Donald Trump franchit les lignes rouges de la Chine en Afghanistan, alors qu’Obama a traversé celles de la Russie en Syrie et en Ukraine

Dans les discussions sur les rôles que jouent les pays dans le nouveau monde multipolaire, on dit souvent que la Russie fournit la substance géopolitique alors que la Chine fournit le moteur économique d’un monde où les États-Unis ne sont plus un hégémon singulier.

Alors que l’économie de la Russie passe de la résilience à la croissance et que la Chine est de plus en plus impliquée dans les affaires mondiales depuis l’annonce des Routes de la soie [One Belt-One Road] en 2013, il devient clair que la Chine a beaucoup à dire au sujet du vaste environnement géostratégique.

Au cours des trois dernières années, les États-Unis ont franchi plusieurs lignes rouges géostratégiques pour la Russie. D’abord il y a eu le coup d’État fasciste à Kiev, qui s’est produit en février 2014. En même temps que le coup, porté par les États-Unis, amenait au pouvoir un régime profondément russophobe, dans un pays qui, depuis des siècles, était une partie intégrante de la Russie et qui depuis 1991 était, pour cette dernière, une nation fraternelle, l’Amérique était occupée à armer et à financer des terroristes salafistes en Syrie, un pays où la Russie possède une base navale – à Tartous – depuis 1971, un an après que Hafez al-Assad est devenu président.

La Russie n’allait pas rester les bras croisés alors que les États-Unis allaient un pont trop loin. La réponse a pris deux formes : d’abord, la reconnaissance immédiate du référendum en Crimée, signant le retour de celle-ci dans le giron de la Russie, et ensuite, en septembre 2015, l’appui militaire russe au gouvernement syrien dans sa lutte contre le terrorisme.

Pour ce qui concerne la Chine, Donald Trump a franchi rapidement autant de lignes rouges durant ses premiers mois à la Maison Blanche que l’a fait Obama face à la Russie pendant son deuxième mandat.

Des bruits de bottes de Trump menaçant la Corée du Nord aux violations répétées de la souveraineté maritime chinoise dans les mers de Chine du Sud et de l’Est, en passant par les manifestations publiques d’une amitié croissante pour le Premier ministre Modi en Inde, la Chine n’est pas du tout satisfaite de Trump.

Maintenant, en menaçant la Chine d’une guerre commerciale et en accusant le Pakistan, allié de la Chine, d’être inepte et inutile en Afghanistan, tout en demandant à l’Inde de participer activement au conflit, la Chine pourrait avoir atteint un point d’ébullition semblable à celui de la Russie au sujet de la Syrie et de l’Ukraine.

La Chine a déjà précisé sa position en défendant les actions de son allié pakistanais et en avertissant à la fois Washington et New Delhi de ne pas prendre de mesures susceptibles de menacer les intérêts chinois dans la région.

La porte-parole de la ministre chinoise des Affaires étrangères, Hua Chunying, a déclaré que le Pakistan « a fait de grands sacrifices en contribuant à la lutte contre le terrorisme ».

Elle a ajouté : « La communauté internationale devrait reconnaître pleinement les efforts du Pakistan. »

Hua a enfin précisé :

« Donald Trump a parlé de relations étroites entre les États-Unis et l’Inde, nous sommes heureux de voir le développement de relations normales et amicales entre ces pays si ces relations ne nuisent pas aux intérêts d’autres pays et créent des conditions positives pour le développement régional. »

La signification de ce message est assez claire : n’utilisez pas l’Inde pour intervenir dans les intérêts régionaux de la Chine, à savoir sa coopération économique avec le Pakistan et d’autres efforts pour entamer la phase initiale des Routes de la soie en Asie du Sud.

Le corridor économique Chine-Pakistan est vital, Beijing et Islamabad le reconnaissent ouvertement. L’importance du Pakistan pour les Routes de la soie est telle qu’aucun pays ne peut tolérer de voir n’importe qui saboter ou interférer avec le processus.

Par conséquent, c’est l’intérêt commun de la Chine et du Pakistan de finaliser un processus provisoire de paix en Afghanistan aussi rapidement que possible. Cela signifie un processus de paix qui impliquerait un dialogue entre Kaboul et les Talibans.

Donald Trump a déclaré qu’à un certain moment, les Talibans pouvaient entrer dans un processus de paix mené par les États-Unis, mais pas avant que les troupes américaines ne redoublent d’efforts dans leur lutte contre les talibans, un combat que les dirigeants talibans ont promis à l’Amérique de gagner. En d’autres termes, l’action de Trump est à peine digne du nom de stratégie, tout comme on pourrait en dire autant de ses deux prédécesseurs immédiats à la Maison-Blanche.

Les États-Unis ont continuellement harcelé la Chine de tous côtés, tout au long de sa voie commerciale des Routes de la Soie. En invitant ardemment l’Inde à s’impliquer plus profondément en Afghanistan, critiquant en même temps le Pakistan en termes très définitifs, Donald Trump a peut-être seulement fait juste ce qu’il fallait pour conduire la Chine à faire, en Asie du Sud, ce que la Russie a fait en Syrie – défendre un allié et tracer une ligne ferme dans le sable contre l’expansionnisme américain et l’ingérence géopolitique.

Adam Garrie

 

Article original en anglais :

Donald Trump Crosses China’s Red Line in Afghanistan Just as Obama Crossed Russia’s in Syria and Ukraine

Oriental Review, 30 août 2017

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone



Articles Par : Adam Garrie

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