En Suisse, la loi Covid-19 sera soumise au peuple

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Les pouvoirs spéciaux du gouvernement pour faire face à la pandémie sont à l’ordre du jour d’une votation nationale en juin. Un groupe de citoyens a lancé un référendum contre la loi Covid, approuvée par le Parlement et mise en œuvre en septembre dernier.

Les pouvoirs spéciaux du gouvernement pour faire face à la pandémie sont à l’ordre du jour d’une votation nationale en juin. Un groupe de citoyens a lancé un référendum contre la loi Covid, approuvée par le Parlement et mise en œuvre en septembre dernier.

Les partisans du référendum contre la loi Covid-19 s’inquiètent du rôle prépondérant du Conseil fédéral dans le système fédéraliste et de démocratie directe du pays. La campagne témoigne aussi d’un certain scepticisme à l’égard de la politique de vaccination du gouvernement.

La Suisse est le premier pays au monde à permettre à ses citoyens de se prononcer sur la base juridiquede la gestion de la crise sanitaire. La votation est prévue pour le 13 juin, en même temps que quatre autres objets.

Quel est l’enjeu ?

En septembre dernier, le Parlement a approuvé une loi couvrant un large éventail de mesures contre la propagation de la pandémie de Covid-19.

Cette loi, qui comportait initialement 14 articles distincts, visait à donner une base juridique solide à quelque 18 décisions prises par le gouvernement entre la mi-mars 2020 et la mi-juin de la même année, décisions prises sans l’intervention régulière du Parlement.

La loi a depuis été modifiée à plusieurs reprises.

Ces décisions gouvernementales prévoient notamment l’attribution d’un soutien financier de plus de 30 milliards de francs aux entreprises et aux particuliers frappés par les restrictions mises en place pour endiguer la pandémie.

Elles touchent également d’autres domaines, notamment les dépenses de santé (fourniture de masques hygiéniques, investissement potentiel de l’État dans la production de vaccins, passeport vaccinal standardisé), la protection du travail, l’asile et la fermeture des frontières, la culture, le sport ainsi que les droits des citoyens et des médias.

La loi est limitée dans le temps, jusqu’à la fin de 2021. Elle fournit une base au gouvernement pour réintroduire l’état d’urgence sanitaire si nécessaire, mais seulement après consultation du Parlement, des 26 autorités cantonales du pays, des organisations patronales et des syndicats.

En cas de rejet par le corps électoral, la loi et ses amendements deviendraient obsolètes en septembre prochain. En effet, les mesures actuelles sont couvertes par l’état d’urgence sanitaire qui est limité à 12 mois.

Quels sont les principaux arguments pour et contre ?

Les opposants affirment que la loi est superflue, car la plupart des mesures peuvent être appliquées sans donner de pouvoirs spéciaux au gouvernement. Ils craignent également que la loi ne crée un précédent pour l’avenir, permettant potentiellement au gouvernement d’imposer un régime autoritaire.

La politique de vaccination du gouvernement suscite également un scepticisme fondamental. Les militants accusent les autorités d’ignorer les dangers potentiels des vaccins pour la santé. Une partie de l’opposition consiste également à protester contre des mesures anti-Covid jugées « arbitraires ».

Manifestation contre les mesures de confinement à Liestal, le samedi 20 mars 2021. Keystone/Georgios Kefalas
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le samedi 20 février 2021 à Wohlen, lors d’un rassemblement de l’association « Silent Protest », contre les restrictions et mesures du gouvernement pour faire face à la pandémie. Keystone/Urs Flüeler

Les référendaires estiment que le nombre limité de décès dus à la pandémie ne justifie pas la fermeture temporaire de magasins et de restaurants, les restrictions à la liberté de réunion ou le port obligatoire de masques.

Pour les partisans de la législation en vigueur, la loi Covid-19 est une étape nécessaire, conforme à une clause mentionnée dans la Loi fédérale sur les épidémies. Y est stipulé que les mesures d’urgence prises par le gouvernement doivent être soumises au Parlement dans les six mois.

Selon eux, cette clause confère une légitimité démocratique supplémentaire à une procédure politique et offre un sentiment de certitude à la population et aux entreprises.

La structure fédéraliste de la Suisse est marquée par une répartition des pouvoirs qui accorde aux autorités cantonales (et dans une certaine mesure aux autorités locales) un large degré d’autonomie par rapport au gouvernement national.

Pourquoi les électeurs ont-ils leur mot à dire ?

Plusieurs comités de citoyens, dont les Amis de la Constitution, ont recueilli un peu plus de 90 000 signatures pour imposer un référendum sur la loi approuvée par le Parlement en septembre dernier.

La loi est en vigueur – et a même été modifiée – depuis l’année dernière. Normalement, le lancement d’un référendum signifie une mise en œuvre retardée d’une loi. Un rejet ultérieur dans les urnes met un veto à la décision parlementaire.

Dans le cadre du système suisse de démocratie directe, les décisions parlementaires peuvent être contestées par un vote national si au moins 50 000 signatures sont recueillies dans les 100 jours suivant l’approbation du Parlement.

S’agit-il d’une exception suisse ?

La Suisse est le premier pays au monde à soumettre la législation sur le coronavirus au corps électoral. Un tel référendum fait partie intégrante de son système politique, qui donne aux citoyens la possibilité de s’opposer à une loi ou à un amendement.

Aucune votation dans l’histoire récente de la Suisse n’est directement comparable.

Certaines similitudes peuvent être établies avec un référendum de 2013 sur la loi modifiée sur les épidémies et une initiative populaire de 2005 pour un moratoire sur les organismes génétiquement modifiés dans l’agriculture.

Selon les politologues, la votation sur la législation Covid a le fort potentiel d’attirer des votes de protestation contre le gouvernement, en particulier de la part des citoyens qui sont directement affectés par les restrictions sanitaires.

La question sera sans doute au premier plan des cinq sujets à l’ordre du jour le 13 juin, aux côtés d’un autre référendum contre une réforme de la loi sur le CO2.

Qui sont les opposants et les partisans ?

Le comité à l’origine du référendum n’a été créé que l’année dernière. Il a lancé une campagne et recueilli en très peu de temps plus de signatures qu’il n’en fallait pour voter à la fois sur la loi Covid et sur une loi distincte réglementant la détention préventive de terroristes présumés.

Le succès de ce groupe, qui n’a pas d’affiliation politique claire, a surpris de nombreux observateurs politiques. Il compterait environ 2 000 membres, dont certains sympathisent avec des théories ésotériques et obscures.

 



Articles Par : Urs Geiser

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