Du matériel accablant concernant la torture et les guerres secrètes a disparu
Le Gouvernement empêche-t-il le travail de la commission d’enquête sur le cas «Kurnaz»?
Au soir du 25 juin, les émissions d’information ont rendu public qu’un robot de sauvegarde de données avait détruit tous les rapports secrets adressés au Gouvernement fédéral allemand au cours des années 1999 à 2003. Entre autres il s’agissait de rapports des services de renseignements allemands BND, des services de défense militaire MAD, des attachés militaires à l’étranger ainsi que d’informations des services secrets étrangers. Des informations venant des régions d’Afghanistan et du Kosovo étaient particulièrement concernées.
Le secrétaire à la Défense nationale, Peter Wichert a écrit au comité de la Défense nationale du Bundestag, le destinataire de ces rapports, ce qui suit: «Après avoir classé les informations, le robot de sauvegarde des données a subi un défaut technique, suite auquel il a fallu le remplacer, fin 2004, par un appareil d’échange. Lors de la tentative de transférer les données sauvegardées sur le nouvel appareil, l’équipe technique (…) a constaté qu’une partie des cassettes à bobines n’étaient plus lisibles pour le robot de sauvegarde des données.» Et Wichert de continuer: «Suite aux directives en vigueur concernant le traitement d’informations secrètes, les cassettes illisibles ont été détruites le 4 juillet 2005.»
La perte des données concernerait «essentiellement les données relevées au cours des années 1999 à 2003, dans les régions d’engagement».
En novembre 2006 encore, Hans-Christian Ströbele, député écologiste au Bundestag, avait encore obtenu des renseignements concernant les domaines mentionnés. A l’époque, personne n’avait mentionné une perte de données. (cf. «Neue Presse» du 25 juin)
Des experts spécialisés dans le domaine de la sauvegarde de données ont exprimé leur incrédulité face à cette affaire. Ils ne croient pas à la possibilité que ces données aient pu disparaître. D’abord il est usuel de mettre en mémoire des données de manière multiple et ensuite il est possible de récupérer des données «perdues» dans presque tous les cas. Que s’était-il passé? (cf. «Süddeutsche Zeitung» du 26 juin)
Les documents «perdus» comprennent entre autres des données concernant le cas de Murat Kurnaz qui avait été déporté par l’armée américaine d’Afghanistan à Guantanamo et qui avait été torturé. Après les premières enquêtes, le soupçon s’est confirmé que Kurnaz avait été abandonné à son sort dans la prison de Guantanamo, et que l’actuel ministre des Affaires étrangères et chef de la chancellerie d’alors Frank-Walter Steinmeier le savait. Apparemment on craignait que l’entière dimension de la coopération illégale entre les «forces spéciales allemandes» KSK et l’armée des Etats-Unis en Afghanistan apparaisse au grand jour. C’est ainsi que les chefs des services secrets, August Hannig et Ernst Uhrlau, ainsi que Steinmeier personnellement ont dû déposer devant la commission d’enquête parlementaire.
Pendant plusieurs mois, le travail de cet organisme de contrôle parlementaire a été entravé: Des dossiers importants ont passé par des voies hiérarchiques avec une lenteur singulière jusqu’à ce qu’ils arrivent à la commission, des parties importantes manquaient ou des déclarations ont été refusées pour des raisons de sécurité. Il est plus qu’évident qu’il n’y avait aucun intérêt à éclairer les faits, mais une volonté d’empêcher leur éclaircissement. (cf. «Handelsblatt» du 2 mars)
Cette «perte de données» représente le point culminant de cet empêchement actif. Il est à peine possible de comprendre comment une telle «perte de données» ait pu avoir lieu sans supposer un acte arbitraire (cf. ci-dessous la plainte de l’avocat Fiand de Hambourg)
On peut réfléchir à haute voix sur les dessous de ce scandale: A-t-on fait disparaître les preuves d’affaires criminelles encore plus importantes? Le gouvernement allemand est-il encore beaucoup plus empêtré dans les bas-fonds de la torture exécutée par les milieux internationaux des militaires et des services secrets qu’on ne le pensait? Le gouvernement a-t-il dissimulé encore d’autres affaires illégales?
Le comportement que montrent actuellement les autorités soumises au gouvernement franchit le seuil qui fait la différence entre une démocratie et un état despotique. Ce n’est pas sans raison que les députés ont le devoir de contrôler le gouvernement. Et c’est ce qu’on empêche de toute évidence activement depuis un certain temps.
Plainte pour soupçon de suppression de documents
Au ministère public de Berlin
Mesdames, Messieurs,
Je porte plainte pour soupçon de suppression de documents, selon l’art. 274 du code pénal, sollicitant le Ministère public de considérer ce qui suit:
Dans les colonnes du Spiegel online du 25 juin 2007, il a été publié ce qui suit:
Panne de données
La Bundeswehr a détruit les rapports secrets de ses interventions à l’étranger – l’avocat de M. Kurnaz en est préoccupé.
Il s’agirait d’une perte de données explosive, à dimensions gigantesques: Selon les informations de l’ARD (chaîne de télévision allemande) la Bundeswehr aurait détruit la totalité des rapports secrets de quatre années d’interventions à l’étranger. Justification: une «panne technique». Des données importantes concernant le cas Kurnaz seraient aussi définitivement perdues.
Des données secrètes, issues d’interventions à l’étranger quatre ans durant – détruites, perdues, effacées à jamais? Selon une documentation diffusée par le magazine de l’ARD «Report Mainz», des rapports secrets de la Bundeswehr des années 1999 à 2003 ont été détruits, suite à une panne technique. Il s’agirait, selon cette source, des rapports de la BND (Bundesnachrichtendienst –services secrets allemands), des attachés militaires en place à l’étranger ainsi que d’informations issues de services secrets étrangers. Ces rapports aidaient la direction politique allemande à évaluer la situation dans les pays où la Bundeswehr est engagée, notamment le Kosovo et l’Afghanistan.
La Bundeswehr en Afghanistan: données perdues à jamais?
D’après les informations diffusées par l’ARD, le Ministère allemand de la Défense aurait avoué la grave panne devant le comité de Défense du Bundestag (parlement allemand). Un porte-parole du ministère a déclaré à l’agence de presse dpa (Deutsche Depeschenagentur) que l’incident était sujet à des délibérations parlementaires en cours qui n’étaient publiques. La présidente de la fraction des Verts, Mme Claudia Roth, estime que le recours à une «panne technique» est une «explication grotesque» et a exigé du Ministère une information prompte et complète.
La panne concernerait aussi le cas de l’ancien détenu de Guantanamo, M. Murat Kurnaz, voilà ce qui ressort des informations issues du ministère de la Défense. Le magazine se base sur une lettre du secrétaire au Ministère de la Défense, M. Peter Wichert, datée du 12 juin.
L’avocat de M. Kurnaz, Me Bernhard Docke, suppose qu’éventuellement la Bundeswehr vient de se débarrasser de documents à charge. Il a déclaré à l’agence de presse dpa qu’il craignait des conséquences désavantageuses pour le procès en cours mené par le Ministère public de Tübingen enquêtant sur d’éventuels sévices perpétrés par des hommes du Kommando Spezialkräfte (KSK, Commando de troupes spéciales) sur son client. Fin mai, le Ministère public a arrêté ses enquêtes contre les soldats, mais Me Docke veut exiger une suite à cette affaire.
Kurnaz accuse deux soldats de la KSK de l’avoir brutalisé, au cours du mois de janvier 2002, dans un camp de prisonniers américain, à Kandahar (Afghanistan). C’est pourquoi, l’année passée, le comité de la Défense du Bundestag, s’est transformé en comité d’enquête pour pouvoir s’exprimer sur ces accusations, et a exigé par la suite d’avoir à sa disposition tous les rapports existants de la Bundeswehr couvrant la période d’intérêt à Kandahar.
Mais sans succès – car Wichert a écrit au comité de la Défense: «Après avoir classé les informations, le robot de sauvegarde des données a subi un défaut technique, suite auquel il a fallu le remplacer, fin 2004, par un appareil d’échange. Lors de la tentative de transférer les données sauvegardées sur le nouvel appareil, l’équipe technique (…) a constaté qu’une partie des cassettes à bobines n’étaient plus lisibles pour le robot de sauvegarde des données.» Aucune tentative pour retrouver l’accès aux données n’aurait abouti.
«Suite aux directives en vigueur concernant le traitement d’informations secrètes, les cassettes illisibles ont été détruites le 4 juillet 2005.» Selon la lettre citée, la perte des données concernerait «essentiellement les données relevées au cours des années 1999 à 2003, dans les régions d’engagement».
Au cours de ce printemps déjà, on a appris, suite à des informations provenant des délibérations du comité d’enquête qui s’était réuni en secret, que des documents concernant justement l’intervention des troupes KSK au début 2002 à Kandahar avaient apparemment disparu. Le 24 mai, le comité du Bundestag a rendu effective une décision concernant les documents à preuve, contraignant le Ministère de mettre à disposition les documents sollicités.
Cette information, dont la fiabilité n’est mise en doute par personne, donne à soupçonner que les dates mentionnées n’ont pas disparu suite à un défaut technique mais plutôt que ceux qui étaient responsables de la sauvegarde de ces données les ont détruites dans une action préméditée ou ont donné l’ordre de les détruire dans le but de ne pas devoir les soumettre au comité d’enquête. Ce comité traite entre autre le cas de Murat Kurnaz. Afin de porter plainte, il avait demandé au Ministère de la Défense de mettre à sa disposition les documents qui semblent avoir disparus. Le comité part de l’idée que les documents mis à sa disposition sont incomplets. Les documents disparus confirment donc, avec une très grande probabilité, ce qu’on avait supposé depuis longtemps: qu’en effet la Bundeswehr ou, plus précisément, les soldats de l’unité d’élite allemande KSK, stationnée à Kandahar en Afghanistan, avaient la tâche, conjointement avec les forces américaines et dans le cadre de l’opération «Enduring Freedom», de surveiller le camp américain, dans lequel des prisonniers politiques, entre autres aussi Murat Kurnaz, ont été torturés. Ceci ne constituerait pas uniquement un scandale politique. Dans une perspective de droit pénal, la surveillance d’un tel camp correspond à la complicité à la torture. Afin que tout ceci ne soit pas connu les documents correspondants ont apparemment été détruits au Ministère de la Défense.
L’article 274 du code pénal prévoit la détention jusqu’à cinq ans ou une amende pour celui qui
1. détruit, endommage ou supprime un document qui ne lui appartient pas ou partiellement seulement, et ceci dans le but de causer des inconvénients à autrui;
2. efface, supprime, rend inutilisables ou manipule des données nécessaires pour le dépot d’une plainte (article 202 a, alinéa 2), dont il n’a pas le droit de disposer, ni en entier ni partiellement, et ceci dans le but de causer des inconvénients à autrui. …
3. … La tentative est poursuivie par la loi.
Je vous prie d’accuser réception de cette plainte et de m’informer du numéro de dossier que le processus portera.
Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Me Armin Fiand, avocat, Hambourg, 29 juin 2007
(Traduction Horizons et débats)
La plus grande affaire de corruption administrative
Mesdames et Messieurs les membres du Bundestag allemand,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Si les données récoltées par les services secrets allemands (BND) entre 1999–2003 ne sont véritablement plus disponibles, ce serait le signe qu ́il s’agit là de la plus grande affaire de corruption administrative depuis l’existence de la République fédérale allemande.
Car comme un grand nombre d’initiés devraient le savoir, il s’agit plutôt en dernier lieu de l’affaire Murat Kurnaz, ancien pauvre mais courageux détenu de Guantanamo, mais du fait que, grâce aux données, les gouvernements allemands sont au courant des informations suivantes:
• L’attentat du 11-septembre a été perpétré avec l’aide de certains petits groupes se trouvant à la pointe de certaines institutions états-uniennes.
• La prétendue «guerre contre le terrorisme» n’est rien d’autre qu’une sale tuerie d’après la devise qu’il faut attraper les petits et laisser filer les grosses têtes. Les dirigeants de la CIA savent très bien où se trouvent les terroristes principaux, le problème consiste à empêcher que les cadres moyens l’apprennent.
• La «guerre contre le terrorisme» est la tentative de l’administration américaine et de ses complices aux Etats-Unis comme à l’étranger d’essayer de canaliser à leurs souhaits la colère (justifiée) des Musulmans opprimés dans le monde entier tout en réprimant brutalement toute activité ne correspondant pas à leurs désirs.
• La «guerre contre le terrorisme» n’est rien d’autre que la tentative de miner nos démocraties – en se référant aux activités terroristes – pour mieux assouvir la rapacité criminelle des multinationales (aussi dans le secteur des médias!), des politiciens de pointe et des dirigeants d’autres institutions intéressées.
Vous avez certainement déjà entendu parler ou lu ces informations, notamment sur des blogs ou dans des journaux de groupes marginaux.
Moi, je les tiens d’anciennes grosses têtes frustrées des services de renseignements allemands et étrangers. Oui, vous avez bien compris: un représentant du «Bundesnachrichtendienst BND» en fait aussi partie.
Le scandale est donc de nature fondamentale: Si les données ne réapparaissent pas, il serait grand temps pour un certain nombre de messieurs d’être condamnés à de sévères peines de prison en commençant par MM. Hanning et Uhrlau. Mais où sont les tribunaux indépendants qui devraient se charger de l’affaire? Où sont les représentants de l’accusation? Où sont les médias qui devraient se jeter sur l’affaire? Où sont les personnalités connues honnêtes qui se prononcent publiquement et qui s’engagent à éclaircir cette affaire?
Nous sommes devenus un tas puant de complices corrompus, répugnants et minables dans notre lâcheté éternelle.
Christoph R. Hörstel, Hörstel Networks,
Government & Public Relations –
Business Consulting
(Traduction Horizons et débats)