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États-Unis : Estime ou mépris pour le commandant Chavez
Par David Brooks
Mondialisation.ca, 09 mars 2013
La Jornada
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Les Etats-Unis d’Amérique se souviennent encore « ici cela sent le soufre » lancé contre Bush à l’ONU. Son insistance à faire la distinction entre le gouvernement et le peuple US, fut l’exploit le plus remarquable de la relation.

Aucune autre figure latinoaméricaine n’a occupé à un tel degré l’attention des dirigeants et des médias US au cours des 14 dernières années comme Hugo Chávez, et l’annonce de sa mort fut à nouveau le sujet des Unes et dans les couloirs du pouvoir.

Le filtre éditorial dans des médias de masse souligne ici que Chavez a laissé un pays « en crise », polarisé, divisé et plus, sans mentionner comment un tel homme politique a remporté la grande majorité des voix lors d’élections multiples qualifiées comme parmi les plus transparentes dans l’hémisphère ( contrastant juste avec celles réalisées aux États-Unis durant les mêmes années). C’est plus ou moins le scénario officiel ici, répété par les hommes politiques, les soi-disant « experts » et les commentateurs.

Comme aucun autre depuis l’époque de Fidel Castro quand il était le président cubain, Chavez a provoqué la réaction des États-Unis comme si le président vénézuélien et son projet étaient tellement puissants qu’ils menaçaient le dernier superpouvoir.

Apparemment ce fut du au fait de ne pas bien se comporter. Certains disent que c’était pour avoir osé imposer de nouvelles règles aux entreprises transnationales du secteur pétrolier et d’ autres pour dire des choses peu diplomatiques comme « ici ça sent le soufre » à la tribune de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies peu de temps après que ce soit exprimé le président de l’époque George W. Bush.

Dans cette salle, les diplomates du monde essayaient de cacher leurs sourires, tandis que les employés (assistants, escortes, secrétaires et autres) lâchaient ouvertement un éclat de rire devant la colère de la délégation US.

Peut-être l’exploit le plus remarquable du feu président dans la relation avec les États-Unis fut son insistance constante à faire la distinction entre le gouvernement et le peuple.

Tant dans les mots que dans les actes, Hugo Chavez a réussi à faire quelque chose que peu d’autres leaders mondiaux ont obtenu : gérer une politique avec les dirigeants et une autre parallèle avec la société US.

La politique que tous connaissent est celle du conflit avec les dirigeants, surtout avec une Maison Blanche d’abord républicaine et belligérante et après avec la démocrate qui a commencé avec diplomatie et a fini par rentrer dans la ligne de son prédécesseur, y compris l’expulsion pour la deuxième fois du même ambassadeur, Bernardo Álvarez.

Le Vénézuélien a cherché à créer des liens avec diverses communautés et secteurs us, un travail mené par l’ambassadeur Álvarez et son équipe extraordinaire, comprenant tant des relations avec la crème intellectuelle comme avec certains groupes plus marginaux de ce pays.

Cela fut obtenu grâce à des initiatives patronales, culturelles et sociales de toute sortes, depuis le programme –sans précédent- pour octroyer du combustible subventionné pour le chauffage à des centaines de milliers de familles pauvres réalisé à travers la compagnie pétrolière vénézuélienne aux États-Unis CITGO – comprenant plus de 250 communautés indigènes dans tout le pays (même en Alaska) – jusqu’aux échanges intenses avec les secteurs latinos, afroaméricains, progressistes, artistiques, sportifs et universitaires en long et large dans le pays.

Ainsi, un large éventail de voix ont eu une incidence sur la relation bilatérale, depuis les hommes politiques nationaux et locaux jusqu’aux artistes comme Harry Belafonte et Sean Penn, et aux intellectuel comme Gore Vidal, Noam Chomsky et Cornel West.

Les efforts diplomatiques s’exprimaient depuis le monde du base-ball professionnel ( qui compte plus de 60 joueurs vénézuéliens dans les plus grandes ligues pour donner de nouvelles facettes du pays sudaméricain) jusqu’aux circuits artistiques comme l’Orchestre Symphonique Simón Bolívar et sa vedette Gustavo Dudamel, ainsi que des dizaines d’échanges avec des organisations sociales et communautaires US.

Avec cela, le dialogue autour du Venezuela aux États-Unis s’est transformé et s’est beaucoup développé au delà des canaux officiels chargés de gérer la relation bilatérale. C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre le commentaire de Sean Penn mardi sur que « les États-Unis ont perdu à un ami qu’ils n’ont jamais su qu’ils avaient ».

Opinions rencontrées

Depuis l’annonce de son décès mardi, la Maison Blanche, diverses figures du pouvoir législatif et culturelles comme Penn et Oliver Stone, entre autres, ont déclaré leur estime ou mépris pour le commandant, comme l’a rapporté La Jornada (http://www.jornada.unam.mx/2013/03/…). Aujourd’hui ces avis sur la mort et la vie de Chavez ont continué depuis différents coins des États-Unis.

L’ex-président Jimmy Carter a affirmé aujourd’hui : « nous arrivons à connaître un homme qui a exprimé une vision pour apporter des changements profonds à son pays pour faire du bien spécialement à ceux qui s’étaient sentis niés et marginalisés ». Le Vénézuélien, a ajouté le Carter, « sera dans les mémoires par son affirmation audacieuse d’autonomie et d’indépendance pour les gouvernements latinoaméricains et par son habileté formidable de communication et de liens personnels avec ceux qui l’appuyaient dans son pays et à l’étranger, à qui il a donné espoir et le pouvoir d’agir ». Il a salué ses efforts d’intégration régionale, la réduction de la pauvreté et de l’intégration de millions de citoyens dans la vie politique. Bien qu’il admît qu’il y a des divisions, il a dit espérer que les dirigeants politiques construisent un « nouveau consensus » au Venezuela.

Des parlementaires et hommes politiques comme le représentant démocrate José Serrano ont salué le président décédé pour sa redistribution aux pauvres et son ardeur à rendre le pouvoir aux marginalisés.

Michael Moore, le cinéaste documentaliste le plus connu, a commenté sur Twitter qu’il se souvient quand il s’est trouvé avec Chavez au Festival de cinéma de Venise, où le Vénézuélien lui a dit que « il était content de connaître finalement quelqu’un que Bush haïssait encore plus que lui ».

Moore a souligné que le défunt dirigeant a déclaré que « le pétrole appartenait au peuple » et qu’il l’a utilisé pour éliminer 75 % de la pauvreté extrême et pour offrir une santé et une éducation gratuite à tous, et « cela l’a rendu dangereux. Les États-Unis ont approuvé un coup d’état pour le renverser bien qu’il ait été un président démocratiquement élu ».

L’acteur Danny Glover a déclaré aujourd’hui : « je m’unis à des millions … de personnes amoureuses de la liberté partout autour du monde, dans l’espoir d’un avenir prospère pour la carte démocratique et d’un développement social de la révolution bolivarienne … Tous embrassons Hugo Chavez comme un champion social de la démocratie, du développement matériel et de bien-être spirituel ».

Antonio González, vétéran leader latino et président de l’Institut William C. Velazquez, a commenté à La Jornada : « pour les Latinos des Etats-Unis, la contribution la plus grande de Chavez fut son exemple de comment des gens communs peuvent se lever et tracer leur propre cours dans l’histoire. Par cela, maintenant c’est le moment pour que les Latinos US s’ajoutent aux peuples de l’hémisphère pour obtenir la justice sociale dans l’esprit de la révolution bolivarienne de Chávez ».

Républicains, des félicitations

Elles n’ont pas manqué, les voix des adversaires, quelques unes avec en échosdes appels de ces dernières années pour renverser, voire assassiner, Chavez (surtout pendant la présidence de Bush).

La nouvelle vedette du Parti Républicain, le sénateur cubano-us Marco Rubio, a résumé le sentiment des antichavistes ici en affirmant que le Venezuela « mérite quelque chose de mieux, que la catastrophe socialiste des 14 dernières années » et que maintenant il y a une occasion pour clore « l’une de ses périodes les plus obscures de son histoire et de s’embarquer sur un nouveau, bien que difficile, chemin pour restaurer l’empire de loi, de principes démocratiques, de sécurité et un système de libre entreprise ».

Le Miami Herald n’a pas surpris après avoir condamné 14 ans de Chavez dans l’édition du jour (06/03/13), en écrivant que bien qu’il fût un « homme politique extraordinaire », comme leader national « ce fut un échec abject qui a plongé le Venezuela dans un abîme politique et économique ».

Devant des expressions si opposées provoquées ici par la mort de Chavez, l’unique conclusion, peut être, est que le pays le plus polarisé et divisé n’est pas le Venezuela, mais les États-Unis, (comme on peut le vérifier chaque jour à Washington par les échecs dans les négociations politiques sur le gestion de ce pays).

David Brooks, correspondant de La Jornada.

Depuis New York, le 7 mars 2013.

EU aún recuerda el “aquí huele a azufre” lanzado contra Bush en la ONU, La Jornada.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 8 mars 2013.

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