Echange d’artillerie sur la péninsule coréenne : ce n’est pas le bon pays pays qui est accusé

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Bien que la Corée du Nord ait été blâmé pour l’échange de tirs d’artillerie de mardi sur la péninsule coréenne, une lecture attentive des bulletins d’information montre que c’était la Corée du Sud qui a créé une véritable poudrière et a ensuite provoqué l’étincelle.

L’incident s’est produit le long de la Northern Limit Line, une frontière maritime occidentale unilatéralement établie par les États-Unis à la fin de la guerre de Corée et qui n’a jamais accepté par le Nord. La Northern Limit Line a été le théatre d’un grand nombre d’accrochages entre les forces navales de la République Sud-Coréenne et la République Nord-Coréenne (RPDC).

Il y a un an, les navires de guerre de ces pays se sont affrontés dans la zone contestée, et un navire de guerre nord-coréenne a été descendu en flammes. « En 1999, un navire nord-coréen a coulé avec 30 marins morts et peut-être 70 blessés » dans la même zone. [1] La frontière litigieuse ne fait pas partie de l’accord d’armistice qui a mis fin aux hostilités actives.

La toile de fond pour le dernier incident en date a été la mobilisation par le Sud de 70.000 soldats, 50 navires de guerre, 90 hélicoptères, 500 avions de combat et 600 chars, dans des exercices de simulation de guerre que le Nord a vigoureusement dénoncé. Pyongyang a décrit ces exercices, qui impliquent également les Marines US et l’US Air Force, comme « simulant une invasion du Nord », « un moyen de provoquer une guerre » et « une répétition pour une invasion. » Les rapports dans la presse occidentale et les officiels du gouvernement US ont rejeté les inquiètudes de Pyongyang au sujet de cette war-game comme étant exagérées, soulignant que les exercices avaient été annoncés à l’avance. Mais ‘annoncer à l’avance’ ne réduit guère la menace potentielle de masser des troupes, ni ne rend plus aisée la tâche de l’armée nord-coréenne de distinguer entre ‘war-game’ et préparation d’une invasion.

Avec les Nord-Coréens déjà sur les nerfs, la Corée du Sud a agi pour accroître la tension.

Selon un rapport d’Associated Press : « Le combat a commencé mardi, lorsque la Corée du Nord a averti le Sud de mettre fin aux exercices militaires à proximité de leur frontière maritime … Quand Séoul a refusé et a commencé des tirs d’artillerie dans les eaux contestées … Le Nord a riposté en bombardant la petite île de Yeonpyeong … » [2]

Le journal sud-coréen, The Hankyoreh, a publié un rapport similaire : « Avant l’incident, l’armée sud-coréenne a effectué un exercice de tir … dans la zone (litigieuse) autour de l’île de Yeonpyeong et de l’île de Baengnyeong (…) la Corée du Nord a envoyé un message matin mardi qu’elle ne tolérerait pas de tir dans ses eaux territoriales. » [3]

Le New York Times a noté que « des unités d’artillerie [de la Corée du Sud] avaient tiré à partir d’une batterie sur l’île sud-coréenne de Baeknyeongdo, à proximité de la côte nord-coréenne » et que « le Sud a reconnu avoir fait des tirs d’essai dans la zone (contestée). » [ 4]

Ces rapports de presse indiquent que la Corée du Sud a agi de manière à enflammer une situation déjà explosive. Bien que la plupart des médias passent sous silence ce point, c’est la Corée du Sud qui a tiré les premières salves.

Le Sud organise régulièrement des exercices de ‘jeux de guerre’  visant la Corée du Nord, mettant le Nord sur un pied de guerre continuel et constamment dans un état d’alerte élevé. La réponse de la Corée du Nord à la provocation est utilisée pour justifier un accroissement des forces étatsuniennes dans la région, et un accroissement des exercices militaires conjoints entre les États-Unis et Republique Sud-Coréenne.

 « Le président Obama et le président sud-coréen ont convenu (…) de tenir des exercices militaires conjoints comme une première réponse », a rapporté le New York Times. « Les exercices comprendront l’envoi du porte-avions George Washington et un certain nombre de navires l’accompagnant dans la région … » [5]

Plus tôt cette année, les États-Unis et la Corée du Sud ont utilisé le naufrage du Cheonan, un navire de guerre sud-coréen, comme une excuse pour augmenter la pression militaire sur la Corée du Nord. Le navire de guerre semble avoir échoué dans la même zone dans laquelle le dernier incident s’est produit. Séoul et Washington ont accusé la Corée du Nord pour le naufrage, mais la preuve présentée par la Corée du Sud, dans un rapport rédigée par elle-même et ses alliés, est contestée en Corée du Sud même, et a été mise en question par une enquête officielle russe. La Corée du Nord nie avec véhémence avoir coulé ce navire de guerre.

La dernière provocation Sud-Coréenne peut faire partie d’une plus vaste campagne pour intensifier la pression militaire sur la Corée du Nord, avec comme objectif de forcer Pyongyang à détourner encore davantage de ses ressources limitées pour la défense, au risque de comprommettre les perspectives de développement de la Corée du Nord et, éventuellement, d’initier l’effondrement du pays. Washington a longtemps suivi la pratique de l’isolement, du blocus et de l’utilisation de menaces militaires pour intimider les pays qui se sont libérés de la domination impérialiste. Ceci n’est pas un incident isolé, dans lequel une Corée du Nord imprévisible et belliqueuse, se comporterait mal dans le but d’arracher des concessions à l’Occident – comme, de manière prévisible les médias occidentaux l’affirment – mais bien une partie d’une shéma plus large où l’Occident recherche la destruction de la RPDC via un programme d’isolement diplomatique accru, de guerre économique et de provocations militaires.

1. “Historian Bruce Cumings: US Stance on Korea Ignores Tensions Rooted in 65-Year-Old Conflict; North Korea Sinking Could Be Response to November ’09 South Korea Attack”, Democracy Now, May 27, 2010.

2. Hyung-Jin Kim and Kwang-Tae Kim, “Tensions high as North, South Korea trade shelling”, The Associated Press, November 23, 2010.

3. Kwon Hyuk-chul, “President Lee has changed his position from controlled response to manifold retaliation”, The Hankyoreh, November 24, 2010.

4. Mark McDonald, “Crisis Status’ in South Korea After North Shells Island” The New York Times, November 23, 2010.

5. David E. Sanger, “U.S. to send carrier for joint exercises off Korea”, The New York Times, November 23, 2010

Article original en anglais : http://gowans.wordpress.com/2010/11/24/wrong-country-blamed-for-artillery-exchange-on-korean-peninsula/

Version française : Alerte Otan



Articles Par : Stephen Gowans

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