée par le Pentagone la semaine dernière.

Un chasseur F-35 décolle d’un navire d’assaut amphibie américain [Source: US Navy]

Ni les photos ni la vidéo ne justifient l’affirmation selon laquelle les personnes qu’elles représentent enlevaient une mine ventouse de la coque, et encore moins l’affirmation des États-Unis selon laquelle elles auraient procédé ainsi afin de dissimuler des preuves de la culpabilité de l’Iran.

Les médias américains, qui régurgitent fidèlement la propagande de guerre de Washington, ont cité un expert en explosifs de la marine navale qui aurait affirmé que la supposée mine ventouse prétendument décrite dans les photographies et la vidéo ressemblait «à une ressemblance frappante» avec d’autres mines «exposées publiquement dans des défilés militaires iraniens». Cet expert, le commandant Sean Kido n’a présenté aucune preuve photographique montrant la mine présumée sur le pétrolier, encore moins un défilé quelconque avec un tel dispositif dans les rues de Téhéran.

En parlant avec des journalistes, le commandant Kido a souligné que les dommages causés à la coque du Kokuta Courageous n’étaient «pas compatibles avec un projectile aérien heurtant le navire». Ce commentaire était dirigé contre le récit donné par l’équipage du navire et par la société qui le possède, qui ont insisté sur le fait que le navire ait été heurté par deux projectiles aériens et que le récit du Pentagone imputant les dommages causés aux mines ventouses était faux.

Les supposées preuves liant l’Iran aux pétroliers endommagés ont été utilisées pour justifier une nouvelle escalade des menaces militaires américaines dans le golfe Persique. L’administration Trump a annoncé au début de la semaine le déploiement de 1000 soldats supplémentaires, en plus des 1500 autres envoyés dans la région le mois dernier et l’envoi précédent d’un groupement tactique de porte-avions et son escorte, ainsi qu’une force de frappe dirigée par des bombardiers B-52 à capacité nucléaire.

L’Iran a nié avec véhémence la responsabilité des dommages causés aux pétroliers et a qualifié les accusations américaines de «fabrication».

«Ils savent eux-mêmes que ces images n’étayent pas ce qu’ils prétendent», a déclaré mercredi l’ambassadeur iranien au Royaume-Uni, Hamid Baeidinejad, à la chaîne de télévision russe RT. «En fait, ils disent qu’ils ont une évaluation, mais la question est que cette évaluation devrait être basée sur des faits et des preuves. Ces images qui ont été publiées sont très floues et on ne peut en tirer aucune conclusion.»

Jeudi, l’Iran a affirmé avoir abattu un drone de reconnaissance américain RQ-4, bien que cela ait été démenti par le commandement central américain.

Au milieu des dernières allégations non fondées de Washington, le représentant spécial du département d’État pour l’Iran, Brian Hook, a témoigné devant le Congrès mercredi, écartant les questions des membres du Congrès quant à savoir si le gouvernement Trump invoquerait l’autorisation d’utilisation de la force militaire (AUMF), mesure adoptée à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001, comme justification d’une attaque militaire américaine contre l’Iran.

«Nous ferons tout ce que nous sommes tenus de faire en ce qui concerne les pouvoirs de guerre du Congrès, et nous respecterons la loi», a déclaré Hook devant le sous-comité des affaires du Moyen-Orient de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants.

Des responsables du gouvernement ont tenté de présenter l’Iran comme un allié d’Al-Qaïda lors d’un récent témoignage devant le Congrès, tandis que le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, lors d’une conférence de presse le 13 juin, a fait part d’une liste d’attentats prétendument «incités» par l’Iran dont une voiture piégée qui a frappé un convoi militaire américain à Kaboul, tuant quatre civils afghans et blessant quatre soldats américains.

Ces affirmations sont manifestement absurdes. Les talibans ont revendiqué l’attentat à la voiture piégée. Ceux-ci font partie d’un mouvement fondamentaliste sunnite qui puise son inspiration idéologique sur le plan religieux dans l’islam wahhabite officiel saoudien. Les talibans ont brutalement attaqué la population Hazara d’Afghanistan, qui adhère à l’Islam chiite pratiqué en Iran.

Quant à Al-Qaïda, un mouvement qui a débuté dans la guerre orchestrée par la CIA contre le gouvernement afghan soutenu par l’URSS dans les années 1980, les États-Unis ont armé et financé leur filiale en Syrie dans une guerre pour un changement de régime contre le gouvernement du président Bachar al-Assad, qui à son tour a reçu le soutien militaire de l’Iran.

Les déclarations de Pompeo et d’autres responsables de l’administration tentant de relier Al-Qaïda à l’Iran ne sembleraient pas être une simple question d’ignorance, mais plutôt un effort calculé visant à créer une justification pseudo-légale de l’utilisation de l’AUMF de 2001, encore une fois en tant que feuille de vigne pour une autre guerre d’agression américaine.

Après son témoignage mensonger devant le Congrès, Hook, le représentant des États-Unis en Iran, a quitté Washington mercredi pour un voyage en Arabie saoudite et les autres territoires de cheiks pétroliers sunnites qui constituent, avec Israël, l’axe anti-iranien soutenu par les États-Unis au Moyen-Orient.

Sur fond de préparatifs de guerre à Washington, Israël a achevé mercredi des exercices militaires impliquant des milliers de soldats des forces terrestres, navales et aériennes simulant une guerre avec le Hezbollah, la milice chiite libanaise alignée sur l’Iran. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui assistait à la dernière phase des jeux de guerre, a salué le «très grand pouvoir destructeur» de l’armée israélienne et a averti les «ennemis» d’Israël de ne pas «nous mettre à l’épreuve».

Les exercices israéliens ne sont qu’un signe supplémentaire du fait que ce qui se trame avec les provocations américaines dans le golfe Persique et les sanctions économiques implacables de Washington contre l’Iran, équivalant à un état de guerre, est un conflit militaire qui pourrait rapidement embraser toute la région, coûtant la vie à des dizaines de milliers de personnes en peu de temps.

En même temps, les objectifs de guerre de Washington, qui visent avant tout à affirmer l’hégémonie impérialiste américaine sans entrave sur le Moyen-Orient et ses vastes réserves d’énergie, menacent d’impliquer toutes les grandes puissances, y compris la Russie et la Chine dotées d’armes nucléaires, posant l’immense danger d’une troisième guerre mondiale.

Bill Van Auken

 

Article paru en anglais, WSWS, le 20 juin 2019

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