Équateur: Nous dénonçons la renégociation de la dette par le gouvernement de Lenín Moreno

Par Eric Toussaint , Maria Lucia Fattorelli , Alejandro Olmos Gaona , Hugo Arias Palacios , Piedad Mancero , Ricardo Patiño , Ricardo Ulcuango

Nous publions une lettre ouverte adressée au président de l’Équateur et à son gouvernement concernant la renégociation de la dette qui est en cours. Cette lettre est signée par les anciens membres de la Commission d’audit de la dette équatorienne (CAIC), parmi lesquels-les Eric Toussaint, porte-parole international du CADTM. [Rappelons qu’en mars 2020 au début de la crise du coronavirus, l’assemblée nationale équatorienne a pris une position importante en faveur de la suspension du paiement de la dette https://www.cadtm.org/L-Equateur-va-t-il-une-nouvelle-fois-montrer-un-exemple-de-courage-face-aux] Rappelons également qu’en 2008-2009 que les travaux de la CAIC, créée en 2007, [avaient débouché sur une suspension du paiement de la dette commerciale et sur une victoire https://www.cadtm.org/Equateur-Historique-de-l-audit-de] Soulignons enfin que le peuple équatorien a remporté [une victoire en octobre 2019 contre le gouvernement néo libéral et autoritaire de Lenín Moreno https://www.cadtm.org/Ensemble-avec-le-peuple-equatorien]

Lenín Moreno, président constitutionnel de la République

Richard Martinez, ministre de l’économie et des finances
Guillermo Lascano, coordinateur juridique général,

En tant qu’anciens membres de la Commission d’Audit Intégral du Crédit Public (CAIC), convoquée par des organisations et des mouvements de la société civile équatorienne, nous revendiquons et mettons en garde contre le non-respect et la violation expresse des mandats constitutionnels en rapport avec la renégociation de la dette extérieure en cours.
La Commission d’audit intégral du crédit public, rattachée au ministère de l’économie et des finances, a été créée le 9 juillet 2007 par le décret exécutif n° 472. Le résumé du rapport final présenté en septembre 2008 est un document officiel de l’État équatorien de 225 pages qui représente une investigation et une analyse économique, financière et juridique approfondies. La CAIC était composée d’experts nationaux et étrangers qui ont étudié la dette.
La décision de payer le principal des obligations 2020 et de rembourser par anticipation (par des appels de marge et des pénalités) les opérations de rachat avec Goldman Sachs et le Crédit Suisse entre février et juin 2020 pendant la pandémie du coronavirus pour récupérer environ 3 milliards de dollars de titres de la dette publique équatorienne a constitué un énorme sacrifice (appelé « demande de consentement »), reconnu comme tel par le ministère de l’économie et des finances lui-même dans ses bulletins du 28 mai 2020 et du 7 juillet 2020. La décision a été prise contrairement à une résolution RL-2019-2021-063 du 24 mars 2020 de l’Assemblée nationale et à la déclaration unanime des chefs de blocs du pouvoir législatif. Mais en outre, ces paiements anticipés ont permis aux créanciers susmentionnés de récupérer le montant total déboursé, ce qui a augmenté les exigences des autres créanciers de la dette commerciale dans la négociation qui a suivi en juin-août 2020.

La proposition de renégociation, bien qu’elle ait été communiquée comme une bonne nouvelle pour le pays le 7 juillet 2020, a omis de mentionner qu’il est proposé de renégocier à partir de la valeur nominale des obligations de la dette extérieure, comme si la crise du coronavirus n’avait pas eu lieu, contrairement aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 290 de la Constitution. Les conditions financières proposées par le ministère de l’économie et des finances au nom de la République de l’Équateur ne tiennent pas compte de la valeur de marché des obligations de la dette extérieure, qui se situaient entre 20 et 25 % de la valeur nominale le 31 mars 2020 et ont été évaluées à 35 % le 19 mai 2020 lors de l’adjudication des Credit Default Swap. La comptabilité des détenteurs de dettes reflétait déjà cette perte. Dans le rapport final de l’audit complet de la dette équatorienne, il est déjà indiqué comme préjudiciable et comme source d’illégitimité le fait que dans les renégociations du plan Brady et de l’échange d’obligations globales, on n’a pas tenu compte de la valeur des obligations de la dette équatorienne sur le marché secondaire.

[La dette extérieure de l’Équateur est précisément réglementée par l’article 290 de la Constitution de la République http://www.cadtm.org/La-constitution-equatorienne-un.] Parmi les interdictions constantes de renégociation de la dette figure toute forme d’anatocisme. Le « Mémorandum d’invitation » diffusé par le ministère de l’économie et des finances au nom de la République de l’Équateur contient la capitalisation des intérêts sous la forme d’une obligation PDI, avec la possibilité de payer des intérêts sur les intérêts en cas de défaut. S’y engager constitue un anatocisme et signifie la violation expresse du paragraphe 4 de l’article 290 de la Constitution de l’Équateur, qui fera l’objet d’une action en justice que nous devrons présenter devant les organes juridictionnels compétents.
Il n’a pas non plus été porté à la connaissance du public équatorien que dans le mémorandum d’invitation envoyé aux créanciers, la République de l’Équateur s’engage à annoncer un accord technique (« staff ») avec le Fonds monétaire international jusqu’au 31 juillet 2020, ce qui représentera en tout cas une violation successive des droits économiques, sociaux et culturels du peuple équatorien. Le principe de progressivité du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Protocole de San Salvador à la Convention interaméricaine des droits de l’homme établit que les services publics qui garantissent les droits de l’Homme ne peuvent pas perdre en qualité ou en couverture. À cette fin, les deux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme exigent des États qu’ils gèrent le maximum de ressources à leur disposition.

Cette proposition de renégociation ne contribue pas à la réalisation du maximum de ressources dont doit disposer l’État et est surtout liée à un accord avec le Fonds monétaire international et aux hypothèses macroéconomiques du « Mémorandum d’invitation » qui ne sont pas alignées sur le financement nécessaire à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies. Ce qui est censé être approuvé serait en contradiction directe avec l’article 290, paragraphe 2 de la Constitution équatorienne, qui stipule que [« On veillera à ce que l’endettement public n’affecte pas la souveraineté nationale, les droits humains, le bien-être et la préservation de la nature. » http://www.cadtm.org/La-constitution-equatorienne-un]

Dans la situation internationale actuelle, où des dizaines de pays sont en crise d’endettement, c’est l’occasion d’établir un cadre juridique de droit public international pour la restructuration de la dette extérieure. Si l’Équateur accepte des conditions juridiques léonines, cela créera un précédent négatif qui finira par affecter le reste des pays du sud de notre continent. Il n’est pas surprenant que les mêmes créanciers qui refusent de se mettre d’accord avec l’Argentine aient été prompts à se mettre d’accord avec l’Équateur. Au milieu d’une pandémie dramatique – avec une cris sanitaire, économique et sociale – il est temps d’invoquer un changement fondamental de circonstances, et l’état de nécessité afin de de cesser le paiement de ces obligations de la dette extérieure, [jusqu’à ce qu’une solution mutuellement convenue soit trouvée à l’échelle planétaire https://www.cadtm.org/Pour-combattre-le-Covid-19-Pourquoi-et-comment-suspendre-immediatement-le]

Nous demandons au Bureau de l’ombudsman (=le défenseur du peuple) de contrôler le respect des droits humains dans le domaine de la dette extérieure par le Coordinateur juridique général du Ministère de l’économie et des finances, en particulier l’application des Principes directeurs des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits humains, des Principes de la CNUCED sur les prêts souverains et des rapports des Rapporteurs spéciaux et des experts indépendants du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur la dette extérieure et les droits humains, qui sont contraignants pour l’Équateur en vertu de l’article 93 de la Constitution.

Nous rappelons au Président de la République, en sa qualité de Chef de l’exécutif et de Président de la Commission de la dette et des finances, à sa déléguée, Veronica Artola, à la Secrétaire technique de la Planification de l’Équateur, Sandra Argotty, au Ministre de l’économie et des finances, Richard Martinez, et au Coordinateur juridique général du Ministère de l’économie et des finances, Guillermo Lascano, que l’article 290, paragraphe 6, de la Constitution prévoit que « Les actions en responsabilité administrative ou civile en matière de contraction ou de gestion de dette publique seront imprescriptibles. » dans le domaine de la dette extérieure.

L’article 289 de la Constitution prévoit que « l’État promeut des instances de contrôle et d’audit de la dette publique par les citoyens ». Pour une véritable transparence, vigilance et audit citoyen de la dette publique, nous exigeons que le « Mémorandum d’invitation », déjà publié par la fonction judiciaire du gouvernement des États-Unis, soit mis à la disposition de tout le peuple équatorien en espagnol, conformément à l’article 2 de la Constitution.

Enfin et surtout, nous appelons le monde universitaire, les mouvements sociaux, les mouvements politiques , les mouvements indigènes, les paysans et en général tout le peuple équatorien, à exercer le pouvoir citoyen pour le contrôle et l’audit urgent de la dette publique.

Nous signons,

Anciens membres du Comité d’audit du crédit public :

Hugo Arias, Maria Lucia Fattorelli, Piedad Mancero, Alejandro Olmos,
Ricardo Patiño, Eric Toussaint, Ricardo Ulcuango, le 30 juillet 2020

Traduit par Éric Toussaint avec l’aide de www.DeepL.com/Translator (version gratuite)



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