Election présidentielle en Biélorussie: le Parlement européen contre le peuple, une nouvelle idée de la « démocratie globale »

Le processus électoral dérange de plus en plus, en tant que tel, les organes de gouvernance globalisée, qui s’estiment en droit, du haut de leur estrade, de décider de la légitimité des élections nationales. Quand finalement le résultat déplaît, on l’annule. Quand a priori on comprend que son poulain ne gagnera pas, on discrédite de manière préventive. C’est exactement ce que fait le Parlement européen à l’égard des élections présidentielles biélorusses : faute de pouvoir faire passer une nouvelle marionnette dans le genre de Tikhanovskaya, qui ne bénéficie d’aucun soutien populaire, il appelle à ne pas reconnaître les résultats, quels qu’ils soient. La démocratie est morte, vive la « démocratie globale » !

Les élections présidentielles doivent se tenir en Biélorussie le 26 janvier 2025. Cinq candidats sont en course, y compris le Président sortant Loukachenko, qui est donné largement favori.

L’actuel chef de l’État, Alexandre Loukachenko, tentera d’être élu pour un septième mandat. Il sera en compétition avec quatre autres figures politiques : le leader du Parti libéral-démocrate de Biélorussie, Oleg Gaidukevich, le communiste Sergueï Syrankov, le président du Parti républicain du travail et de la justice, Alexander Khizhnyak, et Anna Kanopatskaya, sans parti politique. La Commission électorale centrale les a officiellement enregistrés le 23 décembre.

Sept mandats, ça fait objectivement beaucoup, même si tout aussi objectivement Loukachenko bénéficie du soutien de la population. Le problème de la Biélorussie, tout comme de la Russie, est celui de la transition après un leader charismatique, de la rotation du pouvoir. D’un côté, le pouvoir est fort, mais il est fortement centralisé et personnalisé, ce qui peut poser un problème de renforcement institutionnel de l’Etat. D’un autre côté, la rotation systématique que l’on observe en Occident, permet justement de ne pas créer de force politique au niveau national et les marionnettes s’enchaînent et pour ne rien changer sur le fond de la ligne politico-idéologique imposée. En ce sens, un leader permet une gouvernance dans le sens de l’intérêt national, puisqu’il en a les ressources s’il en a la volonté. Quand un dirigeant européen, même s’il en a la volonté un instant, n’en a pas les ressources.

L’on parle ainsi aujourd’hui de « populisme » à l’égard des dirigeants soutenus par leur peuple. Ce qu’avant la globalisation, on appelait la démocratie. Et Loukachenko entre dans cette catégorie. C’est bien d’ailleurs pour cela que la dernière fois, malgré les provocations violentes et l’ingérence directe des forces extérieures globalistes, Tikhanovskaya n’a pu ni être élue, ni être imposée par « la rue ».

Quelle que soit la popularité du Président sortant, le moment électoral est toujours un moment privilégié pour déstabiliser un pays et ce cycle électoral en Biélorussie ne fera pas exception à la règle, ce dont les autorités nationales sont parfaitement conscientes.

Cette fois-ci, l’enjeu est d’autant plus important pour les Atlantistes, que la Biélorussie est un allié de la Russie dans la guerre, qui se déroule sur le front ukrainien et menace de s’étendre vers ses frontières. Déstabiliser la Biélorussie, c’est fragiliser la Russie.

Le Parlement européen, en fidèle organe de gouvernance globale (et non pas en organe de représentation des intérêts des pays européens) entre dans la danse et joue sa partie en exigeant, avant la tenue des opérations électorales, de ne pas en reconnaître le résultat. La résolution a été largement soutenue par ces députés « européens » parfaitement alignés (d’où l’intérêt de les élire au niveau national ……..) par 567 voix pour, 25 contre et 66 abstentions. Ainsi :

Dénonçant les graves violations des droits humains et des principes démocratiques au Bélarus, qui se sont encore intensifiées à l’approche de la prétendue élection présidentielle du 26 janvier, le Parlement demande à l’UE, à ses États membres et à la communauté internationale de ne pas reconnaître la légitimité du dictateur Alexandre Loukachenko comme Président après le vote.

Au milieu des différentes raisons pour lesquelles le Parlement européen demande de ne pas reconnaître les élections, de soutenir l’opposition (donc l’ingérence extérieure), de prendre des sanctions plus fortes pour que le peuple biélorusse comprenne où est son intérêt (car elles sont, elles, évidemment démocratiques, à l’inverse du peuple biélorusse, par définition « non-démocratique » – c’est un peuple, logique), l’on trouve un motif, qui n’a ouvertement rien à voir avec le processus électoral. Mais c’est bien le motif, qui dérange l’ordre global, au point 14 de la Résolution :

dénonce la complicité du régime de Loukachenko dans la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, et condamne le fait qu’il subordonne de façon délibérée la Biélorussie à la Russie au sein d’une «union» englobant les sphères politique, géopolitique, économique, militaire et culturelle; réaffirme la nécessité de contribuer au renforcement de l’identité nationale et de la langue biélorusses, ainsi que de lutter contre la distorsion et la manipulation de l’histoire biélorusse par le régime de Loukachenko et le Kremlin et ses affidés;

L’Union de la Biélorussie et de la Russie va à l’encontre de la logique globaliste, puisque seul le monde global peut s’élargir, est légitime à pratiquer l’ingérence politique et si cela n’est pas suffisant, l’intervention armée, afin d’écarter les élites dirigeantes pas suffisamment dociles et imposer ses hommes de main. Cela s’appelle le « processus de démocratisation » aujourd’hui. Une démocratie sans le peuple. C’est quand même beaucoup plus confortable …

Karine Bechet-Golovko



Articles Par : Karine Bechet-Golovko

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