Dépenses militaires mondiales: la planète ne désarme pas

Les dépenses militaires globales de la planète sont estimées à 1 739 milliards USD en 2017, selon les dernières données publiées par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI)[1]. Cette somme traduit une hausse de 1,1% en termes réels par rapport à 2016. Elle représente 2,2% du produit intérieur brut mondial et correspond à une dépense de 230 USD par habitant.

Le Top 10 des États qui dépensent le plus varie peu d’une année à l’autre. Ensemble, ils concentrent 73,1% du total des dépenses militaires mondiales. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis dominent invariablement ce classement avec des dépenses militaires de 610 milliards USD qui représentent 35,1% du total mondial en 2017. Ils sont suivis depuis plusieurs années par la Chine dont les dépenses sont estimées à 228 milliards USD, ce qui correspond à 13,1% du total mondial, une part en progression.

On observe cependant des écarts importants de dépenses entre les cinq pays les plus dépensiers. Ensemble, les cinq premiers ont représenté 60% des dépenses militaires mondiales en 2017. Mais les dépenses militaires américaines sont 2,7 fois plus élevées que celles de la Chine, classée seconde, et sont plus importantes que celles des sept autres plus grands dépensiers réunis.

Le Top 10 des pays dont le « fardeau militaire » – la part des ressources nationales consacrées aux activités militaires – est le plus lourd est complété par la Russie, l’Inde, la France, le Royaume-Uni, le Japon, l’Allemagne et la Corée du Sud, tous représentant moins de 4% du total mondial.

Si les États-Unis restent de loin l’État le plus dépensier pour leurs capacités militaires, leur poids relatif tend toutefois à décroitre, reculant de 45% du total mondial en 2008 à 35% en 2017. Inversement, le « reste du Monde », emmené par les fortes augmentations de la Chine et de l’Arabie saoudite, voit sa part du total mondial passer de 38% en 2008 à 50% en 2017.

Les dépenses militaires mondiales, 1988-2017
En milliards USD, aux prix et taux de change de 2016

Source : SIPRI

La part de l’Union européenne diminue elle aussi légèrement, glissant de 17% en 2008 à 15% en 2017. Les dépenses militaires des États membres de l’Union européenne sont restées quasi inchangées au cours des trente dernières années : exprimées en dollars constants de 2016, elles s’établissaient à 249 milliards en 1988 et à 252 milliards en 2017, et cela en dépit du fait que le périmètre de l’Union européenne est passé de 12 États membres à 28 sur la même période.

Cette observation est inévitablement exploitée par les avocats d’une hausse des dépenses militaires des États membres, voire d’un alignement de ces dépenses sur le critère des 2% du PIB réclamé par l’OTAN. Les lacunes capacitaires de l’UE dans plusieurs domaines sont des réalités, mais remédier à cela nécessite, avant des hausses budgétaires, une meilleure intégration européenne dans les tous domaines de la défense afin de mettre fin aux nombreuses duplications, redondances et coûteuses compétitions qui résultent de 28 politiques de défenses, industrielles et de recherche et développement non coordonnées. La conclusion devrait être qu’il est possible pour l’Union européenne de se doter d’une défense plus efficace sans nécessairement dépenser plus. On notera que les 252 milliards USD (environ 230 milliards d’euros) affichés en 2017 représentent tout de même une hausse de 2,4% par rapport à 2016.

En 2017, la Chine a augmenté ses dépenses militaires de 5,6% par rapport à 2016. Cette augmentation a été la plus faible depuis 2010, mais elle reste conforme à la croissance du PIB plus l’inflation, et le fardeau militaire de la Chine est donc demeuré à 1,9% du PIB. L’Arabie saoudite occupe le troisième rang des plus grands dépensiers en 2017, avec une augmentation de 9,2% de ses dépenses militaires, qui ont atteint 69,4 milliards USD.

En revanche, la Russie – quatrième dans le Top 10 – a vu ses dépenses militaires diminuer de 20% pour s’établir à 66,3 milliards USD, soit près de quatre fois moins que celles totalisées par les 28 États membres de l’Union européenne. L’Inde, dont les dépenses ont augmenté de 5,5 % en 2017 pour atteindre 63,9 milliards USD, est passée de la sixième à la cinquième place des classements en 2017, surpassant ainsi la France.

Quatre pays du Top 10 sont membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) : les États-Unis (rang 1), la France (rang 6), le Royaume-Uni (rang 7), et l’Allemagne (rang 9). Ensemble, ces quatre pays totalisent 44% des dépenses militaires mondiales. Les dépenses totales des 29 membres de l’OTAN s’élevaient à 900 milliards USD en 2017, ce qui correspond à quatre fois celles de la Chine, ou près de quatorze fois celles de la Russie. Un constat paradoxal, compte tenu d’une perception de la menace qui reste forte, tant vis-à-vis de la Chine que de la Russie.

Un fardeau militaire très inégalement réparti

Le fardeau militaire varie fortement d’une région et d’un pays à l’autre entre 2016 et 2017. Les baisses les plus importantes sont en Europe orientale (-18,5% qui reflètent surtout la diminution de 20% des dépenses militaires de la Russie), en Asie centrale (-7,5%), en Amérique centrale et Caraïbes (-6,6%), et en Afrique du Nord (-1,9% du fait d’une baisse en Algérie, affectée par la chute de ses revenus pétroliers et gaziers).

La hausse la plus importante de 2016 à 2017 est en Europe centrale (+11,5%), en raison d’une menace russe perçue par les pays de la région, que ne reflète pas le niveau réel et l’évolution significativement à la baisse des dépenses militaires de la Russie. Les dépenses militaires sont aussi à la hausse en Asie du Sud (+5,4%) et de l’Est (+4,1%), et en Amérique du Sud (+4,1%), où la hausse s’explique par des augmentations majeures en Argentine (+15%) et au Brésil (+6,3%), dont le gouvernement a assoupli les objectifs de réduction des déficits budgétaires.

L’Arabie saoudite est le pays qui a dépensé le montant le plus élevé par habitant en 2015 : 2 107 USD par tête. Elle est suivie par Israël (1 981 USD per capita), les États-Unis (1 879 USD) et Oman (1 874 USD). À titre de comparaison, Russie est 24e dans ce classement avec 461 USD par habitant, la Belgique occupe la 29e place avec environ 389 USD par habitant, tandis que la Chine – forte de sa population estimée à 1,4 milliard – est classée 55e avec 162 USD par habitant.

Ce sont deux champions des dépenses militaires per capita qui arrivent en tête du classement des fardeaux militaires exprimés en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) : Oman et l’Arabie saoudite consacrent respectivement 12,1% et 10,3% de leur PIB aux dépenses militaires. Ils sont les deux seuls pays qui consacrent plus de 10% de leurs ressources nationales à des activités militaires. Aux États-Unis, malgré des dépenses per capita très élevées, l’effort pour l’économie américaine ne représente finalement « que » 3,1% du PIB. Selon les données harmonisées du SIPRI, les dépenses militaires de la Belgique représentent 0,9% de son PIB en 2017, la moyenne pour l’Union européenne étant de 1,5%.

Les dépenses militaires mondiales, 2016-2017
Augmentations ou diminutions, par région

Source : SIPRI

Les dépenses militaires mondiales en 2017
En USD, per capita

Source : SIPRI

Les dépenses militaires mondiales en 2017
En % du PIB

Source : SIPRI

Luc Mampaey

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Note

[1]. Cet Éclairage est basé sur la publication « Trends in World Military Expenditure, 2017 », de Tian N., Fleurant A., Kuimova A., Wezeman P. D. et Wezeman S.T., (SIPRI, Fact Sheet du 2 mai 2018), https://www.sipri.org/sites/default/files/2018-05/sipri_fs_1805_milex_2017.pdf. Les tableaux et graphiques ont été reconstitués par le GRIP sur la base des données du SIPRI disponibles à https://www.sipri.org/databases/milex.

Luc Mampaey est le directeur du GRIP. Docteur en sciences économiques et ingénieur commercial, il est aussi maître de conférence à l’ULB.



Articles Par : Luc Mampaey

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