Deux fois plus de porte-avions américains près du golfe Persique

L’administration Obama a accrue la menace de faire usage de force militaire contre l’Iran en doublant le nombre de ses porte-avions patrouillant dans cette région. Cette provocation augmente le danger de guerre dans le golfe Persique, au moment même où les États-Unis tentent agressivement d’imposer un embargo sur les exportations de pétrole iranien.

Le porte-avion USS Carl Vinson, soutenu par un croiseur et un contre-torpilleur, a fait son arrivée dans la mer d’Arabie cette semaine pour rejoindre l’USS John Stennis. Un troisième porte-avion, l’USS Abraham Lincoln, se dirige aussi dans la région après avoir fait escale en Thaïlande mardi.

Des porte-parole de l’armée américaine ont minimisé l’importance de ce déploiement en le qualifiant de « routinier », et en ajoutant que l’USS John Stennis devrait se diriger vers les États-Unis. Cependant, le Pentagone a discrètement décidé de maintenir deux porte-avions dans la région plutôt qu’un seul, sans côté le fait que pendant que la période du changement, le Pentagone aura trois porte-avions sur place ce qui augmentera considérablement sa capacité à mener une guerre aérienne et navale contre l’Iran.

Le New York Times a rapporté jeudi que l’administration Obama a agi de manière inhabituelle en avertissant directement l’Iran, par une voie diplomatique secrète, que toute tentative de bloquer le détroit d’Ormuz serait vue comme une transgression inacceptable, laissant entendre qu’une réplique militaire massive en résulterait. Téhéran a menacé de fermer cette voie navigable, par laquelle transite quotidiennement un cinquième des échanges mondiaux de pétrole, si les États-Unis et ses alliés bloquaient les exportations pétrolières iraniennes.

Aux actions menaçantes de l’administration Obama contre Téhéran s’ajoute une campagne, dans les médias américains et internationaux, qui vise de plus en plus à vilipender le régime iranien et à créer le climat propice à la guerre. Une série incessante d’éditoriaux et de commentaires légitiment les affirmations non prouvées que l’Iran développerait des armes nucléaires, et présentent le régime iranien comme étant agressif, provocateur et une menace à la paix dans la région.

En réalité, cette description s’applique plus justement à l’administration Obama qui, à tout le moins, approuve sans réserve la guerre secrète d’assassinat et de sabotage menée à l’intérieur de l’Iran. La dernière victime de ces attaques a été le scientifique nucléaire iranien, Mostafa Ahmadi Roshan, qui a été tué dans une explosion mercredi, une opération qui porte tous les traits de l’agence du renseignement israélien : le Mossad.

Des milliers de personnes ont pris part hier à des funérailles publiques à Téhéran pour Roshan, dénonçant avec colère l’assassinat. Le chef suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, a accusé les États-Unis et Israël d’avoir organisé ce « lâche assassinat » et a juré de punir les responsables.

Que les États-Unis aient démenti, comme l’on pouvait s’y attendre, être impliqués dans cette affaire contraste fortement avec ce qui se discute dans les milieux officiels et les médias américains, où l’on considère légitimes ces actes de terrorisme et où l’on débat de l’efficacité de cette guerre secrète. Au cours des deux dernières années, trois autres scientifiques nucléaires iraniens ont été tués, une série inexpliquée de bombardements s’est produite dans des installations militaires et un virus informatique a été utilisé pour causer des dégâts à des installations nucléaires de l’Iran.

Qu’elles aient réussi ou non à retarder le programme nucléaire iranien, ces activités criminelles semblent constituer des provocations qui viseraient intentionnellement à provoquer une réplique de la part de Téhéran, qui pourrait ensuite être utilisé pour attiser davantage les tensions dans le golfe Persique ou servir de prétexte pour une guerre.

Les mesures économiques punitives de l’administration Obama contre l’Iran constituent elles aussi des actes délibérés d’agression. Le 31 décembre, le président Obama a apposé sa signature sur une loi imposant des pénalités aux sociétés étrangères qui feraient affaire avec la banque centrale iranienne. Cette sanction des États-Unis, qui ne dispose même pas de la feuille de vigne d’une approbation de l’ONU, signifie que Washington peut punir certaines entreprises qui mèneraient des affaires normales et tout à fait légales.

Durant les deux dernières semaines, des représentants des États-Unis se sont servis de cette menace pour forcer des entreprises, des banques et des gouvernements étrangers à accéder aux demandes de Washington. Le secrétaire du Trésor américain, Timothy Geithner, s’est rendu au Japon et en Chine cette semaine pour exiger qu’ils réduisent leurs importations de pétrole iranien. Jeudi, un haut représentant de l’administration Obama a dit au New York Times, « Nous tentons en effet de faire fermer la Banque centrale d’Iran. »

Et cette loi des États-Unis a déjà des conséquences. Selon le Financial Times, les raffineries européennes commencent à réduire leurs achats de pétrole iranien sur le marché au comptant, et continuent pour l’instant à acheter selon leurs contrats à long terme. L’Union européenne devrait décider plus tard ce mois-ci si elle impose un embargo sur les importations iraniennes. Menacées d’être exclues du système financier américain, les banques européennes réduisent elles aussi leurs échanges financiers avec l’Iran.

Pour bien faire comprendre leur menace, les États-Unis ont annoncé jeudi l’imposition de sanctions contre trois sociétés pétrolières : la Zhuhai Zhenrong Corporation, société d’État chinoise, la Kuo Oil Pte Ltd de Singapour et la FAL Oil Company Ltd, un commerçant indépendant des Émirats arabes unis. Ces sociétés ne pourront plus recevoir de permis d’exportation des États-Unis, de financement de la banque américaine d’import-export ou de prêts de plus de 10 millions de dollars des institutions financières américaines.

Il ne fait pas de doute que la principale cible de ces sanctions est la Zhuhai Zhenrong, une grande société chinoise qui, en plus d’acheter du pétrole iranien, vend des produits raffinés du pétrole à ce pays. N’ayant qu’une faible capacité de raffinage, l’Iran dépend de 30 à 40 pour cent d’importations pour son essence.

Bien qu’il soit peu probable que Zhuhai Zhenrong soit lourdement affectée par les sanctions américaines, d’autres grandes sociétés pétrolières comme China National Petroleum Corp (CNPC), China Petroleum and Chemical Corp (Sinopec) et China National Offshore Oil Corp (CNOOC), possèdent des milliards de dollars investis dans le secteur américain de l’énergie et sont donc très vulnérables.

La Chine refuse d’appuyer d’autres sanctions de l’ONU contre l’Iran et a repoussé les demandes américaines pour qu’elle réduise ses importations de pétrole iranien. Les sanctions contre Zhubai Zhenrong visent à faire pression sur Pékin pour qu’elle rentre dans le rang. L’analyste Derek Scissors de la Heritage Foundation aux États-Unis a dit à l’agence Reuters : « Nous ne voulons pas nous en prendre à Sinopec, CNPC ou CNOOC. Elles sont énormes et puissantes politiquement. Mais Zhenrong est suffisamment proche d’elles, et ne peut réellement causer de tort au-delà d’un avertissement. »

Que la Chine soit prise pour cible souligne l’objectif qui sous-tend toute la campagne d’agression de l’administration Obama contre l’Iran : assurer la domination économique et politique des États-Unis au Moyen-Orient et, ainsi, leur contrôle sur les réserves énergétiques vitales de leurs rivaux européens et asiatiques. Son intervention téméraire dans le golfe Persique risque de provoquer une nouvelle guerre dangereuse pouvant impliquer toute la région et les grandes puissances.

Article original, WSWS, paru le 14 janvier 2012.



Articles Par : Peter Symonds

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