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Etats-Unis, l’Arctique et la doctrine Rumsfeld
Par Germán Gorraiz López
Mondialisation.ca, 01 mars 2021
Observateur continental
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Le transport maritime représente actuellement 95% de tout ce qui est transporté dans le monde, les deux tiers correspondant au trafic pétrolier et minier et un cinquième du total étant des porte-conteneurs. Les gros cargos seraient devenus des éléments essentiels pour maintenir la capacité d’exportation fébrile de la Chine, des tigres d’Asie ou de l’Union européenne puisqu’ils combinent la capacité de transporter environ 800 millions de tonnes avec des frets beaucoup plus compétitifs que le transport aérien et beaucoup moins polluants que le transport routier.

Selon les données du Lloyd’s Register Fairplay, un tiers de la flotte mondiale totale de navires marchands naviguerait sous pavillon de complaisance (Îles Marshall, Liberia, Chypre, Panama), des pays qui respecteraient les conventions internationales mais qui seraient laxistes avec la sécurité et la protection sociale de leurs employés, se traduisant par une réduction considérable des coûts pour les compagnies maritimes et la pratique endémique de laisser leurs navires obsolètes à leur sort avec leurs équipages.

L’Arctique, la dernière frontière. La route maritime du Nord et le passage du Nord-Ouest sont des voies maritimes le long des bords de l’océan Arctique (plus précisément le long des côtes nordiques du Canada et de la Russie) et combinent la capacité de fournir un moyen de transport des ressources naturelles (pétrole et gaz) extraites en l’Arctique ainsi qu’une réduction notable de la durée du trajet des expéditions de marchandises du Pacifique vers les côtes atlantiques de l’Europe et de l’Amérique du Nord (cette nouvelle route permettrait d’économiser 7400 milles sur les 11500 actuellement à emprunter pour relier Hambourg et Yokohama). Au cours de la première décennie du 21e siècle, l’intérêt pour le transport maritime entre l’Europe et l’Asie à travers l’océan Arctique aurait augmenté, en raison des dégels massifs qui ont ouvert la route de «l’océan de glace». Ainsi, à l’été 2009, deux navires de transport allemands ont emprunté la route de la mer du Nord sans l’aide de brise-glaces.

Du côté russe, le 14 août 2010, le premier pétrolier de gros tonnage a quitté les ports russes en empruntant la route de la mer du Nord vers l’Asie et en atteignant Pevek sur la péninsule de Tchoukotka et aussi, à l’automne 2010, la première cargaison de fer a été expédiée de Kirkenes en Norvège à la Chine via la route de la mer du Nord et la Chine a envoyé un navire marchand en Europe pour la première fois par le passage du nord-est et l’accès à l’Arctique aurait été sécurisé après la signature avec l’Islande d’un TLC alors que le Canada se prépare également pour une augmentation significative de l’utilisation de la route nord-ouest de l’Arctique. Les Etats-Unis et la Russie ont déjà mis en scène le début de la course au contrôle du trafic maritime et des vastes ressources de l’Arctique, car selon la Sustainable Life Foundation, les réserves énergétiques de l’Arctique, conditionnées jusqu’à présent par une mer glacée, hébergeraient environ 25% des réserves mondiales de pétrole et de gaz et, selon diverses sources, plus de 62 billions de mètres cubes de gaz et plus de 9 milliards de tonnes de pétrole ont été découverts dans les mers de l’océan Arctique et quelque 3,5 milliards de tonnes de pétrole ont été découverts dans les mers de l’océan Arctique.

La course au contrôle de l’Arctique. Bien qu’en théorie la souveraineté nationale s’arrête à 200 miles d’eau des côtes elles-mêmes, la Convention des Nations unies sur le droit maritime accorde des droits sur le plateau continental arctique à quiconque peut prouver sa propriété (rappelant l’anarchie initiale du Far West aux USA), c’est pourquoi en 2013 le 1er forum international sur l’Arctique s’est tenu dans la ville sibérienne de Salekhard, sous le titre explosif de «Arctique: territoire de dialogue». Ce sommet de l’Arctique visait à jeter les bases d’une coopération constructive entre les pays ayant un accès direct à l’Arctique, mais il n’a servi qu’à mettre en scène le manque de consensus entre ces pays englobés dans deux blocs antagonistes: d’une part, les Etats-Unis et ses pays occidentaux alliés, le Canada, la Norvège et le Danemark et d’autre part, la Russie, à la tête d’une coalition internationale qui inclurait l’Islande comme «porte-avions» de la Chine, de l’Inde et peut-être de l’Allemagne.

La Russie a planté son drapeau national dans le lit de l’océan Arctique sous la calotte glaciaire arctique, faisant valoir que son plateau continental s’y étend. Le Danemark revendique aussi la souveraineté du Groenland en faisant valoir que les deux régions seraient géologiquement liées par une chaîne de montagnes sous-marine. Les Etats-Unis revendiquent leurs droits d’exploiter les régions arctiques proches de l’Alaska qui s’élèvent à 30000 millions de barils de pétrole brut, tandis que le Canada et la Norvège revendiquent leur souveraineté sur une partie de la région en faisant valoir leur nécessaire protection écologique, laissant l’Islande comme «un avion transporteur chinois» après avoir signé un accord de libre-échange (FTA) qui permettra au géant asiatique d’accéder à l’Arctique.

D’un point de vue économique, la région arctique revêt une importance particulière puisqu’en raison du dégel progressif, une ancienne route navigable est récupérée qui ouvre la possibilité de traverser le passage du Nord-Ouest toute l’année. En outre, il offre aux compagnies maritimes une réduction considérable des temps de navigation qui aura comme effets collatéraux la diminution progressive du trafic maritime sur les routes maritimes traditionnelles du XXe siècle, qui est devenu une course d’obstacles compliquée en raison de la saturation du trafic et de l’instabilité politique du les pays environnants et qui auraient comme principaux points de repère le canal Suéz, le golfe d’Aden, le détroit d’Ormuz, le détroit de Malacca et le canal de Panama.

Germán Gorraiz López, analyste politique

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