Escalade high-tech en Afghanistan

A la cérémonie funèbre du soldat italien tué il y a quelques jours en Afghanistan, pendant laquelle l’archevêque militaire a défini la mission en Afghanistan de « solidarité humaine », ont participé les plus hauts représentants de la majorité et de l’opposition. Parfaite unanimité de la part de ce monde politique qui, dans une décision bipartisane, a envoyé les soldats italiens tuer et mourir en Afghanistan. Qu’une guerre soit en cours là bas, l’establishment et l’appareil médiatique ne le découvrent que quand des soldats italiens sont tués ou blessés. Le reste n’est que silence.

Il suffit par contre de parcourir les comptes-rendus officiels du Pentagone pour avoir le cadre réel de ce qui se passe en Afghanistan. Depuis que le président Obama a mis aux commandes de l’opération le général David Petraeus, pour remplacer en juin dernier le général Stanley McChrystal qui avait critiqué la Maison Blanche sur la conduite de la guerre, l’offensive des forces des USA/ OTAN s’est  intensifiée. L’aviation a effectué en 2010 plus de 30 mille opérations d’ « appui aérien rapproché » et, au second semestre, le nombre des attaques avec bombes et missiles a doublé à environ 1.000 par mois. On a aussi intensifié l’usage des avions sans équipages, en particulier les MQ-9 Reaper armés de missiles et de bombes à direction laser, contrôlés par un pilote et un technicien de senseurs installés à une console à 12 mille Kms de distance, au Nevada. Le parachutage de matériel de guerre pour les troupes a quasiment redoublé, atteignant environ les 250 mille quintaux annuels.

Malgré l’annonce par la Maison Blanche de vouloir commencer à retirer ses propres troupes en juillet, on continue à potentialiser la base aérienne de Bagram : avec un personnel de plus de 30 mille militaires (le double d’il y a deux ans), elle fonctionne comme centre de commandement et hub logistique. Il en va de même dans la base aérienne de Kandahar, pour la potentialisation de laquelle l’OTAN a alloué un demi milliard de dollars. Bases mineures et avant-postes compris, les forces USA/OTAN disposent en Afghanistan d’environ 700 bases, dont 300 mises à disposition des forces gouvernementales afghanes.

A Mazar-e-Sharif, au nord du pays, est en construction (avec un investissement de 100 millions de dollars) le quartier général des forces pour les opérations spéciales, dont l’utilisation a fortement augmenté : selon le bilan officiel, dans les trois derniers mois, environ 2.500 « insurgés » ont été tués ou capturés. Pour ces opérations secrètes sont employées les technologies les plus avancées : comme des scanners pouvant repérer une personne derrière une paroi ou dans un souterrain.

Le Pentagone est en train de réaliser en même temps un fichage de masse de la population, avec une technique d’identification biométrique. L’appareil le plus utilisé, un scanner qui photographie l’iris de l’œil, avait déjà été employé pour ficher la population de Fallujah en Irak. Avec cette technique, environ 400 mille Afghans ont déjà été fichés, et leur nombre atteindra plus d’un million et demi au mois de mai. Ils vont s’ajouter aux millions de personnes du monde entier (parmi lesquels environ deux millions d’Irakiens) déjà fichés par le Pentagone, dont les bases de données sont séparées de celles du FBI.  

Photo courtesy of U.S. Army

Un soldat américain scanne un iris. Source : US Army.

Chaque personne est classée comme amie ou ennemie des Etats-Unis, fiable ou suspect. Et ainsi, quand elle est arrêtée et son œil scannerisé, son destin est automatiquement décidé par le fichier du Pentagone.

Edition de mercredi 5 janvier 2012 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Manlio Dinucci est géographe.



Articles Par : Manlio Dinucci

A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il a une chronique hebdomadaire “L’art de la guerre” au quotidien italien il manifesto. Parmi ses derniers livres: Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013; Geolaboratorio, Ed. Zanichelli 2014;Se dici guerra…, Ed. Kappa Vu 2014.

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