Les États-Unis luttent pour l’influence en Afrique
La politique des trois derniers présidents américains et la diplomatie assertive de la Chine mènent à une perte progressive de l’influence de Washington sur le continent africain.
Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis jouaient un rôle central dans les processus mondiaux, en servant de médiateur dans les négociations de paix, en apportant un soutien au développement des pays, notamment en tant que sponsor, et en s’assurant des rôles clés dans les institutions internationales. En même temps, les trois administrations américaines successives – les présidents Barack Obama, Donald Trump et Joe Biden – ont chacune à leur manière réexaminé les approches traditionnelles de Washington en matière de politique étrangère, ce qui a également entraîné un certain affaiblissement de sa position dans un certain nombre de régions.
L’administration Biden qualifiait dès le début l’axe africain de l’une des priorités. En décembre dernier, la Maison Blanche a organisé un sommet des dirigeants américains et africains. À l’issue de ce sommet, il a été annoncé que les États-Unis alloueraient 2 milliards de dollars pour répondre aux besoins humanitaires des pays africains. En février 2023, la première dame américaine, Jill Biden, s’est rendue au Kenya et en Namibie, où elle a rencontré des jeunes et des femmes activistes. Elle a été suivie par la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, qui a effectué une tournée en Afrique, visitant le Ghana, la Tanzanie et la Zambie.
Néanmoins, comme le souligne un article de l’analyste Mike Coté pour National Review, la situation géopolitique en Afrique montre que Biden perd face à la Chine. Parallèlement à Pékin, Paris continue également de lutter pour l’Afrique en essayant de remodeler les approches inefficaces du passé qui ont conduit à la perte d’influence sur le continent, en annonçant une « nouvelle ère » dans les relations entre la Cinquième République et les États africains, sans les méthodes coloniales classiques. De plus, la Russie, dans le cadre des idées de multipolarité qu’elle promeut, tente de préserver et de développer les liens établis avec l’Afrique depuis l’époque soviétique, en organisant des sommets Russie-Afrique et en développant d’autres formats de coopération.
La popularité de la Turquie augmente dans les pays africains. La perception positive de la Turquie par les pays africains est favorisée par sa participation à de grands projets économiques et d’infrastructure sur le continent, le renforcement de la coopération militaire, du commerce et une vaste activité humanitaire. Un rôle important est également joué par l’entente avec de nombreux pays africains sur la base de la religion et des aspects culturels communs, ainsi que par l’absence d’expérience coloniale d’Ankara.
Les visites de plus en plus fréquentes de représentants américains dans les pays africains et d’autres évènements sont une tentative quelque peu tardive de Washington de préserver son influence sur le continent, dont Pékin et d’autres acteurs s’accaparent rapidement. Cependant, les analystes américains considèrent la Chine comme le principal concurrent des États-Unis en Afrique, ainsi que dans d’autres régions, principalement en raison de ses investissements et de ses échanges commerciaux. Selon une étude de l’Institut de l’économie mondiale de Kiel, entre 2016 et 2021, la Chine a alloué 185 milliards de dollars à 22 pays. Rien que l’année dernière, Pékin a annulé 23 prêts pour 17 pays africains.
Les médias américains évoquent activement la prétendue opacité des prêts chinois accordés aux pays africains. Pour cette raison, Pékin a été accusé de créer un « piège de la dette ». Selon les représentants chinois, Washington aime jouer cette carte dans sa rivalité pour l’influence en Afrique.
En même temps, les autorités américaines sont souvent critiquées pour la manière dont elles abordent le dialogue avec les pays africains. « Les questions du climat et de la protection de la démocratie sont devenues les principales priorités lors du sommet États-Unis-Afrique. […] Le développement de l’infrastructure n’a été abordé qu’une seule fois à l’issue du sommet, tout le reste tournait autour des valeurs ESG des entreprises américaines, des problèmes climatiques et de la protection de la démocratie», soulignent les observateurs du National Review.
Les analystes américains estiment que Washington pourrait remédier au mécontentement croissant par rapport à sa politique régionale en dépensant de manière ciblée les fonds alloués à l’aide humanitaire et en travaillant plus activement avec les entreprises de la région. Pour ce faire, les experts estiment que Washington devrait investir dans le développement des infrastructures des pays africains.
Alexandre Lemoine