Des navires de guerre canadiens participent à des exercices de «liberté de navigation» en mer de Chine méridionale

Au côté des navires militaires américains, australiens, japonais et sud-coréens, deux navires de guerre canadiens ont participé ces derniers mois à des exercices de «liberté de navigation» et à des exercices de guerre provocateurs dans la mer de Chine méridionale et orientale.

Principalement à cause des machinations de l’impérialisme américain, la mer de Chine méridionale, dont de grandes parties sont revendiquées par la Chine, est devenue une poudrière internationale – une poudrière qui menace de déclencher une confrontation militaire directe entre des puissances nucléaires.

L’implication du Canada dans cette région hautement explosive est directement liée à l’intime partenariat militaro-stratégique vieux de plusieurs décennies entre Ottawa et Washington et spécifiquement à un accord bilatéral secret de 2013 pour une augmentation de l’activité militaire conjointe dans la région de l’Asie-Pacifique.

Le correspondant Matthew Fisher du National Post, lequel jouit de relations privilégiées avec les échelons supérieurs des Forces armées canadiennes, a rapporté le mois dernier que les deux navires canadiens, le HMCS Winnipeg et le HMCS Ottawa, étaient suivis par des navires chinois lors d’exercices dans les eaux contestées de la mer de Chine méridionale. Les deux frégates étaient impliquées dans un exercice de «liberté de passage» lorsque deux frégates de la Marine de l’Armée populaire de libération se sont approchées à une distance de moins de trois miles marins. Par la suite, lorsque le Winnipeg et l’Ottawa se sont déplacés en mer de Chine orientale, où ils ont participé à des manœuvres avec des navires japonais et australiens, un vaisseau du renseignement chinois a surveillé leurs mouvements.

À un certain moment durant leur voyage à travers la mer de Chine méridionale, l’un des navires canadiens est passé à moins de 20 km des récifs de Scarborough, dont la possession est contestée à la fois par la Chine et les Philippines. Ce n’est qu’à un kilomètre et demi à l’extérieur du rayon de 19 km dans lequel un pays a le droit de revendiquer du territoire sous le droit international.

Indiquant l’atmosphère extrêmement tendue dans laquelle des exercices prennent place dans la région et soulignant que même un accident ou une erreur de jugement pourraient mener à une confrontation ouverte, le premier maître de 1ère classe Sylvain Jaquemot a raconté à Fisher, «Chaque fois que nous sommes près d’un navire américain, les Chinois sont là. Il n’y a pas un navire américain dans la mer de Chine méridionale que ne se fait pas suivre par un navire chinois.»

Les États-Unis attisent systématiquement les disputes territoriales dans la mer de Chine méridionale. En plus d’organiser à maintes reprises des exercices qui passent à travers l’espace aérien et les eaux revendiquées par la Chine, ils incitent les rivaux régionaux de Beijing, incluant les Philippines, l’Indonésie, le Vietnam, la Malaisie et Taiwan, à défendre agressivement leurs revendications territoriales rivales sur les ilots et les eaux de la mer de Chine méridionale. Dans la mer de Chine orientale, Washington provoque de façon similaire des frictions entre la Chine d’un côté et le Japon et la Corée du Sud de l’autre.

Pour renforcer son alliance stratégique de longue date avec Washington, le gouvernement Trudeau s’est essentiellement rangé derrière la position anti-Chine de Washington et a signalé que dans l’éventualité où il y aurait une confrontation militaire, le Canada prêterait main-forte aux États-Unis. En poursuivant où le gouvernement conservateur Harper avait laissé, les libéraux de Trudeau ont soutenu l’adoption du Partenariat transpacifique (TPP) qui faisait partie de la politique anti-Chine du «pivot vers l’Asie» de l’administration Obama.

L’abandon du TPP par l’administration Trump a été combiné avec une intensification des provocations impérialistes américaines contre Beijing, que Trump étiquette traite «manipulateur de devises». Trudeau, entre-temps, a clairement affirmé sa détermination à renforcer le partenariat de l’impérialisme canadien avec les États-Unis de Trump. Il a adopté l’idée d’un bloc économique nord-américain plus protectionniste visant à défier économiquement la Chine et adhère à la «modernisation» de NORAD.

Dans un important discours en juin, la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland a étiqueté la Chine comme l’une des principales «menaces» à la stabilité mondiale. Dans des remarques qui ont encensé le «rôle démesuré» qu’a joué Washington pour soutenir le capitalisme mondial dans les sept décennies depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, elle a souligné qu’il était nécessaire de trouver des moyens pour «encourager» la Chine à accepter un ordre géopolitique mondial mené par les États-Unis.

Le gouvernement Trudeau a aussi pleinement accueilli la ligne dure de Washington envers les essais de missiles de la Corée du Nord, approche qui renonce à la «patience stratégique» par des exercices de guerres visant à tester la capacité des États-Unis et des forces sud-coréennes à «décapiter» la direction de la Corée du Nord et des menaces directes d’actions militaires.

En avril, le ministre de la Défense Harjit Sajjan a déclaré que les Forces armées canadiennes – qui font toujours partie du commandement des Nations-Unis en Corée dirigé par les États-Unis qui a mené la guerre en Corée entre 1950 et 1953 – doivent être prêts à être redéployés sur la péninsule dans l’éventualité où une nouvelle guerre éclaterait. Une telle guerre de «changement de régime» menacerait la vie de millions de gens et viserait à intensifier la pression militaro-stratégique sur Beijing.

Le déploiement du HMCS Winnipeg et du HMCS Ottawa dans la région démontre la détermination de l’impérialisme canadien à solidifier sa présence dans l’Asie-Pacifique. Les deux navires retourneront à leur port d’attache en Colombie-Britannique ce mois-ci après une mission de cinq mois durant laquelle ils auront visité des ports aux États-Unis, en Malaisie, aux Philippines, au Japon, en Corée du Sud, au Sri Lanka et à Singapour. Deux frégates feront un trajet similaire l’année prochaine.

Cela fait partie d’une stratégie à long terme pour augmenter la présence navale du Canada dans l’Asie-Pacifique. En juin, le chef de la Marine royale canadienne, le vice-amiral Ron Lloyd, a dit que le Canada est entraîné «plus profondément dans le Pacifique qu’il l’aurait généralement été dans le passé». Il a félicité la décision des libéraux d’augmenter de 12 à 15 le nombre de nouveaux navires de guerre que le Canada se procurera durant la prochaine décennie, disant que la marine doit être en mesure d’avoir une présence importante simultanément dans l’Atlantique et dans le Pacifique.

Le chef d’état-major de la Défense Jonathan Vance a expliqué qu’un élément clé du récent déploiement naval a été de familiariser les membres d’équipage canadiens avec la navigation dans le détroit de Malacca, une route commerciale que pourraient utiliser les États-Unis et leurs alliés comme un goulet d’étranglement pour imposer un blocus économique sur la Chine dans l’éventualité d’une guerre ou d’une crise de guerre. «Pour se faire respecter ou être pris au sérieux, il faut être dans cette région», a dit Vance à Fisher. «La sécurité du détroit de Malacca est importante pour nous, car c’est une route commerciale majeure.»

Avec le Globe and Mail à leur tête, le porte-parole traditionnel de l’élite de Bay Street de Toronto, la plupart des médias de la grande entreprise exhortent le gouvernement Trudeau à adopter une ligne encore plus dure contre Beijing. Tout en s’engageant à renforcer la coopération de sécurité et militaire avec les États-Unis, les libéraux ont fait des démarches pour amorcer des discussions avec Beijing sur un accord de libre-échange, principalement afin de soutenir les exportations de matières premières et de ressources énergétiques du Canada.

Depuis des mois, le Globe organise une campagne anti-Chine de plus en plus stridente, affirmant que le gouvernement Trudeau est en train d’ignorer des préoccupations vitales de sécurité nationale dans sa poursuite de liens économiques plus étroits avec Beijing. Cela a atteint un point culminant le mois dernier lorsqu’il a dénoncé Ottawa pour avoir permis à une firme chinoise d’acheter Norsat International basé à Vancouver, un fabricant d’équipement de communication satellite qui compte comme clients les armées du Canada, des États-Unis et de l’OTAN.

Le conflit au sein des cercles dirigeants sur la politique à adopter envers la Chine a été accentué par le programme protectionniste de «l’Amérique d’abord» de l’administration Trump. La bourgeoisie canadienne craint que son accès privilégié au marché américain, sur lequel reposent 75% de ses exportations, puisse être réduit, ce qui pousse des sections importantes du patronat canadien à vouloir développer des opportunités économiques en Chine.

Suivant l’essai réussi d’un missile balistique intercontinental (ICBM) de la Corée du Nord, le comité de rédaction du Globe s’en est pris une fois de plus à la Chine. Il a blâmé Beijing pour les actions de Pyongyang, puisqu’il évite de paralyser complètement l’économie de la Corée du Nord, puis s’est plaint que la Chine «semble voir cela comme une autre occasion d’essayer de réduire l’influence des États-Unis dans la région».

Cela ne pourrait être plus clair. Le Globe veut qu’Ottawa s’aligne encore plus directement sur l’offensive téméraire de Washington pour réaffirmer son hégémonie sur la région de l’Asie-Pacifique, offensive qui est la principale raison du discours nationaliste et réactionnaire de Pyongyang. Tout en faisant pression pour l’abandon des pourparlers de libre-échange avec Beijing, ce qu’exige maintenant le chef conservateur Andrew Sheer, le Globe fait campagne pour que le Canada soit encore plus catégorique dans son appui à l’offensive militaro-stratégique de Washington contre la Chine, qui est dotée de l’arme nucléaire.

Roger Jordan

Article paru en anglais, WSWS, le 27 juillet 2017



Articles Par : Roger Jordan

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