Des milices armées détiennent des demandeurs d’asile le long de la frontière américano-mexicaine

Des milices armées d’extrême droite détiennent systématiquement des demandeurs d’asile sous la menace d’armes à feu le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique dans le cadre d’opérations qui sont apparemment coordonnées avec l’agence fédérale responsable des frontières, Customs and Border Patrol (CBP).

Le rôle d’un groupe particulier dans la détention d’immigrants, les United Constitutional Patriots (UCP), a été mis en lumière la semaine dernière après que le groupe a publié plusieurs vidéos sur les médias sociaux, montrant ses membres masqués, en habits de camouflage, lourdement armés et marchant avec des chiens alors qu’ils «patrouillaient» la frontière et rassemblaient plusieurs centaines de demandeurs d’asile à Sunland Park, au Nouveau-Mexique, tout près d’El Paso, au Texas.

Bien que la région frontalière ait vu par le passé des patrouilles d’autodéfense menées par des milices armées, cette dernière évolution marque un tournant encore plus dangereux, l’administration Trump semblant donner carte blanche à ces éléments fascistes.

Trump a activement encouragé la croissance des milices en créant une hystérie xénophobe au sujet de la frontière, en déployant des milliers de soldats en service actif dans les États frontaliers et en déclarant une urgence nationale afin d’utiliser les fonds du Pentagone pour construire un mur à la frontière, en violation de la Constitution américaine. Il a utilisé à maintes reprises une rhétorique fasciste, qualifiant les migrants cherchant asile aux États-Unis de membres de gangs et d’«envahisseurs», tout en mentionnant publiquement l’idée d’utiliser des mitrailleuses pour dissuader les personnes de franchir les frontières.

Lors d’une visite à la frontière américano-mexicaine au début du mois, le président aurait dit au directeur du CBP d’interdire l’entrée aux États-Unis aux demandeurs d’asile, ce qui constitue une violation du droit international et américain, et lui aurait promis qu’il le pardonnerait s’il rencontrait des problèmes juridiques.

Des milices lourdement armées à la frontière américano-mexicaine (Source: Page Facebook de United Constitutional Patriots)

Dans une vidéo diffusée la semaine dernière sur les médias sociaux par l’UCP, plusieurs centaines de migrants épuisés sont obligés de s’agenouiller et de se blottir les uns contre les autres dans l’obscurité, clignant des yeux étourdis par les projecteurs braqués sur leur visage par des miliciens armés. On peut entendre les enfants tousser. Le narrateur de la vidéo, Jim Benvie, déclare: «Il n’y a pas de patrouille frontalière ici. C’est nous.» Six minutes après le début de l’enregistrement, des agents de la CBP apparaissent.

Une mère et un enfant capturés par un groupe de miliciens de droite (Source: Page Facebook de United Constitutional Patriots)

Une autre vidéo publiée par Benvie le montre s’approchant d’un groupe de quatre adultes et trois enfants, s’identifiant faussement comme un membre de la «Border Patrol» avant d’appeler un autre membre de la milice à le rejoindre. Le deuxième homme, en pantalon de camouflage, ordonne au groupe de se mettre à terre. Plus tard, les hommes semblent contacter la CBP, avec une voix disant: «Allo, j’en ai sept par ici.»

Dans une entrevue téléphonique avec le New York Times, Benvie a insisté sur le fait que les actions de son groupe étaient légales et que leur détention des migrants était assimilable à «une arrestation citoyenne verbale». Bien qu’il ait reconnu que les membres de la milice étaient armés, il a affirmé qu’ils ne portaient pas de fusils de type militaire lorsqu’ils patrouillaient et qu’on leur avait demandé de ne pas pointer leurs armes vers les migrants.

Cependant, les vidéos affichées par le groupe montrent au moins un membre de la milice vêtu d’une tenue militaire et plusieurs membres armés de fusils semi-automatiques. Benvie a dit au Times: «Si ces gens suivent nos ordres verbaux, nous les retenons jusqu’à l’arrivée des gardes-frontières. La CBP ne nous a jamais demandé de nous retirer.» L’UCP a installé un camp dans une zone située près d’El Paso, y attendant les migrants qui traversent la frontière.

En réponse aux révélations et à une déclaration de l’American Civil Liberties Union (ACLU) dénonçant les actions de la milice comme étant illégales, les autorités de l’État ont tenté de se distancier du groupe. La gouverneure démocrate du Nouveau-Mexique, Michelle Lujan Grisham, a déclaré qu’il était «absolument inacceptable» que les familles de migrants «puissent être menacées de quelque façon que ce soit lorsqu’elles arrivent à notre frontière…[et qu’il devrait] aller sans dire que les citoyens ordinaires n’ont aucun pouvoir pour arrêter ou détenir quiconque.» Hector Balderas, procureur général du Nouveau-Mexique, a publié une déclaration disant: «Ces individus ne devraient pas tenter d’exercer une autorité réservée aux forces de l’ordre.»

Quant au CBP, alors que son porte-parole Carlos Diaz a répété la ligne officielle dans une déclaration écrite selon laquelle l’agence «n’approuve pas que des groupes ou organisations privés prennent en main les questions d’application de la loi», il a très perceptiblement évité de parler de la milice spécifique ou de l’apparition d’agents fédéraux des patrouilles frontalières dans la vidéo.

Benvie a déclaré au Times que l’UCP «planifie de rester à la frontière jusqu’à ce que le mur étendu proposé par le président Trump soit construit ou que le Congrès modifie les lois sur l’immigration pour rendre la demande d’asile plus difficile pour les migrants».

Le fondateur de l’UCP, Larry Mitchell Hopkins, sous le pseudonyme de Johnny Horton Jr. a envoyé sa milice, qui comprend des vétérans handicapés, à la frontière sud à la fin de l’année dernière en réponse aux rumeurs racistes lancées par le président Trump sur la caravane des migrants d’Amérique centrale qui traversaient le Mexique pour demander l’asile aux États-Unis.

Hopkins se vante d’être en contact régulier avec Trump depuis qu’il a rencontré le futur président et sa femme Ivana quand il était musicien à Las Vegas. Il prétend que le président lui a demandé des renseignements sur la frontière avec le Canada parce que c’est là que «tous les musulmans entrent». L’an dernier, il a dit au Southern Poverty Law Center que son groupe obtenait de l’information des «très hautes agences» du gouvernement fédéral.

«J’ai 69 ans et je vais à la frontière quand je sais que l’ennemi est près de la frontière, je vais me battre et je vais peut-être donner ma vie, mais au moins je serai là et je respecterai mon serment», a déclaré Hopkins dans un message Facebook en octobre. Il affirme que son groupe a détenu plus de 3500 migrants au cours du dernier mois seulement.

D’autres milices sont descendues à la frontière sud au cours des dernières années avec des armes de type militaire et des véhicules blindés, notamment la American Border Patrol, les Veretans on Patrol, l’Arizona Border Recon et le Utah Gun Exchange.

Fortement armés, les membres de ces groupes d’extrême droite ont eu recours à la violence, à la fois contre des migrants et contre des résidents des États-Unis.

Avant sa mort par suicide en 2012, le cofondateur du Minuteman Civil Defense Corps (MCDC), J.T. Ready, un néonazi avoué, faisait l’objet d’une enquête du FBI sur les meurtres présumés de migrants dans le désert de l’Arizona. Trois membres de la milice Minutemen American Defense, une milice créée suite à une scission de la MCDC, ont été condamnés en 2011 pour les meurtres de Raul Flores Jr. et de sa fille Brisenia, neuf ans, commis en 2009.

Shawna Forde, Jason Bush et Albert Gaxiola ont fait une descente chez les Flores à Arivaca, en Arizona, dans l’espoir de voler de la drogue et de l’argent afin de financer leurs opérations de milice.

La prolifération des groupes terroristes néo-fascistes à la frontière s’inscrit dans un contexte politique précis. Une grande majorité de la population américaine s’oppose à la persécution violente de Trump à l’égard des immigrants et à son évolution vers un régime autoritaire. Des dizaines de millions d’Américains soutiennent une politique d’ouverture des frontières et s’opposent à la criminalisation des immigrants sans papiers.

Cependant, le Parti démocrate reste pratiquement silencieux sur les tentatives de Trump de transformer la frontière américano-mexicaine en un réseau militarisé de camps de détention et d’éviscérer le droit à l’asile. Au lieu de cela, les principaux démocrates se font de plus en plus l’écho des propos de Trump sur une «crise» à la frontière et s’adaptent à sa politique d’immigration d’extrême droite. Le candidat démocrate à la présidence Bernie Sanders s’est récemment fait remarquer lors d’un événement électoral dans l’Iowa en déclarant son opposition à l’ouverture des frontières et en avertissant qu’une telle politique ouvrirait les vannes aux étrangers pauvres, faisant écho aux efforts de Trump pour monter les travailleurs américains contre leurs frères et sœurs de classe à travers le monde.

Meenakshi Jagadeesan et Niles Niemuth

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 20 avril 2019



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