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Du sang et du gaz : massacrer les Palestiniens pour mieux les voler
Par Pepe Escobar
Mondialisation.ca, 08 août 2014
rt.com
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Donc, Bibi a obtenu sa nouvelle guerre de marque. L’opération protection Edge, la super-production de nettoyage ethnique menée à Gaza avec l’attaque israélienne – pardon, avec les Forces de défense – était le souhait obsessionnel du Premier ministre israélien Bibi Netanyahou.

 

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De grandes fumées s’échappent des bâtiments suite à une frappe aérienne israélienne, tandis qu’un projectile en arrière-plan est sur le point de frapper un autre quartier dans la ville de Gaza. – Photo : AFP/Jack Guez

Un résumé rapide est essentiel. Le Secrétaire d’État américain John « Mégaphone » Kerry effectuait un exercice fictif appelé « pourparlers de paix » entre Israël et la Palestine. Comme prévu, il a lamentablement échoué. Le Hamas et l’OLP ont alors formé un gouvernement d’union technocratique. Bibi comme c’était prévisible, était furieux.

Puis, deux Palestiniens – pas du Hamas – enlèvent trois colons israéliens adolescents qui faisaient de l’auto-stop la nuit, près d’Hébron. Un des auto-stoppeurs réussi à appeler la police avec un numéro d’urgence israélien sur son mobile. Les ravisseurs ont alors paniqué et descendu les auto-stoppeurs sur place, cachant ensuite les corps.

Puis, l’intégralité d’Israël a pété les plombs. Pendant trois semaines, des dizaines de milliers de soldats ont participé à des rafles [dans les territoires occupés]. Les médias ont littéralement immolé les Palestiniens sur un bûcher raciste.

Il y a eu toute une spéculation incontrôlable dans toute la rue arabe selon quoi tout cela était une provocation israélienne. Mais les soupçons cependant, semblent pointer sur la tribu Qawasmeh forte de 10000 membres dans la région d’Hébron – qui est connue historiquement pour s’opposer ouvertement au Hamas et attaquer les colons israéliens. Il y a aussi la possibilité que les ravisseurs aient voulu utiliser les auto-stoppeurs pour un échange avec des prisonniers palestiniens.

Bibi et le renseignement militaire du Shin Bet savaient depuis le début que les trois colons étaient morts – et qui était le responsable. Mais Bibi ne pouvait tout simplement pas laisser passer l’occasion d’utiliser l’incident – pendant la soit-disant recherche frénétique longue de trois semaines – comme une occasion en or pour s’en prendre au Hamas en Cisjordanie comme à Gaza, une opération totalement téléguidée à l’avance.

Mardi dernier, l’armée israélienne a concrétisé tout cela : « L’échelon politique nous a commandé de frapper le Hamas durement ». Et en parfaite novlangue, l’opération a été qualifiée de « guerre juste » (L’arrière-plan détaillé du conflit peut être consulté ici.)

Ce que veut Israël ? Tout…

Les chiffres ne rendent pas justice du carnage épouvantable. Le lundi, sur le nord de la bande de Gaza, après qu’Israël ait averti les résidents de quitter la région pour éviter des frappes aériennes, au moins 167 personnes ont été massacrées – dont une majorité de femmes, enfants et personnes âgées, par une trentaine de missiles israéliens – et plus de 1000 personnes ont été blessés [chiffres du 14 juillet – N.dT]. Deux cents maisons, des installations non militaires, ont été totalement détruites et plus de 1500 maisons partiellement endommagées.

Comparez-le au zéro décès en Israël. Un porte-parole de l’armée israélienne se vantait horriblement du fait que Gaza – un bidonville de facto camp de concentration – a été bombardé tous les 4 minutes et demi.

Chaque roquette artisanale tirée par les Palestiniens a coûté moins de 1000 dollars US, alors qu’un seul missile israélienIron Dome censé les intercepter coûte jusqu’à 100 000 dollars US (sans compter les systèmes de lancement et de contrôle). En plus de cela, depuis jeudi une invasion terrestre a été présentée comme « imminente ».

Comment Bibi s’en tire avec tout cela ? La rue arabe – et la plupart des pays du Sud – savent bien quel est le rôle de l’Amérique au Moyen-Orient. Mais ce que la plupart des gens ne savent pas, c’est qu’il y a 1,4 milliard de cubic feet de gaz naturel, d’une valeur d’au moins 4 milliards de dollars, découvert il y a 14 ans au large de la côte de Gaza.

Il est facile d’oublier que, au moment de l’invasion précédente de Gaza par Israël – l’Opération Plomb Durci l’hiver 2008/2009 – des champs de gaz en Palestine avaient été purement et simplement confisqués par Israël. Cette « opération » était déjà une guerre de l’énergie, comme Nafeez Ahmed l’a analysé ici.

Ensuite, il y a le Jack pot – 122 milliards de cubic feet de gaz ainsi que les potentiels 1,6 milliard de barils de pétrole dans le bassin du Levant sur les eaux territoriales d’Israël, de la Syrie, du Liban, de Chypre et – bien sûr – de Gaza. Ces eaux sont aussi explosives et contestées que des roches et des bancs de sable dans la mer de Chine du Sud. Inutile de dire que Tel Aviv veut tout accaparer.

Et pour compléter le tableau, Israël fait face à un prochain cauchemar de sécurité énergétique, détaillé ici.

Même Tony Blair, le Fantôme de l’Opéra, est impliqué. Comme le (pas) envoyé du Quartette pour le Proche-Orient, Tony Blair est venu avec l’idée géniale d’un « développement » des champs de gaz de Gaza via un accord entre la British Gas et l’Autorité palestinienne, excluant totalement le Hamas et la population de Gaza.

La façon dont Gaza est maintenu comme un camp de concentration, soumis à une punition collective non-stop, est déjà en soi révoltant. Mais il faut y ajouter la composante clé économique : par tous les moyens possibles, les Gazaouis doivent être empêchés d’accéder au champs de gaz Marine-1 et Marine-2. Ceux-ci seront englouties par Israël. Sous tous les angles, et à toutes fins pratiques, Israël règne sur toutes les ressources naturelles palestiniennes – la terre, l’eau et l’énergie.

Alors, voici le « secret » de l’opération Protection des sionistes, pardon, Protection Edge : sans briser le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, Israël ne peut pas forer au large de la côte de Gaza. Pour Bibi ainsi que pour la Knesset, la possibilité que les Palestiniens puissent avoir accès à leur propre richesse générée par le gaz est une ligne rouge absolue.

Et l’Union européenne est aussi dans le coup. Personne à Bruxelles ne voudra l’admettre, mais il est facile d’imaginer des « stratèges » réfléchissant à cette prise de contrôle des champs de gaz palestiniens, laquelle ouvrirait la possibilité pour l’UE d’être moins dépendante de Gazprom, en devenant un important importateur de gaz vendu par les Israélien après avoir été volé aux Palestiniens.

La novlangue d’Israël ne dit pas grand-chose de nouveau. Après tout, ils sont passés maîtres dans l’art de ne tromper personne si ce n’est eux-mêmes. Comme Michael Klare l’a brillamment détaillé, la nouvelle guerre de punition collective infligée à Gaza est avant tout une guerre sanglante pour accaparer l’énergie du gaz.

Pepe Escobar

Article original :
http://rt.com/op-edge/172524-bibi-p…,, Russia Today, 4 juillet 2014

Traduction : Al-Mukhtar, Info-Palestine.eu 

Pepe Escobar est journaliste et l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007) et Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge. Son dernier livre vient de sortir ; il a pour titre : Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009).

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