Être parent : à la recherche de soi
Être parent, l’aboutissement logique d’une vie d’adulte, certes, mais…
Petite fille, je jouais à la poupée, comme la plupart des fillettes. À l’époque, cela n’avait rien de sexiste. Nous ne nous posions pas de questions et nous dorlotions nos poupées. Les garçons jouaient à la guerre, aux policiers ou aux pompiers. Quand une fillette tombait, papa accourait et la consolait. Si son frère tombait, papa lui expliquait qu’il était un homme, qu’il était très fort et que ce petit bobo était une broutille.
Aujourd’hui, les femmes ont le choix d’avoir des enfants ou pas. Ma mère biologique a mis sept enfants au monde, par accident. Est-ce que cela en a fait une mauvaise mère pour autant? Quant à moi, j’ai eux deux enfants plus que désirés. Je n’avais pour seule certitude que mon immense capacité de les aimer. Est que cela a fait de moi une bonne mère?
Il est très facile de devenir parent : le temps d’une étreinte suffit. C’est du moins le cas pour la plupart d’entre nous. C’est là que je m’interroge : cette facilité et ce pouvoir que nous avons de donner la vie ne sont-ils pas dangereux? Je pense sincèrement que nous devrions être soumis à un examen de compétences avant que nous puissions procréer. Comme un permis de conduire. Curieux de ma part, moi qui ne cesse de rager contre les formes de contrôle et de censure qui nous sont imposées aujourd’hui.
Donner la vie à un enfant est la plus lourde responsabilité que nous allons endosser et nous l’ignorons souvent. La conduite de véhicules motorisés est réglementée pour la sécurité de tous, alors pourquoi ne pas protéger un enfant en devenir?
Il y a des parents naturellement doués, d’autres qui ne le seront jamais. Quand j’étais traductrice et interprète, j’ai souvent été amenée à traduire des dossiers de demande d’adoption. Le processus était très long et très exigeant pour les aspirants parents. Je pense qu’il y avait très peu de place à l’erreur. J’ai eu la possibilité de constater que mes amis qui ont adopté sont des parents hors pair. J’ai également connu des parents biologiques remarquables. Je pense que, dans les deux cas, ils étaient conscients de leur responsabilité. Toutefois, nous sommes très peu nombreux à réfléchir et à essayer d’aller au-delà de notre pulsion de nous reproduire. Un jour, le besoin impérieux de devenir parent s’impose. Une force souvent irrationnelle, un besoin d’accomplissement de soi. C’est là que le bât blesse.
Être parent ne se limite pas à un statut. C’est la mise au monde d’un individu autonome qui va exister en dehors de nous. Un regard distancié, quasi chirurgical, me semble indispensable afin de pouvoir examiner froidement en quoi ce rôle consiste. J’ai des amies qui assument honnêtement leur état de non-mères et disent clairement qu’elles ne se sentaient pas aptes à être mères. D’autres amies estiment qu’il n’y a point de salut sans la maternité. Ce qui compte en bout de ligne c’est la prise de conscience du caractère quasi sacré de la mise au monde d’un enfant. C’est d’ailleurs tout aussi valable pour les pères.
La naissance, et j’inclus le père, est un acte à la fois extatique et douloureux. Je me souviens des heures qui ont suivi la naissance de mon fils. J’avais 27 ans et c’était mon premier enfant. Je ne cessais de m’émerveiller que moi et son père ayons été à l’origine d’un tel miracle. Un miracle facile quand on est jeune et en bonne santé.
Lors du processus d’adoption, les aspirants parents sont passés à la loupe. Questionnaires, tests et rencontres avec des professionnels visent à vérifier leurs compétences. Ce stress est souvent lourd à porter, mais leur permet de s’assurer qu’ils sont prêts à relever le défi et d’accepter qu’ils devront se remettre en question jusqu’à la fin de leur vie. L’éducation d’un enfant n’offre aucune garantie de succès.
Je doute souvent de mes qualités de mère, même si mes enfants sont adultes. Je sais seulement que je les ai aimés et que je les aime. J’ai appris à les laisser s’éloigner et à leur faire confiance. J’ai également accepté mes erreurs.
Nos enfants ne sont pas le miroir destiné à satisfaire notre narcissisme. Leur rôle n’est pas de nous renvoyer l’image positive qui nous permettra de nous sentir bien. Ce sont avant tout des êtres autonomes que nous devons guider afin qu’ils s’épanouissent et prennent leur envol. Ni miroir ni punching-ball. Ils ne sont pas là pour nous valoriser et nous rassurer.
Le succès d’un parent, c’est de rendre son enfant autonome et libre.
Ouvrez ouvrez la cage aux oiseaux, comme chante Pierre Perret.
Claude Jacqueline Herdhuin