Discrètes reconnaissances en Somalie

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« Si des nids terroristes devaient être trouvés en Somalie, déclarait au début du mois le ministre italien de la Défense, on peut supposer qu’il y aura des activités militaires. » Des déclarations au conditionnel, quelques informations de presse, de minces fuites : tout laisse penser que la Somalie pourrait être le prochain théâtre des opérations militaires américaines, après que l’Emirat islamique d’Afghanistan du mollah Omar se fut effondré sans beaucoup de combats. Cela fait près d’un mois que ce territoire anarchique de la Corne de l’Afrique est régulièrement mentionné comme étant l’une des futures cibles potentielles de l’armée américaine, dans sa lutte contre la nébuleuse terroriste d’Oussama ben Laden engagée après le 11 septembre.

Hypothèses sur la « phase deux »

Déjà, fin novembre, le ministère britannique de la Défense laissait entendre qu’on ne pouvait « écarter aucune possibilité », après que le Sunday Times se fut fait l’écho de préparatifs militaires contre le Yémen, le Soudan et la Somalie. « Mais nous nous concentrons actuellement sur l’Afghanistan et nous n’avons aucun autre projet », avait ajouté un porte-parole, reprenant à son compte la rhétorique qui prévaut depuis que la Somalie est scrutée d’un peu plus près par les médias occidentaux. Le cauchemar des Marines

Ce pays misérable, morcelé en territoires contrôlés par des chefs de guerre, en proie au sécessionnisme de quelques provinces et à une impossible transition politique, est à la fois un refuge idéal pour les parias de la planète, un tentacule privilégié des réseaux islamistes clandestins et un douloureux souvenir pour les Etats-Unis. Participant à une mission de stabilisation politique de l’ONU en 1992-1993, 28.000 soldats américains avaient en réalité participé à un désastre militaire et diplomatique, les cadavres dénudés de quelques Marines ayant même été traîné dans la poussière, devant des caméras de télévision. Depuis, il a été avéré que les réseaux embryonnaires de ce qui n’était pas encore al-Qaïda avaient prêté main-forte à cette macabre humiliation.

Une chose est sûre : à la lecture des déclarations des officiels américains et britanniques depuis le déclenchement de la guerre d’Afghanistan, le 7 octobre, une « phase deux » est certainement en préparation. « Bien entendu, nous allons consulter nos partenaires au sein de la coalition au fur et à mesure que nous avançons, a ainsi déclaré mardi le secrétaire d’Etat américain Colin Powell lors d’une conférence de presse à Downing Street au côté du Premier ministre britannique Tony Blair. Nous sommes tous des alliés dans cette campagne », a-t-il ajouté, en soulignant que « le président Bush n’avait toujours pas pris de décision » sur la prochaine phase des opérations militaires.

Contacts secrets

Même si le Yémen et l’Irak ont été abondamment cités comme faisant partie des Etats-refuges de la légion terroriste d’Oussama ben Laden, la Somalie semble le pays le plus étroitement surveillé. Il faut dire que les informations en provenance de ce pays plongé dans le chaos depuis plus de dix ans ont de quoi éveiller les soupçons : vols de reconnaissance par l’US Air Force, patrouilles de bâtiments de guerre de l’US Navy dans la région, missions d’espionnage ou « consultations techniques » avec des chefs tribaux, les activités semi-clandestines des Etats-Unis sont désormais notoires, parfois même officiellement annoncées. Cinq officiers américains ont ainsi pris contact avec un mouvement rebelle à Baidoa, à 240 kilomètres à l’ouest de Mogadiscio, dans le but de rechercher des camps terroristes, révélait dimanche dernier le Daily Telegraph. Ces hommes ont rencontré les chefs de la Rahanwein Resistance Army (RRA) et visité un aéroport et plusieurs campements militaires, dans le but d’identifier les camps d’entraînement d’al-Qaïda en Somalie et de, peut-être, prendre les marques des US Marines ou de la Delta Force. La semaine dernière à Nairobi, le sous-secrétaire américain aux Affaires africaines, Walter Kansteiner, a estimé que le pays pourrait offrir un « environnement confortable à des groupes terroristes ». Toutefois, il a écarté la possibilité d’un déplacement prochain de la guerre anti-terroriste américaine vers la Somalie, estimant que son pays devait d’abord « apprendre davantage, connaître davantage, découvrir davantage ».

L’oeil de la CIA

Même si le président somalien, dont l’autorité ne s’exerce que sur quelques quartiers de Mogadiscio, affirme qu’il n’existe pas de bases terroristes en Somalie, ses exhortations n’ont guère d’effets. Car, alors qu’elle n’abrite plus ni ambassade, ni bureau de l’ONU, l’administration Bush a déjà frappé la Somalie, en bloquant début novembre le réseau bancaire al-Barakaat, dont les connivences avec la galaxie ben Laden a été démontrée. De même, la CIA et le département d’Etat surveillent le mouvement sectaire Al-Itihaad al-Islamiya (Unité de l’Islam), dont les centres de formation proches de Bossasso ou de Ras Komboni ressemblent fortement à des camps d’entraînement d’al-Qaïda. L’hebdomadaire britannique The Observer, citant des sources au Pentagone, a même affirmé que les ONG présentes sur le territoire somalien auraient été averties par le département d’Etat de se préparer à une évacuation.



Articles Par : Léonard Vincent

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