Des responsables pakistanais et européens accusent les Etats-Unis d’avoir fabriqué la dernière alerte au terrorisme

La semaine dernière, le quotidien britannique The Guardian publiait les commentaires de hauts responsables pakistanais et de responsables européens du renseignement disant que la dernière alerte au terrorisme avait des motivations politiques. Wajid Shamsul Hasan, l’ambassadeur du Pakistan en Grande-Bretagne, dit au Guardian que cette alerte avait été utilisée par les Etats-Unis afin de justifier une escalade de la guerre au Pakistan et en Afghanistan.

Ses déclarations faisaient suite à celles de certains hommes politiques européens rejetant l’affirmation de l’administration Obama qu’une attaque terroriste était imminente quelque part en Europe

Le 3 octobre, le ministère américain des Affaires étrangères avait fait une déclaration imprécise avertissant les citoyens américains en Europe de la menace d’attaques par des organisations liées à Al Qaïda. Elle ne mentionnait aucun pays en particulier et selon elle, il ne s’agissait là que d’« attaques terroristes potentielles ». La Grande-Bretagne, le Japon, la Suède et le Canada lancèrent rapidement des avertissements destinés à leurs propres citoyens leur demandant de prendre des précautions supplémentaires.

Un certain nombre de politiciens européens cependant, en Allemagne en particulier, se manifestèrent pour nier l’existence d’une menace imminente, entre autres Viviane Reding, la Commissaire européenne à la Justice et le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière.

Wajid Shamsul Hasan est un proche du président pakistanais Asif Zardari. Il dit au Guardian que malgré l’alerte lancée par les Etats-Unis et leur mise en garde contre de possibles complots commandités par Al Qaïda – dont le but serait d’attaquer des monuments célèbres dans les villes d’Europe occidentale – le gouvernement pakistanais n’avait reçu à leur sujet aucune information précise. « Si les Américains ont des informations concrètes à propos des terroristes et des gens d’Al Qaïda, ils devraient nous les donner et nous pourrions nous en occuper nous-mêmes », dit il.

« De telles déclarations [de la part des Etats-Unis] sont un mélange de frustrations, d’incompétence et de manque d’appréciation de la réalité sur le terrain. Toute tentative de violer la souveraineté du Pakistan n’apporterait pas la stabilité en Afghanistan, ce qui est, je suppose, le principal objectif des forces américaines et de celles de l’OTAN ».

Les commentaires de Hasan expriment la préoccupation du gouvernement pakistanais quant au fait que les actions militaires aveugles des Etats-Unis – parmi lesquelles l’utilisation d’hélicoptères et de ‘drones’ au Pakistan – vont provoquer une opposition de masse dans le pays. Le régime Zardari sait que toute escalade des opérations militaires au Pakistan minera un peu plus le gouvernement pakistanais. Celui-ci est complice des innombrables crimes de guerre commis par Washington. Les attaques par drones et par hélicoptères ont « mis le feu au pays » dit Hasan. « Pourquoi font-ils tellement pression sur nous ? C’est une menace contre le système démocratique… Mais les gens au Pakistan ont le sentiment que Washington s’en fiche ».

Hasan avertit de ce que des attaques militaires futures de la part des Etats Unis pourraient déclencher des représailles dont les citoyens américains au Pakistan pourraient être la cible. « Le gouvernement ne veut pas prendre ce chemin », dit il. « Mais les gens se sentent dupés. S’ils [les Américains] tuent encore quelqu’un, ils réagiront. On dit qu’il y a 3.000 membres du personnel des Etats-Unis au Pakistan. Ils feraient des cibles faciles. »

Parmi de telles cibles pourrait se trouver le personnel américain de la base aérienne pakistanaise de Jacobalad. Cette base se situe sur la frontière entre les provinces du Sind et du Baloutchistan et est utilisée par l’armée américaine comme base permanente depuis le 11 septembre 2001. Jacobalad est la base où se trouvent les forces de la CIA et c’est là aussi que se trouvent les hangars d’où sont lancés les drones.

Les attaques par drones ont été fortement intensifiées depuis l’arrivée au gouvernement de Barak Obama. Au cours de la première année de son gouvernement, les attaques de drones ont coûté la vie à plus de 700 civils pakistanais. Le lundi 4 octobre, quatre citoyens allemands furent tués lors d’une telle attaque près de la frontière afghane, au Nord-Waziristan. Des responsables pakistanais de la sécurité ont dit que huit personnes avaient été tuées en tout dans cette attaque.

Le mercredi 6 octobre, la BBC avait rapporté que « cinq militants présumés [avaient été] tués lors d’une attaque par drone dans le nord-est du Pakistan ». La BBC dit aussi que les Etats-Unis « avaient jusqu’à présent réalisé 27 attaques par drones dans cette région depuis le début du mois de septembre. » Ce genre de frappe a commencé en juin 2004 et le gouvernement pakistanais avait alors donné son feu vert.

Le Guardian a cité un autre diplomate pakistanais qui déclarait lui que les opérations avec des ‘drones’ échappaient à présent au contrôle du Pakistan. Il dit à ce journal : « Nous l’avons toujours nié dans le passé. Mais chacun sait que cela se passe. Nous devons nous réveiller ».

L’article déjà cité et paru dans le Guardian du 7 octobre mentionnait aussi des commentaires fait par des responsables des services de renseignements européens et niant plus ou moins l’affirmation par Washington d’un complot coordonné et préparé pour attaquer des emplacements en vue en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne. Le Guardian écrit : « Ils [les responsables de services de renseignements européens] ont dit que Washington était ‘le moteur’ derrière l’affirmation d’une série de complots ‘style commando’ et que la CIA – peut-être parce qu’elle s’inquiétait de ce que cela attirait de façon inopportune l’attention sur ses attaques de drones – a elle aussi été extrêmement irritée de la publicité qui leur fut donnée ».

Un autre responsable dit au quotidien britannique « donner de la cohérence [aux affirmations de complot terroriste] dans un récit homogène n’a pas de sens ».

Le même article citait un « responsable du contre-terrorisme » qui rejetait l’hystérie nourrie à propos du citoyen britannique Abdul Jabbar depuis que ce dernier avait été tué au Pakistan. Jabbar et d’autres furent tués le 8 septembre au Nord-Waziristan lors d’une attaque par un drone américain. Cet habitant de Birmingham se serait vanté de vouloir apporter la guerre sainte en Grande-Bretagne en recrutant des centaines de terroristes dans un nouveau groupe, l’‘Armée Islamique de Grande-Bretagne’.

Selon un compte-rendu des événements fait par le gouvernement pakistanais, Jabbar avait été pris pour cible et tué après qu’on l’eût entendu dire dans une réunion d’environ 300 personnes près de Miranshah au Pakistan, qu’il voulait attaquer le Royaume-Uni. Les services de renseignements pakistanais ont informé le gouvernement du Royaume-Uni de l’endroit où se trouvait Jabbar et les autorités britanniques en ont ensuite informé les Etats-Unis. Mais le Guardian cite un représentant du gouvernement britannique qui dit de ce plan d’attaque supposé du Royaume-Uni, « Nous n’y avons pas attaché trop d’importance ». Un « responsable du contre-terrorisme », cité dans le même article, dit qu’il n’existait « aucune confirmation » des affirmations de Jabbar.

Toujours dans ce même article du Guardian, un responsable des renseignement est cité, disant, « On a des discussions sur toutes sortes de choses – ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il y a quoi que ce soit de concret. Fonder des groupes n’est pas facile ».

Deux jours plus tôt, le Sun, un autre quotidien britannique, avait cité une source des services de sécurité du Royaume-Uni déclarant que Jabbar « se croyait beaucoup plus important qu’il ne l’était en réalité. Et sa vantardise lui a coûté la vie. Une figure réellement dirigeante d’Al Qaïda n’aurait pas fait une erreur aussi idiote ».

Article original, WSWS, publié le 9 octobre 2010



Articles Par : Robert Stevens

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