Dettes souveraines : la résolution de l’ONU transcrite dans la Loi argentine

La résolution de l’ONU concernant la protection des dettes souveraines vient d’être transcrite dans la Loi argentine, et promulguée par le décret 235. Cette résolution adoptée par l’ONU, le 10 septembre dernier, est une grande avancée en matière de régulation financière et de respect de la souveraineté des Etats. L’Argentine en a été à l’initiative, ce que l’opposition, entre les deux tours des élections présidentielles, semble oublier.
Adoptée avec l’aval de136 pays, 40 abstentions et 6 votes négatifs dont les Etats-Unis, qui abritent les fameux Fonds Vautours, cette résolution de l’ONU est à considérer au-delà du cas de l’Argentine, même si ce pays en a été l’initiateur ; ce fut « un triomphe pour les peuples » pour reprendre les propos de la présidente argentine Cristina Kirchner .
Elle légitime le droit des pays de mettre en place une restructuration de dettes qui leur permette de retrouver la croissance et garantisse aux investisseurs de bonne foi de ne pas être affectés par les actions prédatrices du système financier.
On ne s’étonnera donc pas que l’Argentine fut le premier pays à suivre la recommandation de l’ONU de transcrire cette résolution dans son corpus législatif, même en période électorale, car c’est une avancée de poids à mettre au bilan du gouvernement en place. Une reconnaissance internationale de la voie choisie par l’Argentine, malgré les dires des détracteurs de l’opposition qui, entre les deux tours, se sentent pousser des ailes.
En neuf points son premier principe rappelle : un Etat souverain a le droit, dans l’exercice de sa gestion d’élaborer ses politiques macro-économiques, y compris la restructuration de sa dette souveraine , droit qui ne doit pas être empêché par des mesures abusives. (Lire ONU et Dette souveraine : Une loi anti « Fonds Vautours » bientôt en Argentine).
La mise en place d’opération de restructuration de dette souveraine de façon sereine est devenue compliquée : L’absence de règles internationales pour régir les effets nocifs d’une crise de dette souveraine, les actions prédatrices du système financier ou de certains de ses membres, des décisions parfois contradictoires de certains tribunaux comme dans le cas des tribunaux étasuniens en faveur des Fonds Vautours contre l’Argentine ou ses créanciers… s’avèrent un repoussoir pour tout créancier prêt à participer à une future opération de ce type, rendant incertain l’accord qu’ils avaient accepté de bonne foi.
La résolution ainsi transcrite dans la loi argentine exige aussi « l’impartialité » de toutes les institutions et intermédiaires impliqués dans l’opération, « y compris au niveau régional », qui doivent s’abstenir d’exercer une influence déplacée dans le processus ou de mener des actions générant des conflits d’intérêts ou de la corruption.
De même, les Etats ne doivent pas arbitrairement discriminer les créanciers, à moins que la différence de traitement soit justifiée, conforme au droit, raisonnable , répondant aux règles du crédit, garantisse l’égalité et soit examinée par tous les créanciers. Bonne foi, durabilité des accords, transparence, impartialité des parties, respect des immunités souveraines, et traitement équitable entre les créanciers en sont les lignes directrices.
En clair, les prédateurs ne pourront plus profiter de l’absence de cadre international. Avec cette résolution, Etats et créanciers ont des obligations mais aussi des droits, étant essentiel que les pays puissent restructurer leur dette souveraine sans mettre en danger la sécurité politique, sociale ou leur souveraineté et sans obérer leur avenir.
Pour mémoire, l’Argentine a souffert de plus de 200 embargos dans le monde entier, initiés par les Fonds Vautours. Les électeurs argentins se rendant aux urnes le 22 novembre prochain devraient avoir à l’esprit que leur pays fut à l’initiative d’une grande avancée en matière de régulation financière et de respect de la souveraineté des Etats , donc de la liberté des peuples.
Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo de la diaspora latinoamericaine
El Correo de la diaspora latinoamericaine, Paris, le 12 novembre 2015
Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune.
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