Duperie sur la photo d’Omran

En regardant la photo de cet enfant blessé par des éclats d’obus, Tim Anderson pose la question essentielle : « Qui l’a prise ? »

C’est ce même groupe de djihadistes d’Alep qui avait décapité en public un gamin palestinien de 10 an, Abdallah Issa [1] qui, s’est servi de la photo de l’enfant Omran Daqneesh, 4 ans [2], pour faire quelques jours plus tard appel à une aide humanitaire générale.

Les gangs armés soutenus par l’Occident ont tenté d’imputer les blessures d’Omran aux raids aériens de l’Etat syrien et des Russes. Or, le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov a affirmé que la force aérienne russe « n’opère jamais sur des cibles se trouvant à l’intérieur de zones habitées… et certainement pas celle d’al-Qaterji mentionnée par les médias occidentaux, puisque celle-ci est contiguë aux corridors d’évacuation à l’usage des habitants, qui ont été ouverts dans le cadre de la mission humanitaire russe ». Les médias occidentaux ont fait l’impasse sur cette déclaration.

Voilà ce qu’est cette « guerre humanitaire » et à quoi ressemble sa propagande. Une secte de mercenaires commet une série de crimes horribles, s’en vante publiquement, pour ensuite en accuser l’armée syrienne qui s’en prendrait d’après eux « à des civils ». Jamais ces affirmations partisanes et ces affabulations répétées ne sont mises en question ni dénoncées, grâce aux liens étroits que les terroristes entretiennent avec les Etats qui les patronnent et les chaînes d’informations de masses, propriété de ces mêmes Etats, comme Al Jazeera et CNN.

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Le photographe Raslan (avec casquette) est à coté de l’enfant palestinien Abdallah Issa, qui va être froidement égorgé à Alep, par Matine Abou Ahmed, du groupe Noureddine Al-Zanki, dit de l’opposition modérée

 

Les images du petit Omran, mises en scène par les djihadistes, ont évidemment monopolisé l’attention des médias occidentaux, qui font depuis plus de cinq ans la part belle à cette sale guerre terroriste. En revanche, ils ont largement ignoré la vidéo du meurtre du petit Abdallah, quand ils ne se sont pas cyniquement moqués du public et de la vérité en prétendant que le gamin avait en réalité 18 ans ou qu’il s’agissait d’un espion travaillant pour la milice palestinienne pro-syrienne Liwa al-Quds.

Ceux qui ont tranché la gorge à l’enfant Abdallah font partie d’un groupe armé par les USA appelé Nourredin al Zinki, principalement basé à l’est d’Alep et actuellement pris au piège par les forces syriennes. Le Département d’État US a déclaré qu’il envisageait « une interruption » momentanée de son soutien à ce groupe, dans l’attente d’une confirmation de cet épisode.

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Photo, du compte Facebook de Mahmoud Raslan, maintenant désactivé, avec l’emblème du groupe terroriste al Zinki

Le photographe principal d’Omran est Mahmoud Raslan, qui se déclare sur les réseaux sociaux ami proche et admirateur d’al-Zinki, lequel se décrit lui-même comme un « activiste des médias » et membre du centre d’information d’Alep financé par les Américains : Aleppo Media Centre (AMC) [3].

Raslan a déclaré aux médias que c’était le groupe « White Helmets » (Casques Blancs) [4] – financé par les USA et le Royaume Uni – qui avait sauvé le petit Omran, ajoutant « mes larmes ont commencé à couler en prenant la photo ». On ne sait pas s’il a pleuré quand ses chers amis ont assassiné le petit Abdallah.

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Les Casques Blancs sont financés par les Etats qui combattent l’Etat syrien

Les Caques Blancs se présentent eux-mêmes en héros de la guerre de Syrie, se donnant pour des sauveteurs médicaux humanitaires indépendants. En réalité, comme l’ont démontré l’écrivain Vanessa Beeley et le réalisateur Steve Ezzedine, cette ONG est étroitement liée à Jabhat al Nusra et a participé à des regroupements confessionnels forcés et à des exécutions. Alors qu’elle prétend ne recevoir de subventions de la part d’aucun Etat, les gouvernements du Royaume Uni et des États-Unis ont reconnu lui avoir versé des dizaines de millions de dollars.

Peu après que ses liens avec al-Zinki aient été dévoilés, Raslan a retiré de sa page Facebook (à présent désactivée) le drapeau du groupe terroriste et les photos de ses « martyrs ». Mais les copies d’écran de sa page qualifient les combattants morts d’al-Zinki de « martyrs de l’information libre d’Alep » et exhibent des images de ses propres « moments de gloire [aux côtés des] héros qui font reculer Assad ». Mise à part la photo d’Omran, les vidéos du prétendu sauvetage ont été mises en ligne par le Centre d’Information d’Alep (AMC).

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Mahmoud Rslan, en chemise bleu, pose aux côtés de membres du groupe terroriste Noureddine Al-Zinki. Photo publiée sur son compte Facebook, 5 août

Qu’est-ce que c’est que ce Centre d’Information d’Alep (AMC) et qui sont ces « activistes des médias » ?

Si l’on en croit la très vague « Syrian Expatriates Organization » (SEO ou Organisation des Expatriés Syriens) dont le siège est à Washington, c’est elle qui coordonne et apporte aide technique et financière à l’AMC depuis octobre 2012. La SEO reçoit, pour sa part, des centaines de milliers de dollars de dons de sources indéterminées. Dans son rapport annuel de 2014, elle énumère ses principaux secteurs d’intervention en matière d’aide humanitaire et de développement, à savoir : Raqqa, Moaddamia, Idlib, et Douma, zones actuellement occupées par ISIS, al-Nusra et quelques autres variétés de tueurs fanatiques.

Comme pour beaucoup d’autres groupes armés créés par les États-Unis – The Syrian Campaign (La Campagne de Syrie) et The White Helmets (Les Casques Blancs) -,  la tâche de la SEO est de contribuer à provoquer la chute du gouvernement syrien.

Il se trouve que c’est aussi l’objectif principal du gouvernement US et de son chapelet d’ONG d’implantation plus ancienne, telles que Human Rights Watch, Amnesty International, etc.

Des pétitions émanant d’universitaires et de lauréats de Prix Nobel ont condamné le « porte tambour » à l’usage des fonctionnaires qui font le va et vient entre ces groupes et le Département d’État US. Il est en effet de notoriété publique que ceux qui préconisent le plus chaudement ce type de guerre « humanitaire » par groupes interposés telles qu’elles se livrent en Syrie et en Libye, viennent des courants politiques « libéraux » des pays occidentaux. C’est pourquoi nous voyons le New York Times et le Guardian en première ligne de la guerre de propagande faite à la Syrie.

L’intervention humanitaire semble également beaucoup séduire Amnesty International, qui, en 1990, a cautionné de son autorité les faux prétextes ayant servi à justifier la première Guerre du Golfe et, en 2011, récidivé en cautionnant derechef l’invasion de la Libye. En 2012, le même groupe n’a pas craint de féliciter l’OTAN pour ses dix ans d’occupation de l’Afghanistan, prétendant que c’était au bénéfice des droits des femmes. En Syrie, Amnesty n’a, de même, cessé de présenter le conflit délégué sous des dehors riants.

Il nous faut cependant reconnaître que la propagande de guerre de Washington et de ses alliés, dont le but est de brouiller les cartes et de détourner l’attention des crimes de leurs porte-flingues, a obtenu d’excellents résultats. Les mythes d’une « guerre civile », de « rebelles modérés » et d’une armée syrienne qui ne ferait rien d’autre que de « tirer sur des civils » se portent très bien, merci. Tout ça en dépit des déclarations de hauts responsables américains, admettant qu’eux-mêmes et leurs plus proches alliés (notamment l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Qatar) ont financé tous ces groupes de terroristes sanguinaires dans le but exclusif d’abattre le président Bachar el-Assad. Rien de tout cela n’est difficile à comprendre. Et pourtant, ces aveux et les preuves les plus matérielles ne comptent pas en regard des fables de la propagande.

Cette guerre à la Syrie est, dans la réalité, le fait des grandes puissances se servant de forces ultra-réactionnaires (mercenaires fanatisés par l’idéologie wahhabite) dans le but de détruire un des derniers états encore indépendants de la région.

À vrai dire, il n’y a eu depuis quinze ans qu’une seule guerre au Moyen-Orient. Le nouveau « Grand Jeu » (The Great Game) [5] a été déclenché en 2001 par le président Bush, qui a commencé par piétiner à mort l’Afghanistan et l’Irak, mis le blocus sur l’Iran, pour ensuite rater la destruction du Hezbollah grâce à la défaite d’Israël, et enchaîner sur la destruction de la Libye, par les bons soins d’Obama.

Néanmoins, grâce au développement de l’alliance syrienne, cette nouvelle version du « Grand Jeu » a foncé droit dans le mur. Le présent réalignement des forces dans la région signifie que ce grandiose projet est d’ores et déjà un échec.

Tim Anderson

 

Article original : The Omran Déception, Telesurtv.net, 1er septembre 2016

Traduit de l’anglais par Sylvie Jolivet pour Arrêt sur Info

 

[1] Syrie: Les « rebelles modérés » décapitent un gamin 

[2] Qui est le militant « journaliste » Mahmoud Raslan d’Alepo

[3]  MSM using pro-al Nusra “media center” as source for war-propaganda

[4] Syrie: Qui sont les casques blancs (White Helmets) ? 

[5] « The Great Game », est une expression utilisée par les historiens pour décrire la confrontation politique et diplomatique qui a fait s’affronter la Grande Bretagne et la Russie pendant la plus grande partie du XIXe siècle (12 janvier 1830 – 10 septembre 1895) à propos de l’Afghanistan. Pas que politiquement et diplomatiquement bien sûr… Et avec pour résultat des annexions diverses.

 

Tim Anderson, maître de conférences au Département d’économie politique de l’Université de Sydney est diplômé en économie et en politique internationale; il a un doctorat en économie politique.

 



Articles Par : Prof. Tim Anderson

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