Des meurtriers

Image : Séance des Nations Unies au Palais Chaillot. Paris, il y a 75 ans, le 9 décembre 1948, pour l’adoption de la Convention sur le génocide (Photo des Nations Unies)

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Al Jazeera diffuse en première page l’exécution de civils palestiniens, dont des femmes et des enfants en bas âge, à l’intérieur de l’école de Jabalia où ils s’étaient réfugiés. Ils ont tous été abattus à bout portant, sans aucun signe de bombardement ou de tir de missile.

 

Sur la BBC, l’émission Daily Politics, qui consiste en une discussion entre des députés britanniques de haut rang, ne parle pas du tout de la Palestine, car la classe politique britannique soutient le génocide, de sorte que pour elle, il n’y a pas matière à discussion.

Toujours à Jabalia, les Israéliens ont détruit aujourd’hui la dernière boulangerie.

Il est bon de rappeler pourquoi il s’agit manifestement d’un génocide à Gaza :

  1. Destruction délibérée des infrastructures qui soutiennent la population civile, y compris le traitement de l’eau, l’électricité, les systèmes d’égouts, les boulangeries et les bateaux de pêche.
  2. Destruction délibérée de la quasi-totalité des installations médicales
  3. la destruction délibérée des établissements d’enseignement, des universités aux écoles primaires
  4. Destruction délibérée de l’infrastructure de la société civile, y compris les bâtiments de la Cour suprême, du Parlement, des ministères et des conseils, ainsi que la destruction délibérée des registres administratifs
  5. Blocage délibéré de l’aide alimentaire provoquant une famine de masse
  6. Bombardements massifs et aveugles. Dans les guerres, le pourcentage général d’enfants parmi les personnes tuées varie de 6 à 8 %. En Ukraine, il est de 6 %. À Gaza, il est de 42 %. Il s’agit de la destruction aveugle d’un groupe ethnique.
  7. Exécutions massives de civils
  8. Actes de déshumanisation des Palestiniens, y compris le fait de faire défiler les prisonniers nus pour les exhiber au public et aux médias et les humilier, les battre et les abuser sexuellement
  9. Déplacements massifs et forcés de la population
  10. Ciblage délibéré des édifices religieux et du patrimoine culturel
  11. Ciblage délibéré des dirigeants intellectuels, notamment des journalistes, des médecins, des poètes, des professeurs d’université et des hauts fonctionnaires.
  12. Nombreuses déclarations d’intention génocidaire ouverte de la part du président et du premier ministre jusqu’à la quasi-totalité de l’establishment civil et militaire.

Voici la définition officielle du génocide en droit international, d’après la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Article II

Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel comme tel :

(a) Tuer des membres du groupe

(b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe

(c) Soumettre délibérément le groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle

c) Soumettre délibérément le groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle

(d) Imposer des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe

(e) Transférer de force des enfants du groupe à un autre groupe.

Hier, j’ai assisté à une session convoquée par la Palestine aux Nations unies à Genève. Plus de 120 États y ont participé. Alors que la session formelle consistait en des déclarations de positions nationales sans grandes surprises, j’ai pu discuter avec un grand nombre de délégués dans les couloirs pour savoir pourquoi la Convention sur le génocide n’avait pas été activée, ce qui aurait déclenché une saisine de la Cour internationale de justice.

La réponse est maintenant claire pour moi. Les gens ne craignent pas qu’une plainte pour génocide n’aboutisse pas devant la Cour Internationale de Justice [CIJ], bien au contraire. Tout le monde est au contraire convaincu qu’elle aboutira. Il n’y a pas d’argument respectable pour dire qu’il ne s’agit pas d’un génocide dans les termes décrits ci-dessus.

Le problème est qu’une fois que la CIJ aura établi qu’il s’agit d’un génocide, il s’ensuivra que non seulement Netanyahou et des centaines de hauts fonctionnaires et militaires israéliens seront personnellement responsables, mais il est absolument évident que “Joe le génocidaire” Biden, Sunak et les membres de leur administration seront également pénalement responsables pour complicité, puisqu’ils ont apporté un soutien militaire au génocide.

La Cour Pénale [CPI] ne peut ignorer un jugement de génocide de la Cour Internationale de Justice, et n’aura d’autre choix que d’émettre des mandats d’arrêt.

Le génocide est le pire des crimes. L’horreur de celui-ci a été révélée au monde entier comme jamais auparavant, grâce au pouvoir des réseaux sociaux.

Mais pour le 1% mondial dont les intérêts gouvernent le monde, peu importe le nombre de Palestiniens tués, leurs intérêts n’en seront pas affectés. En revanche, les conséquences pour le système international de concentration des richesses, si les élites politiques occidentales commencent à être tenues pour responsables de leurs crimes, sont plus incertaines et comportent donc plus de risques. Cela préoccupe particulièrement les classes dirigeantes des États occidentaux et arabes.

Cela peut paraître étonnant, mais pour les diplomates du monde entier, l’énormité d’un génocide semble moins troublante que l’énormité de l’action à mener pour y remédier.

Craig Murray

 

Article original en anglais : Murder, Consortium News, le 15 décembre 2023.

Traduction : Spirit of Free Speech

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Craig Murray est un auteur, diffuseur et militant des droits de l’homme. Il a été ambassadeur britannique en Ouzbékistan d’août 2002 à octobre 2004 et recteur de l’université de Dundee de 2007 à 2010. Sa publication dépend entièrement du soutien de ses lecteurs. Les abonnements permettant de poursuivre l’activité de ce blog sont les bienvenus.

 



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